Que faut-il penser du soutien de 17 grands élus des Pays de Savoie au Lyon–Turin ?

par | 21 décembre 2017

Mise à jour [22 décembre 2017] :

Dix-sept parlementaires et grands élus de Savoie et Haute-Savoie co-signent un courrier en faveur du projet ferroviaire franco-italien Lyon-Turin. Un aveu de faiblesse ?

Les dix députés et les cinq sénateurs de Savoie et Haute-Savoie, ainsi que le député européen et maire de Chambéry Michel Dantin et le président du Grand Chambéry Xavier Dullin, ont co-signé une lettre de soutien au projet ferroviaire Lyon-Turin. Le courrier a été adressée il y a quelques jours au président du Conseil d’orientation des infrastructures Philippe Duron.

 

Pour « un engagement à la hauteur des enjeux environnementaux« 

Dans ce document, les élus soulignent « la nécessité d’un engagement à la hauteur des enjeux environnementaux » en pointant l’augmentation du trafic de marchandises par la route dans les vallées alpines françaises. Et ils mettent en exergue « les dimensions économiques et écologiques [qui] se conjuguent avec la sensibilité du territoire. »

Lire le courrier en intégralité sur le site de la Transalpine.

Les signataires réclament la réalisation des « trois volets du projet ». A savoir, le contournement de Lyon (CFAL), qui reliera l’axe Nord-Sud au Lyon-Turin ; les accès, pour lesquels ils estiment que l’option tunnel sous Chartreuse pour le fret doit « être retenue avec une priorité absolue » ; et bien sûr la section internationale (dont le tunnel transfrontalier de 57,5 km).

 

Les travaux dans les galeries de reconnaissance du futur tunnel de base franco-italien du Lyon-Turin sont déjà bien avancés. Crédit photo : DR – Archives.

 

Un « tacle » à l’autoroute ferroviaire

Le courrier se termine par un petit « tacle » à « l’expérimentation engagée avec l’Autoroute Ferroviaire Alpine (AFA) ». Demandant à ce qu’elle soit « poursuivie et amplifiée » mais déplorant le fait que « l’appel d’offre en cours qui est très loin de répondre à l’ambition économique et industrielle du projet, a été engagé dès 2009 et n’a toujours pas abouti à ce jour. »

Sur ce sujet, lire aussi notre enquête parue dans Eco Savoie Mont-Blanc du 24 novembre, accessible via notre liseuse en ligne pour nos abonnés Premium et Numerik.

 

25 ans après, un projet toujours en recherche de légitimité ?

Avoir réuni la totalité des parlementaires des deux départements est un incontestable succès pour les partisans du Lyon-Turin. Mais ce nouveau martelage d’arguments laisse un peu dubitatif.

A force de ressasser que de nombreuse étapes politiques ont déjà été franchies ou que le président Macron s’est à nouveau positionné en faveur du projet en septembre dernier ; à force de vouloir minimiser l’impact financier en ne citant que l’estimation pour le tunnel de base (8,6 Md€) sans rien dire sur le coût du projet global ; ou encore à force de sublimer la dimension fret au détriment des voyageurs pour davantage valoriser les aspects environnementaux, les partisans du Lyon-Turin ne vont-ils pas arriver à un effet contraire à celui qu’ils recherchent : laisser penser que la légitimité du projet n’est toujours pas vraiment acquise ?

Pour les signataires de la missive, l’option sous Chartreuse pour les accès du trafic fret au tunnel de base doit être retenue comme « une priorité absolue ». Crédit photo : Studio Viart – www.studioviart.com – Archives

Estimation des coûts : euh… Lyon c’est dans le Lyon-Turin ou pas ?

Cette impression de flottement est exacerbée lorsque l’on met en perspective le courrier des grands élus avec un communiqué de presse de la Transalpine paru quelques jours plus tôt, le 6 novembre.

Dans ce communiqué, la Transalpine veut « en finir avec le mythe des 26 milliards d’euros » (chiffre issu d’un rapport de la Cour des Comptes de 2012), déplorant que cette estimation soit « systématiquement agitée comme un épouvantail par les opposants« . Pour le comité pro-projet, si l’on s’en tient à « la réalité des décisions officielles » (travaux déjà votés, hors options non encore entérinées) le coût des travaux « est en fait de 18,3 Md €, dont seulement 8,4 Md € pour la France« .

Mais pour la Transalpine il est bien clair que, dans ces 18,3 Md€, il ne faut pas inclure les « coûts liés à la réalisation du contournement ferroviaire lyonnais qui est un dossier bien distinct du Lyon-Turin« .

Sauf que les parlementaires, eux, soulignent dans leur lettre à Philippe Duron que « la réussite du Lyon-Turin nécessite la prise en compte de l’ensemble des volets composant le projet.
Le premier volet concerne bien évidemment la réalisation du contournement de Lyon. »

 

On savait que le Lyon-Turin ne faisait pas l’unanimité. Mais, près de 25 ans après son lancement, même ses partisans ont encore du mal à s’accorder… sur son point de départ.

 

Sur le même sujet :

Notre dossier sur l’autoroute ferroviaire à lire dans Eco Savoie Mont-Blanc du 24 novembre, accessible via notre liseuse en ligne pour nos abonnés Premium et Numerik.

Consulter le site de la Transalpine et notamment sa contribution destinée au Conseil d’orientation des infrastructures.
Consulter le site de la coordination des opposants au projet.

 


La réaction du Comité pour la Transalpine

Suite à la lecture de notre article (ci-dessus), le Comité pour la Transalpine, via son délégué général, Stéphane Guggino, a tenu à apporter des « précisions » pour « dissiper l’impression de flottement » que peut susciter la différence de formulation entre le communiqué de presse de la Transalpine et le courrier des parlementaires. »

 

Voici ces précisions, retranscrites sans ajouts ni commentaires :

« S’agissant du Contournement Ferroviaire Lyonnais (CFAL), je vous confirme qu’il s’agit bien d’un dossier distinct de la liaison Lyon-Turin, au sens où le CFAL devrait être réalisé même si le Lyon-Turin n’existait pas. Dans cet esprit, l’intégration des coûts liés au CFAL dans le programme Lyon-Turin génère effectivement de la confusion.

Initié en 2003, le CFAL a pour principal objectif de supprimer le passage en pleine agglomération lyonnaise des trafics de transit fret Nord-Sud (carte ci-dessous). Il doit, ce faisant, permettre la montée en puissance de services d’autoroute ferroviaire entre le Nord de l’Europe et la Méditerranée. En ce sens, le CFAL est à la fois indépendant du Lyon-Turin tout en lui étant nécessaire et complémentaire. C’est ce que suggère le courrier des parlementaires dans une formulation légèrement différente de celle de la Transalpine (axée sur les coûts), mais identique dans son principe.

Pour information, le projet de CFAL est divisé en deux parties pour un montant total d’environ 3 Md€ :

-Une section nord (DUP prise en nov. 2012, soit avant celles concernant les voies d’accès du Lyon-Turin) entre Ambérieu-en-Bugey et Grenay. Cette section doit permettre la connexion de la future ligne mixte Saint-Exupéry / sillon alpin au réseau existant et à la plateforme d’autoroute ferroviaire prévue pour être aménagée dans la plaine de Saint-Exupéry. En connexion avec la ligne Lyon-Turin, cette section traitera les flux en provenance ou à destination du Nord (France, Royaume-Uni, Benelux) vers / depuis l’Italie.

-Une section sud (pas de DUP prise à ce jour) entre Grenay et Sibelin. Cette section pourrait voir transiter les flux transalpins en provenance ou à destination du Sud (France et péninsule ibérique) vers / depuis l’Italie. »

 

1 Commentaire

  1. Cap à Gauche

    Communiqué de presse Chambéry Cap à Gauche – Lignes d’accès au tunnel de base du Lyon-Turin.

    Dans son programme 2014-2020, Chambéry Cap à Gauche soutient la transalpine fret/voyageurs Lyon-Turin /avec une ouverture concomitante du tunnel de base avec les tunnels de Chartreuse et Belledonne.

    Or ce qui se passe en ce moment est de nature à remettre en cause cette nouvelle ligne d’accès par celles et ceux :

    – qui rejettent la Déclaration d’Utilité Publique (décret du 23 août 2013),

    – qui pensent que la ligne historique peut suffire,

    – qui jugent son coût trop élevé.

    Or, il est vraisemblable que certains visent à remettre en cause des éléments de l’enquête préalable à la DUP des accès français, ce qui retarderait, voire compromettrait la réalisation de la liaison.

    Chambéry Cap à Gauche ne s’écartera pas des véritables enjeux de la transalpine Lyon-Turin qui constitue un maillon essentiel du réseau européen de transport pour le fret (report modal, lutte contre la pollution, le réchauffement climatique, les nuisances sonores …).

    C’est pour cela que Chambéry Cap à Gauche désapprouve le caractère prioritaire accordé à la desserte des voyageurs à Chambéry (tunnel Dullin-l’Epine) par rapport à la réalisation de l’itinéraire fret (tunnels de Chartreuse et de Belledonne), et demande la réalisation concomitante, la plus rapide possible, de ces deux phases avec la mise en service du tunnel de base.

    Sans attendre l’ouverture de ces infrastructures vitales pour notre agglomération, il est urgent dès 2018, de redynamiser le ferroutage afin de juguler l’augmentation croissante de la pollution de notre vallée.

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