« Et si les Algériens étaient sales ? Et si les Hollandais étaient pâles ? Et si les Juifs mangeaient les petits bébés ? Et si les journalistes étaient juifs ? En ce moment, j’sais pas c’que j’ai / J’ai les idées, les idées, les idées faciles d’accès / En ce moment, j’sais pas c’que j’dis / J’ai les idées, les idées, les idées toutes rétrécies. »
En ce moment, j’sais pas c’que j’ai, mais je ne peux pas m’empêcher de repenser à ces paroles d’un groupe français des années 1990, qui me rappellent que régulièrement la peur de l’autre et de l’inconnu, l’envie de se protéger de toute contamination extérieure, nous conduisent inévitablement vers la pauvreté intellectuelle. Mais quelles sont les raisons qui peuvent actuellement pousser un peuple à se replier sur lui-même, vers le nationalisme, voire le régionalisme, et à vouloir construire un mur autour de ses frontières afin d’éviter tout risque de porosité avec le monde extérieur ?
Cette réaction épidermique tient principalement à la mondialisation galopante à qui l’on reproche de favoriser l’ultralibéralisme, de paupériser les classes moyennes, de déstabiliser les mouvements migratoires et de diluer les cultures et les identités.
La première réaction viscérale constatée en Europe est à imputer aux Britanniques et leur vote en faveur du Brexit le 23 juin 2016. Sans surprise, les raisons invoquées pour ce divorce concernaient l’immigration massive subie par le pays, le coût financier engendré par l’appartenance à l’Union, la politique commerciale et la suprématie de l’Europe au détriment du national. Pourtant, aujourd’hui les négociations n’avancent plus. Les Anglais souhaiteraient pouvoir imposer leurs conditions tout en conservant leurs avantages acquis. Mais on ne peut avoir le beurre (qui d’ailleurs vient à manquer en France en raison de la concurrence internationale sic) et l’argent du beurre, si bien que de nombreux brexiteurs commencent à regretter leur position en constatant qu’ils devraient voir baisser leur pouvoir d’achat…
« Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un peuple à se replier sur lui-même et à vouloir construire un mur autour de ses frontières afin d’éviter tout risque de porosité avec le monde extérieur ? »
Autre pays, même principe, la Catalogne revendique elle aussi son indépendance régionale au sein de l’Espagne, reprochant notamment à cette dernière de l’appauvrir par ses prélèvements fiscaux et d’entraver son identité et sa culture. En réalité, sous couvert de vouloir protéger sa langue et ses coutumes, cette région industrielle qui représente 20 % du PIB national voudrait surtout ne plus partager ses richesses, abandonnant toute notion de solidarité et entraînant de la part du pouvoir madrilène, des réactions peu démocratiques tels que répression policière, confiscation des bulletins de vote… et finalement mise sous tutelle de la région rebelle. On ne peut décemment pas créditer d’une grande ouverture d’esprit ni les uns, ni les autres…
On peut bien sûr être attaché à ses racines et vouloir préserver ses spécificités. Mais les frontières d’un pays ou d’une région ont toujours été mouvantes et les échanges considérés comme enrichissants. L’identité d’un peuple ne repose pas plus sur un langage commun que sur une couleur de peau ou encore une religion, n’en déplaise aux fanatiques de Daesh. C’est sur ces convictions que doit se construire l’Europe, non sur les mensonges populistes de quelques politiques extrémistes en mal de pouvoir.
Stéphane Coltice
Directeur délégué de la publication
s.coltice@eco-ain.fr
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