Chômer, c’est trop dur

par | 07 avril 2020

Dans la “vraie vie”, comment le plan de soutien aux entreprises se met-il en place ? Assurer les formalités pour le remboursement du chômage partiel ne semble pas toujours une partie de plaisir. « Un peu de patience », répondent… les organisations patronales, pour une fois compatissantes envers l’administration !

Vendredi 13 mars, journée noire. Les clients et fournisseurs de cette PME haut-savoyarde ferment les uns après les autres. Pas d’autre solution que de placer une partie du personnel en chômage partiel. Ça tombe bien, l’État accompagne la démarche. Première demande pour une des entités de ce petit groupe. Seconde demande, le mardi suivant, pour les deux autres entités. Tout devrait aller vite, puisqu’il est précisé sur le site officiel que les identifiants seront délivrés sous 48 heures maximum.
Quarante-huit heures après, toujours rien. Premier appel au numéro vert, suivi de six autres. Impossible d’obtenir quelqu’un, la plateforme est visiblement saturée. Le lendemain (on est le 20 mars), nouvel appel, à l’aube pour être dans les premiers. Après une demi-heure d’attente, enfin quelqu’un au bout du fil. Oui, la plateforme est saturée, mais tout va se remettre en ordre, laissez-nous encore 48 heures. D’accord.

Le ton monte

Quatre jours après, toujours rien. Allo, le numéro vert ? Impossible à joindre, neuf fois de suite.
Encore deux jours plus tard (on est le 26, treize jours après la première demande), enfin un interlocuteur à qui parler, au… vingt-septième appel. Il s’emploie de nouveau à rassurer la directrice des ressources humaines du petit groupe, inquiète de voir s’approcher l’échéance des salaires de mars : « Pas de panique, les identifiants vont arriver. »
Le week-end passe. Lundi matin, toujours rien… Nouvelle séance de téléphone. Cette fois, il faut cinquante-quatre appels (relevés téléphoniques à l’appui, assure notre DRH) pour avoir quelqu’un. Cette fois-ci, c’est vrai, le ton monte un peu. Au bout du fil, l’agent administratif reprend le dossier, fait une nouvelle demande d’identifiants et, douze minutes plus tard, assure : « C’est tout bon, dans une semaine au maximum vous avez tout. »
Premier avril : les bulletins de salaires sont finalement réalisés avec le chômage partiel, mais sans savoir avec certitude si le dossier est accepté.

Une situation exceptionnelle ? Aussi bien au Medef Savoie qu’à la CPME Haute-Savoie, on reconnait que le système met du temps à se mettre en place. Mais les deux syndicats, pourtant plutôt remontés en général contre l’administration, ont plutôt tendance cette fois à prendre sa défense.

« Comprenons-les »

André Falcomata : « Selon mes informations, les banques jouent le jeu. »
Marine Coquand : « Les entreprises doivent présenter des dossiers étoffés. »

« Il est exact que les systèmes d’attribution des codes nécessaires aux dossiers ont été submergés », confirme Marine Coquand, secrétaire générale du Medef Savoie. « Les plateformes informatiques ont même été parfois volontairement déconnectées pour des mises à jour. Mais l’administration nous rappelle que les entreprises ont trente jours pour les recevoir et qu’elles les recevront. »
Même discours chez André Falcomata, secrétaire général de la CPME Haute-Savoie, qui confirme : « Certaines entreprises ont déposé leur dossier à la mi-mars et n’ont toujours pas leurs codes. Mais pas de panique, la situation va peu à peu revenir à la normale. La délégation départementale de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) nous assure qu’aucune demande ne sera perdue, et que les entreprises ont, de manière exceptionnelle, jusqu’au 16 avril pour déclarer le chômage partiel de mars. »
OK, mais les entreprises ont besoin de savoir si leur dossier sera accepté ou pas. « En Savoie, je n’ai pas entendu parler de dossier de chômage partiel bien rempli qui serait refusé », répond Marine Coquand. « Certaines entreprises se sont faites retoquer parce qu’elles ne donnaient que « Coronavirus » comme motif. Nous encourageons nos adhérents à monter un dossier plus étoffé, qui démontre de façon probante que leur entreprise ne peut raisonnablement plus travailler : parce que ça lui est interdit, parce que ses fournisseurs sont fermés, parce qu’il ne lui est pas possible de remplir les conditions sanitaires… »
Tant pis pour les entreprises trop fragiles, alors ? « C’est vrai, les entreprises vont être amenées à avancer les 70 % des salaires à verser », reconnaît André Falcomata. « Mais selon mes informations, toutes les banques jouent le jeu et acceptent les découverts pendant cette période, sans agios. » « Les mesures seront a priori surtout utiles pour le paiement des salaires d’avril », confirme Marine Coquand. Et celles qui ne parviennent pas à régler ceux de mars ? « Elles peuvent demander à bénéficier des prêts garantis par l’État. Mais c’est évident que les entreprises déjà fragiles avant la crise le seront encore plus. Et même si ce prêt est conçu pour être attribué de façon plutôt bienveillante, il reste un prêt bancaire : il sera accordé s’il est démontré que les difficultés rencontrées sont bien attribuées au Covid-19 et pas à des difficultés de trésorerie antérieures. »
En Haute-Savoie, André Falcomata est sur la même ligne : « La Direccte a visiblement été dépassée par le nombre d’entreprises faisant appel au chômage partiel. On estime qu’aujourd’hui un salarié sur cinq bénéficie du dispositif. Le gouvernement tablait sur une dépense de sept à huit milliards, on en est à douze… Je comprends que le gouvernement s’assure que les entreprises ne profitent pas d’un effet d’aubaine. »


Philippe Claret
(Photos © ESMB)
Image à la une : Thomas Lefebvre sur Unsplash

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