L’usage des armes à feu en France et en Suisse témoigne d’une dynamique complexe entre traditions culturelles et régulations strictes. Instruments de puissance et de controverse, les armes suscitent des débats passionnés. On fait le point.
En Suisse : un nombre record d’armes à feu
La Suisse abritait plus de 3,4 millions de pistolets et fusils, selon les données de 2017 de l’ONG Small Arms Survey, basée à Genève. Soit près de la moitié des citoyens civils possèdent une arme, ce qui place le pays en troisième position des nations les plus armées au monde derrière les États-Unis et le Yémen, rapporté à sa population totale ; en réalité à la seizième place en volume.
Pour autant, à peine 20 % des homicides sont commis par arme à feu dans la Confédération et le nombre de morts, y compris les suicides, est en baisse constante depuis vingt-cinq ans. Ce volume s’explique notamment par l’organisation même du service militaire suisse, obligatoire pour les jeunes hommes.
Les recrues reçoivent en effet une arme personnelle qu’ils gardent théoriquement chez eux jusqu’à ce qu’ils ne soient plus astreints au service de la défense du pays (aux environs de 35 ans) et qu’ils peuvent éventuellement conserver après. Sachant que cette disposition n’est en rien obligatoire.
« La Suisse abritait plus de 3,4 millions de pistolets et fusils. Soit près de la moitié des citoyens civils possèdent une arme, ce qui place le pays en 3e position des nations les plus armées au monde derrière les États-Unis et le Yémen, rapporté à sa population totale. »
Maîtrise législative et pratique
Le nombre de permis pour les revolvers, les pistolets et les armes semi-automatiques a été démultiplié dans les cantons romands en un peu plus de dix ans, avec en parallèle une hausse des inscriptions dans les stands de tir. Jusqu’à la votation établissant une révision de la loi pour durcir la condition de détention de certaines armes approuvée à près de 65 % en 2019 qui a ralenti quelque peu les acquisitions.
Ce sont les semi-automatiques dotés d’un magasin à grande capacité qui sont visés, notamment quand ils ne proviennent pas d’une utilisation militaire initiale. Concernant la législation, pour porter une arme dans des lieux publics, il faut avoir sur soi un permis délivré par l’autorité cantonale et valable dans tout le territoire suisse. Des dispositions qui peuvent néanmoins varier selon le type d’arme et l’utilisation si c’est pour la chasse, du tir sportif, des collections et la protection.
L’autorisation de port d’armes n’est accordée que si le demandeur peut prouver qu’il a besoin de porter une arme pour, par exemple, assurer la sécurité de lieux privés ou de personnes dans le cadre d’une profession, ou s’il est établi qu’il doit faire face à un danger nécessitant d’avoir une protection sur soi. Il faut de toute façon passer un examen validant la capacité de manier une arme, sachant que le demandeur doit aussi connaître les dispositions légales en matière d’utilisation d’armes.
France : une réglementation en fonction de l’usage
En France, le nombre d’armes détenues légalement se monte à quatre millions d’unités contre environ dix millions d’armes illégales, selon les données du ministère de l’Intérieur. Fin 2022, une opération spéciale, « Déposez les armes », a permis aux Français, sur la base du volontariat, de déclarer aux autorités celles en leur possession, reçues par héritage ou trouvées, afin de les faire enregistrer dans le Système d’information sur les armes (SIA) ou de les abandonner.
En tout 150 000 armes, quatre millions de munitions auraient été retirées de la circulation et 50 000 régularisées. Le SIA est destiné aux particuliers titulaires d’un permis de chasse, à ceux souhaitant conserver une arme trouvée ou héritée sans titre de détention (ni permis de chasse, ni carte de collectionneur, ni licence sportive des fédérations de tir, de ball-trap ou de ski biathlon).
Dans l’Hexagone, le port d’armes est autorisé pour les chasseurs, les pratiquants du tir sportif ou les collectionneurs dans le respect de la réglementation sur leur détention et leur transport.
Nouveaux quotas
A noter qu’un décret a été publié le 3 juillet dernier pour une mise en application le 1er janvier 2024 modifiant le régime des armes et des munitions. Il précise en particulier quelles sont les activités avec armes autorisées avec ou sans agrément, pour prouver des compétences professionnelles en rapport. Et définit également de nouveaux quotas d’armes pour les clubs de tir et les particuliers passant de 12 à 15 armes et de 2000 à 3000 munitions dans le cadre prévu par la loi.
Les armes en général sont classées selon différentes catégories soumises à des obligations spécifiques détaillées sur le site service-public.fr : A (interdiction), B (autorisation), C (déclaration) ou D (vente libre). Les armes de poing (pistolet, revolver) peuvent être détenues en cas de risques professionnels, sur le lieu de travail, voire une seconde arme à domicile ou dans la résidence secondaire.
Par ailleurs, il est impératif de déclarer tout changement d’adresse à la préfecture en cas de détention d’une arme de catégories A, B ou C. En cas de vol, il faut également le déclarer immédiatement auprès de la police ou de la gendarmerie en précisant la marque, le modèle, le calibre, le numéro de série et la catégorie de l’arme, de l’élément d’arme ou des munitions concernées.
Sandra Molloy
Cet article est issu de notre magazine L’Extension Hiver 2023, accessible gratuitement en ligne >>
0 commentaires