Circuits courts : les collectivités travaillent le terrain

par | 29 novembre 2019

De plus en plus de collectivités publiques s’engagent dans des démarches de soutien aux circuits courts. Objectif : apporter une alimentation de proximité aux habitants.

«Tendre vers l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2050. » À défaut d’être réaliste, l’objectif de Grand Lac a le mérite de mettre la barre haut. La communauté d’agglomération du lac du Bourget entend ainsi développer les circuits courts et soutenir l’agriculture de son territoire. Comme elle, de nombreuses autres collectivités des deux Savoie mettent le thème au menu de leurs priorités.

Par souci de développement durable comme pour soutenir l’économie. Toutes ne le font cependant pas de la même manière. Une grande partie d’entre elles initie la démarche par le biais de leur service de restauration collective. C’est le cas de la communauté de communes de la vallée de Thônes qui, depuis 2014, sert des produits locaux à fréquence régulière dans les établissements scolaires de douze communes, notamment grâce au réseau de professionnels “Saveurs des Aravis”.

Du goût et un coût

C’est aussi ce qui a motivé la communauté de communes Arlysère à débuter, en 2018, un vaste chantier de mise en relation des producteurs et des gestionnaires des cuisines collectives. « La première année, se souvient Julien Cosme, conseiller circuits courts à la Chambre d’agriculture Savoie Mont Blanc, on a commencé par identifier précisément les demandes. Il s’agissait, pour les cantines, de dire avec exactitude combien de fois elles voulaient servir des produits locaux à table, quels types de produits, quelles quantités, etc. »

Le “bio” représente seulement 3 % des achats de la restauration collective.

Sachant dès le départ que la démarche aurait du goût, mais aussi un coût supplémentaire. Les restaurateurs étaient également mis en réseau pour fédérer leurs commandes. « Cela permet de rentabiliser les livraisons des petits exploitants. » Ce sont ensuite les 100 agriculteurs du territoire qui ont dû passer à table et répondre aux demandes d’Arlysère. Après analyse, il s’est avéré que seuls 25 % d’entre eux étaient aptes à livrer quelque chose. Les autres ayant tous leurs débouchés propres. Au printemps 2019, un premier test était réalisé en demandant aux restaurants de commander au moins deux fois avec deux producteurs en deux mois.

Le maraîchage est confronté dans les Savoie à la pénurie foncière.

Résultat : « Au départ, on avait 23 liens établis entre producteurs et restaurants et à la fin des deux mois, on en a enregistré 43. Les cuisiniers ont découvert des producteurs qu’ils ne connaissaient pas. » D’autres collectivités, comme Annecy, font le choix de travailler sur leurs appels d’offres pour faire entrer plus de produits locaux dans les assiettes de leurs écoliers, seniors et autres bénéficiaires de repas élaborés dans les cuisines centrales. « Annecy est en train d’écrire quatre appels d’offres différents : un pour les produits laitiers, un pour la viande, un pour les fruits et le dernier pour les légumes, énumère Julien Cosme. Celui qui concerne les produits laitiers bannit par exemple les fromages type Kiri. »

Grand Lac a pour sa part choisi le projet alimentaire territorial (PAT). Une labellisation de l’État qui donne surtout une reconnaissance et peu de subventions. Un million et demi d’euros y sont consacrés tous les ans, soit environ 48 000 euros par projet : pas de quoi en faire un fromage. En revanche, le PAT répondait à la volonté de l’intercommunalité d’impliquer un maximum d’acteurs. « Si on veut favoriser les circuits courts, résume Fabrice Burdin, chargé de mission agriculture, on ne peut pas se contenter de travailler avec les seuls agriculteurs. »

Après avoir réalisé un diagnostic alimentaire du territoire, qui faisait ressortir un manque criant en maraîchage (7 hectares de légumes seulement) et une agriculture tournée en majorité vers la production laitière (46 % des exploitations), cinq thématiques de travail ont été identifiées et présentées dernièrement à une cinquantaine de participants, agriculteurs et professionnels divers.

Reste maintenant à creuser chacune d’entre elles pour faire pousser des actions concrètes. Des pistes ont déjà été évoquées veille foncière, réunions de concertation lorsqu’un exploitant s’arrête, création d’une structure de portage de foncier, reconquête de friches, mutualisation des outils agricoles, zones d’expérimentation de nouveaux modes de culture (comme l’agroforesterie en Chautagne), etc. Quelle que soit la méthode choisie, une chose est certaine : massifier les circuits courts sera… long.

Le Faucigny, gourmand mais pas que

C’est sans aucun doute l’un des précurseurs en Pays de Savoie : le Faucigny s’est engagé dans une démarche de soutien aux circuits courts dès 2013, dans le cadre de son contrat de développement durable de Rhône-Alpes (CDDRA). Après avoir mesuré l’intérêt des professionnels à s’approvisionner localement (un tiers se disait prêt), un livret intitulé Faucigny gourmand a été édité en 2018 en partenariat avec les chambres d’agriculture, des métiers et du commerce.

Un guide destiné aux professionnels (restaurateurs, artisans des métiers de bouche, épicerie, grandes et moyennes surfaces, etc.) pour leur permettre de mieux identifier les producteurs locaux. De quoi gommer les freins auparavant recensés, tels que la connaissance des acteurs de la filière, la connaissance de l’offre et l’utilisation des produits. Parallèlement, des rencontres ont été organisées sur le territoire entre professionnels pour que chaque partie (agriculteur comme acheteur de produits) appréhende au mieux les attentes réciproques.

3 types d’aides

L’opération “Les pros à la ferme” a permis de réunir deux mondes : agriculteurs et socioprofessionnels acheteurs potentiels de leurs produits.

Aujourd’hui, le soutien aux circuits courts passe par un volet d’un programme Leader (fonds européens) porté par la communauté de communes Cluses Arve et montagnes (2CCAM, dix communes). Trois types d’aides différentes sont possibles depuis 2017 et jusqu’en 2022. Les exploitants agricoles souhaitant accueillir des clients sur leur exploitation pour commercialiser leurs produits peuvent ainsi bénéficier d’un coup de pouce financier.

L’achat d’un véhicule réfrigéré à destination des éleveurs de la filière viande se rendant à l’abattoir de Megève est à l’étude. Enfin, des aides existent pour les collectivités locales et les associations désireuses de mettre en place des événements de sensibilisation aux circuits courts alimentaires et à la promotion des produits locaux. Une nouvelle mouture du Faucigny gourmand devrait aussi voir le jour, mais destinée cette fois à un public beaucoup plus large, habitants du territoire comme touristes de passage.


Par Sylvie Bollard


Cet article est paru dans votre magazine ECO Savoie Mont Blanc du 29 novembre 2019. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, vous pouvez vous abonner ici.

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