À l’occasion de la sortie du documentaire “Nous, consommateurs”, les deux co-initiateurs de la marque reviennent sur sa genèse.
Mercredi 15 novembre, le documentaire “Nous, consommateurs” d’Anne-Sophie Lévy Chambon est diffusé au cinéma l’Amphi, à Bourg-en-Bresse, avant une tournée dans les régions. Il raconte comment la marque de consommateurs C’est Qui Le Patron ? ! a sauvé de nombreuses exploitations laitières. L’Académie de la Bresse saisit la balle au bond et invite les deux co-initiateurs de la marque, Nicolas Chabanne et Martial Darbon, à témoigner ce soir-là auprès des spectateurs, en plus des producteurs associés à la démarche.
Le premier représente un groupe de consommateurs déjà à l’initiative du label Les Gueules Cassées, qui limite les gaspillages alimentaires en valorisant les légumes moches. Le second préside la coopérative laitière Bresse Val de Saône, qui comptait 51 exploitants et faisait vivre 80 familles, quand leur rencontre a lieu par une série de concours de circonstances. Nous sommes en 2016 et une importante crise du lait sévit alors. Avec la fin des quotas et l’ouverture du marché, les producteurs se retrouvent avec un prix d’achat de 21 centimes, qui ne couvre pas leurs frais.
« Chaque traite représente 120 euros de perte, raconte Nicolas Chabanne. La hantise de Martial, à l’époque, c’est qu’un exploitant de la coopérative commette un geste désespéré. Je demande donc combien il manque aux producteurs, pour leur permettre de s’en sortir : 8 centimes. Le calcul est rapide, à raison d’une moyenne de 50 litres par habitant, cela ne représente que 4 euros par an pour le consommateur final. » Restait à savoir si ce dernier se laisserait convaincre… Il s’est vendu 33 millions de litres de lait C’est Qui le Patron ? ! au cours de la première année, bien plus que ce qui avait été escompté.
Aujourd’hui, la brique se vend 1,27 € contre 0,99 au lancement en 2016. Il n’empêche qu’avec 70 millions de briques de lait en code-barres unique chaque année, la marque C’est Qui Le Patron ? ! est aujourd’hui leader en France. Et elle continue de progresser, alors qu’avec l’inflation, les volumes ont baissé de 3,8 % au rayon lait des supermarchés. Sur chaque litre, 54 centimes reviennent au producteur.
« Grâce à cela, personne n’a sombré. Les éleveurs ont retrouvé une rémunération normale. Et le renouvellement des exploitations a pu s’opérer au taux de un pour un. Notre coopérative n’a perdu aucun adhérent », se réjouit Martial Darbon. Et ce constat dépasse largement le cadre de la Bresse. « Au démarrage, notre industriel partenaire collectait le lait sur sept départements. C’est 22, aujourd’hui. La marque fait vivre 340 exploitations et quelque 3 000 familles. »
Un cahier des charges par les consommateurs
« Nous avons sondé nos adhérents pour bâtir notre cahier des charges. C’est lui qui a déterminé notre prix de vente, explique Nicolas Chabanne. Au tarif de base de 69 centimes par litre, nous avons ajouté les 8 centimes nécessaires à permettre aux producteurs de vivre, 5 centimes pour exclure les aliments OGM, 1 centime pour des fourrages locaux, 2 centimes pour trois à six mois de pâturage dans l’année, etc. C’est ainsi que nous sommes parvenus à un prix de départ de 99 centimes, dont 39 centimes pour l’exploitant agricole. C’était le montant nécessaire pour nous permettre d’écrire sur la brique : “Ce lait rémunère le producteur au juste prix”. »
Et puisque la démonstration était faite que le consommateur était prêt à suivre, le succès de la marque C’est Qui Le Patron ? ! a fait remonter les cours dans leur ensemble. « Elle a modifié la contractualisation entre producteurs et distributeurs », assure Martial Darbon.
Sébastien Jacquart
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