Aucun secteur n’échappe à la crise provoquée par l’épidémie et la nécessité de confiner un maximum de gens pendant deux mois. Seule certitude aujourd’hui, ses conséquences seront majeures et durables.
Sans précédent. C’est le qualificatif qui revient le plus souvent à propos de la crise déclenchée par le coronavirus. Sans précédent, parce qu’elle touche l’économie dans son ensemble à la différence de la crise de 2008-2009. « Je n’ai jamais vu çà et j’ai pourtant une certaine expérience en matière de crise ayant commencé en 1972-73 confie Guy Métral, décolleteur, et président de la CCI 74 ». Le tourisme a été le premier frappé le 15 mars, avec la fermeture des stations de ski alors en pleine saison.
À ce titre en mars, la Savoie est le département français ayant enregistré la plus forte chute d’activité avec un décrochage de 38 % (la Haute-Savoie la suit à 36 %). Avec le confinement, les commerces (hors produits de première nécessité), les restaurants, les cafés, ferment du jour au lendemain. Le secteur de l’événementiel est lui aussi l’un des premiers frappés au coeur, avec l’annulation de dizaines de manifestations tandis que théâtres, cinémas et salles de spectacles doivent aussi fermer.
Une véritable catastrophe
Dans la foulée, l’industrie ou le BTP ne sont pas complètement arrêtés mais très fortement ralentis. Des sites stoppent leur production par exemple chez Somfy le temps de réorganiser les ateliers avec les nouveaux impératifs sanitaires. Le temps aussi de placer des milliers de salariés en télétravail. Au fil des semaines on prend conscience de l’ampleur de la catastrophe. « Ce sont nos moteurs, le tourisme et l’industrie, qui sont frappés, commente Guy Métral ». Le décolletage, où beaucoup d’entreprises dépendent tout ou partie de l’automobile et de l’aéronautique, est particulièrement menacé. Les services aux entreprises sont aussi fortement impactés avec l’annulation de projets ou l’arrêt de chantiers ainsi que la diminution globale d’activité chez leurs clients.
Trois mois plus tard, en cette mi-juin, l’activité commence à reprendre ; les commerces ont rouvert, ainsi que les cafés et restaurants mais avec des conditions de sécurité sanitaire draconiennes (entraînant de gros surcoûts pour des établissements souvent déjà en difficulté de trésorerie) qui limitent les flux et rabotent les chiffres d’affaires sous le seuil de rentabilité minimum. Beaucoup de chantiers de BTP ont redémarré même si les travaux publics sont toujours pénalisés par le report du second tour des municipales au 28 juin, qui empêche beaucoup de projets de voir le jour. Le tourisme veut croire que l’été va permettre de revoir des visiteurs cet été en attendant un hiver bien incertain. Et l’industrie espère aussi ; mais globalement les prévisions sont particulièrement sombres. Le 5 juin Franck et Pignard, 375 salariés, et ex-fleuron de la vallée de l’Arve, a été placée en redressement judiciaire.
Guy Métral prévoit un automne très difficile pour l’industrie et n’attend pas de véritable reprise avant 2022, voire 2023. « Dans le décolletage, commente-t-il, les carnets de commandes actuels sont au mieux à 40 % du volume habituel ». Les mesures d’aides sociales et fiscales prises pendant le confinement ont certes aidé pour l’instant à limiter la casse et éviter des faillites en cascade ; plus de 70 % des entreprises ont eu recours au chômage partiel ce qui a permis pour le moment d’éviter des licenciements massifs. Mais le chômage s’envole déjà, avec une explosion en avril à +30,8 % en Savoie et +29,1 % en Haute-Savoie, car beaucoup de contrats d’intérim ou de CDD utilisés très couramment par les sociétés en temps normal n’ont pas été renouvelés à cause des baisses d’activité.
Éviter une spirale infernale
« Et il ne faut pas oublier que les aides consenties par l’État et les banques en termes de prêts de trésorerie devront être remboursées souligne Guy Métral » tout en saluant les mesures prises par l’État, la Région, le Département et les municipalités comme celle d’Annecy. Et si la reprise n’est pas assez solide, les faillites (dans sa dernière enquête, le cluster Mont Blanc industries annonce qu’une entreprise du cluster sur quatre craint la faillite) et le niveau du chômage pourraient atteindre de nouveaux sommets. Avec en filigrane de nouvelles menaces, à commencer par une crise des remboursements de crédits immobiliers des ménages. Et une spirale qui pourrait devenir infernale.
Par Sophie Guillaud
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