J’affectionne tout particulièrement la littérature et il est très rare que je ne parvienne pas au bout d’un ouvrage. Mais il arrive que je tombe sur un navet et que je reste sur ma faim. Pire, il advient que ma plus fervente motivation à découvrir différents univers ne suffise pas à porter mes efforts : ils peuvent se dégonfler comme un ballon de baudruche après quelques pages.
Et l’inévitable s’est produit, avec la saga plus ou moins romancée de Marlène Schiappa, « Si souvent éloignée de vous. Lettres à mes filles », parue le 9 mai et rédigée par la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes, en exercice, dans une louable idée d’écrire à ses enfants lorsqu’elle est en déplacement. En femme active et mère de deux chérubins, j’applaudis des deux mains. Sauf que… Si ce livre est présenté comme étant une succession de lettres rédigées à l’attention de ses deux filles de 11 et 6 ans – et l’on peut choisir de le croire – certains passages (certains…) relèvent plus de l’exercice politique ou du coup de comm’ qu’autre chose, mais pourquoi pas. Il n’y a pas d’âge pour se révéler passionné par les arcanes du pouvoir. Surtout, ce livre est présenté dans ses propres pages comme n’étant « ni une communication gouvernementale, ni un bilan d’action politique, mais un récit purement personnel, partiel et parfois romancé ». Parfait ! Mais dans ce cas, pourquoi donc le cabinet de la secrétaire d’État a-t-il envoyé aux journalistes dont il possédait les adresses mail, des invitations à une séance de dédicaces, quelques jours après le lancement de l’ouvrage ? L’association anticorruption Anticor s’est empressée d’écrire au Premier ministre Edouard Philippe. En effet, une circulaire de mai 2017 encadre précisément l’action du Gouvernement. Anticor l’explique : « Selon l’article 1 de ce document, il convient de limiter l’usage des deniers publics au strict accomplissement de la mission ministérielle, en ne tirant pas profit de ses fonctions pour soi-même ou ses proches ». Évidemment, le cabinet de Marlène Schiappa a reconnu « une maladresse qui ne se reproduira plus » et son entourage n’a pas tardé à réagir en affirmant que bien entendu, aucun denier public n’avait été engagé pour cette séance de dédicaces.
Reste que ce coup de pub était sans doute bienvenu, notamment au regard du fond de l’ouvrage, dont les critiques au vitriol ont fusé de toutes parts. Tantôt en mode journal intime (« quand le shampoing coule sur les épaules, mon ventre, mes jambes, j’en ai partout, je me lave les mains avec ce liquide blanc, je patauge dedans »), tantôt en fervente mais maladroite défenseuse des droits des femmes, on retrouve en filigrane un plaidoyer pour son action assorti de l’apologie d’Emmanuel Macron.
« Il convient de limiter l’usage des deniers publics au strict accomplissement de la mission ministérielle, en ne tirant pas profit de ses fonctions pour soi-même ou ses proches. »
Au final, ce n’est qu’un livre, me direz-vous. Mais qui démontre deux choses (au moins) : l’égalité hommes-femmes n’est peut-être pas promue par la personne qui semble la plus appropriée et, malgré un encadrement strict, les membres du Gouvernement utilisent leurs prérogatives pour servir leurs propres intérêts. À l’heure ou la SNCF risque de coûter à l’État, et donc aux contribuables – la bagatelle de 35 millions d’euros, ça fait réfléchir.
Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr
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