La prospérité engendre parfois de la pauvreté comme c’est le cas dans la région franco-genevoise. Les banques alimentaires mettent en place des collaborations des deux côtés de la frontière.
La Fondation Partage à Genève, créée en 2005, et la Banque alimentaire de Haute-Savoie (BA74), fondée en 1995 et établie à Cranves-Sales, font un travail difficile, mais de plus en plus nécessaire, au risque parfois d’être débordées. En 2023, ce n’est pas moins de 23 000 personnes qui ont dû recourir à l’aide alimentaire sur les 83 000 habitants de la Haute-Savoie, pendant que 14 000 personnes étaient dans la même situation dans le canton de Genève et ses environs, soit 500 000 habitants.
Une proportion identique, mais inquiétante, d’une personne sur 36 à l’aide alimentaire des deux côtés de la frontière : voilà l’envers du décor d’une région prospère par ailleurs. Côté français, il semble que la prospérité des uns aggrave la pauvreté des autres.
Parmi les 26 communes ayant le taux de pauvreté le plus élevé de l’Ain et de la Haute- Savoie, 50 % se situent dans le Genevois français, c’est-à-dire dans la zone frontalière, notamment Gaillard (24 %), Ferney-Voltaire (23 %) et Annemasse (22 %).Une personne sur quatre alors que ce n’est en moyenne qu’une sur dix dans les deux départements, révèlent les statistiques de Philippe Abraham, président de BA74.
La présence toujours plus grande de frontaliers entraîne une hausse des prix et, de ce fait, un nombre élevé de personnes modestes, y compris des retraités, se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté. Et à Genève, que dire de ces nombreux personnels de maison non déclarés, vivant dans une grande précarité et s’étant en partie retrouvés pour manger en faisant la queue aux Vernets au moment du Covid ?
Partage et BA74 : beaucoup de traits communs
Les deux organisations ont noué des partenariats avec des enseignes et des grandes surfaces pour récupérer les invendus encore consommables et les offrir aux plus démunis sous forme généralement de paniers-repas, les “Colis du coeur”, à Genève. Partage à Genève et BA74 ont aussi pour caractéristique commune d’être aidées par de nombreux bénévoles et de proposer des contrats d’insertion professionnelle.
Sur les 21 salariés de la BA74, 17 sont en contrat d’insertion professionnelle en lien avec Pôle emploi, et sur les 40 salariés de Partage, 29 sont au bénéfice d’emplois de solidarité subventionnés par le canton. Enfin, dernier point commun, les deux associations ont dû faire face ces dernières années à une augmentation régulière des demandes et à une baisse des dons et approvisionnements.
Vers une collaboration transfrontalière accrue
Partage et BA74, toutes deux membres de la Fondation européenne des banques alimentaires (FEBA), se connaissent bien et collaborent volontiers. Elles se font même parfois des dons de stocks de denrées lorsqu’elles ont des surplus, ce qui leur permet notamment de diversifier le contenu de leurs paniers-repas.
Depuis trois ou quatre ans, la baisse des dons et l’augmentation des demandes risquaient d’aboutir à une situation où, dans certains cas, la demande ne puisse plus être entièrement satisfaite. C’est en partie pour répondre à cette situation que depuis 2020, la BA74 procède ellemême à quelques achats directs, par exemple de riz dont elle n’a pas assez.
Une des pistes de collaboration à l’avenir pourrait être de procéder à des achats groupés avec Partage. Ainsi, face à la nécessité, les deux organisations sont amenées à collaborer de plus en plus. « Parmi les facteurs positifs, il existe un accord entre la France et la Suisse d’une durée de cinq ans permettant aux véhicules des banques alimentaires de passer la douane sans les formalités d’usage », explique Marc Nobs, directeur de Partage.
« Du reste, ajoute Phillipe Abraham, c’est la Banque alimentaire de Haute-Savoie, située à proximité, qui opère le plus souvent dans le Pays-de-Gex, plutôt que la Banque alimentaire de l’Ain, basée à Bourg-en- Bresse. » Une situation qui confirme la réalité des multiples flux entre la Haute-Savoie et le Pays de Gex liés à la réalité territoriale.
Inégalités
Sur les 1241 Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) que comptent la France métropolitaine et la France d’outremer, les études de l’INSEE font ressortir que les trois EPCI les plus inégalitaires sont toutes localisées dans le Genevois français. Il s’agit de la Communauté de Communes (CC) du Pays de Gex ainsi que de celles du Genevois et d’Annemasse les Voirons. Cette analyse est basée sur une comparaison entre le revenu médian des 10 % les plus riches et des 10 % les plus pauvres.
François Saint-Ouen
Cet article est issu du supplément L’Extension, disponible gratuitement au format liseuse en ligne ici >>

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