Échos de mai 68

par | 05 mai 2018

Il y a cinquante ans, les Pays de Savoie prenaient part, à leur manière, aux «événements » de mai 68. Des Pays de Savoie bien différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui. À l’occasion de notre traditionnel numéro anniversaire, nous sommes partis à la rencontre de quelques acteurs de l’époque. Qu’a vraiment changé ce mois de mai dans nos départements… comme en France ?

Deux départements dans les « événements »

Savoyards et haut savoyards ont participé à mai 68 un peu, beaucoup, passionnément… ou pas du tout, à l’image de la france d’alors.

En 1968, l’enseignement supérieur est très peu développé en Savoie, et quasiment pas du tout en Haute-Savoie. Les étudiants de la toute jeune Unité d’enseignement et de recherche rue Marcoz à Chambéry, qui préfigure l’Université de Savoie, ont lancé le mouvement en Pays de Savoie. Mais ce sont surtout les ouvriers qui ont ensuite pris le relais. Nous ne sommes pas en mesure d’apporter de données fiables sur l’importance de cette participation. Selon plusieurs sources syndicales, elle fut importante. Pour une première raison simple : les grands centres industriels étaient alors de gros employeurs. Les aciéries d’Ugine emploient 4 000 personnes jusqu’au milieu des années 1970, rappelle Hervé Gaymard. Le seul dépôt d’Annemasse de la SNCF regroupe 480 cheminots. Ils sont une petite soixantaine aujourd’hui.

«Comme du feu dans de l’étoupe»

Des ouvriers qui ont « envie d’en découdre»? Les points de vue divergent. «Mai 68 n’est pas parti du mouvement étudiant, lance Jean-Paul Dunoyer, responsable de l’institut d’histoire sociale de la CGT de Haute-Savoie. Je me souviens du début des années 1960 et de la révolution du rock, combattu farouchement par la génération précédente. Je me souviens de Mary Quant qui crée la minijupe. Je me souviens de la guerre d’Algérie, de la bataille contre les ordonnances de 1967 sur la Sécurité sociale… Pour ma part, de mai 67 à mai 68, j’ai fait douze jours de grève. » Selon le syndicaliste, les conditions de travail de l’époque font, «notamment à Cluses», que la grève est partie «comme du feu dans de l’étoupe».

D’autres témoignages citent au contraire, sur Annecy, des entreprises suivant le mouvement national sans zèle excessif, les conditions de travail n’étant pas si mauvaises dans le département. Jeune technicien aux transports de Tarentaise à l’époque, Georges Louis, futur président de la fédération des transporteurs routiers de Savoie, se souvient d’avoir «arrêté le travail moins d’une semaine, à la demande de la direction générale, parce qu’il n’y avait plus rien à transporter», mais n’a pas ressenti une population spécialement mobilisée en Savoie. D’autres s’associaient à l’action pour faire avancer de nouvelles idées. Une archive du Nouvel Obs de 2008 cite le témoignage de Michel-Yves Bonnet, «tout jeune cadre d’entreprise aux Forges de Cran», qui explique comment d’une part «l’ambiance de travail et le management de l’époque convenaient à la majorité des employés, même si le caractère paternaliste de ces années-là était bien présent », mais aussi comment, d’autre part,

«les cadres les plus “progressistes” dont je faisais partie, voulurent, par solidarité avec les salariés de l’entreprise et ceux de la France entière, faire grève et s’associer aux revendications de l’époque, qui, dans notre entreprise ne semblaient pas utopiques. Je veux parler du resserrement de l’échelle salariale, des augmentations des plus bas salaires et de l’idée originale et innovante de la P.P.O. lancée par Jacques Delors, proche des rocardiens. La Participation Par Objectif nous apparaissait comme un véritable progrès du capitalisme à visage humain».

Quoi qu’il en soit, la grève générale semble avoir été suivie dans nos départements. En Savoie, la présence de grands groupes facilitait l’implantation syndicale en Maurienne, en Tarentaise, à Ugine (la cinémathèque des Pays de Savoie propose en ligne un film militant sur l’occupation des aciéries qui vaut le détour!) et, bien sûr, à Chambéry avec Pilotaz et le Verre-textile. En Haute-Savoie, Jean-Paul Dunoyer énumère des mouvements chez les cheminots, les postes, Aspro (aujourd’hui Bayer, à Annemasse), Biraghi, Zig-zag, Eaux d’Évian, SNR, Forges de Cran, Aussedar (qui deviendra les papèteries de Cran), SIC (notre photo), Maître, Terraillon, Carpano, Cifran Sotta, et bien d’autres.

Au nord de la Haute-Savoie, le mouvement a en tout cas soudé entre eux… les chefs d’entreprise, puisque c’est pour mieux s’organiser face aux effets de la grève générale que naît, en mai 1968, le Groupement des industriels du Chablais.


Par Philippe Claret


 

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