Les agriculteurs sont tous plus ou moins touchés par l’arrêt total de l’activité touristique dans les deux Savoie, et par les mesures sanitaires prises par le gouvernement pour pallier l’épidémie de Covid-19. Le président de la chambre d’agriculture Savoie-Mont-Blanc, Cédric Laboret, fait le point sur la situation des agriculteurs de Savoie et Haute-Savoie.
Eco Savoie Mont-Blanc : Quelles sont les répercussions de l’épidémie sur les agriculteurs ?
Cédric Laboret : Nous avons déjà perdu le mois de mars puisque la saison touristique s’est terminée brutalement. En termes de ventes, cela va forcément se répercuter sur tous les agriculteurs de Savoie et de Haute Savoie.
Pour la filière laitière, principale activité de notre secteur, une baisse de la production a été demandée à tous les agriculteurs, en concertation avec l’interprofession des Savoie. Il a été décidé une baisse de 10 % pour les IGP (tomme, raclette et emmental de Savoie), et de 20 % pour les AOP (abondance, reblochon, tome des Bauges). Les produits IGP et AOP demandent globalement plus de main-d’œuvre, donc, pour soulager les ateliers de transformation qui travaillent en effectif réduit, il fallait alléger le volume de lait à transformer.
La filière viticole travaille beaucoup avec les stations de ski et les restaurateurs : ses professionnels sont directement impactés par l’arrêt total de l’activité touristique et leurs ventes sont en baisse. Ils ne savent pas trop si les restaurateurs vont pouvoir payer les commandes de février, et on se demande aussi s’il ne va pas y avoir un décalage de trésorerie.
Pour la filière arboricole, il leur reste de la production à écouler, notamment ceux qui étaient sur les marchés. Même si la plupart des villes essayent de les maintenir, ce n’est pas le même chiffre d’affaires qu’avant l’épidémie.

ESMB : Quelles sont les filières les plus fortement impactées ?
C. L. : Je pense tout d’abord à la filière horticole. Avec le dispositif mis en place par le gouvernement, les horticulteurs ne peuvent pas vendre leurs plantes vertes. Quelques-uns ont commencé à jeter leur production car ils n’ont pas le choix. On a fait un sondage : les six exploitations qui ont répondu avaient un chiffre d’affaires prévisionnel de 850 000 euros et elles ont réalisé 270 000 euros, ce qui correspond à moins d’un tiers. On essaye d’obtenir des dérogations pour qu’ils puissent au moins vendre les plans potagers, par exemple pour qu’ils puissent se mettre sur un point de vente avec d’autres *.
« Globalement, tout le monde
Cédric laboret
s’entraide et essaye de trouver
des solutions. »
La filière des petits ruminants, notamment caprins et ovins, est aussi très impactée. C’est la pleine période d’agnelage ; les femelles viennent de faire les petits et sont en pleine production de lait. En général, les producteurs écoulaient ce lait en vente directe et sur les marchés, donc cela va être une vraie problématique pour eux.
Ces filières-là sont vraiment très exposées et, en plus, elles ont peu d’organisations collectives, contrairement à la filière lait qui est quand même pas mal organisée.
ESMB : Est-ce que les agriculteurs arrivent globalement à bien travailler ? Qu’en est-il de leur main-d’œuvre ?
C. L. : Tous les producteurs se sont organisés et travaillent en petits effectifs pour respecter les normes sanitaires mises en place. La question va commencer à se poser lorsqu’il faudra trouver de la main-d’œuvre supplémentaire sur l’ensemble des filières, pour la filière vin, la filière arboricole et le maraîchage notamment. On ne sait pas où l’on va la trouver : les saisonniers et les travailleurs étrangers employés en temps normal sont bloqués et ne peuvent, pour l’instant, pas venir. Aujourd’hui, je ne suis pas capable de chiffrer ce manque et l’impact que cela va avoir, mais il y a un vrai questionnement de ce côté-là.
Globalement, tout le monde s’entraide et essaye de trouver des solutions. Les agriculteurs se sont mis d’accord, ils essayent de mutualiser les magasins : quand il y en a un qui a un point de vente chez lui, ils essayent de mettre en commun leur production. Cela évite aussi aux clients de multiplier les déplacements. Donc, on a pas mal d’initiatives entre agriculteurs, et chacun s’organise ; certains mettent en place des drives, d’autres arrivent à faire des livraisons directement au domicile des consommateurs.
Propos recueillis par Alexia Bontron
*Le sénateur de Haute-Savoie Cyril Pellevat avait sollicité une dérogation auprès du préfet Pierre Lambert pour que les horticulteurs puissent organiser des drives. Elle a été acceptée lundi 30 mars.
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