Les agents de la fonction publique genevoise se mobilisent contre la volonté de l’exécutif cantonal de diminuer leur rémunération dans le cadre du budget 2021.
Les fonctionnaires genevois vont-ils passer l’automne dans la rue ? Ils étaient en tout cas près de 6 000 à battre le bitume de la place Neuve, le 15 octobre, à l’occasion de la première manifestation organisée par le Cartel intersyndical du personnel de l’État et du secteur subventionné, qui revendique 15 000 adhérents parmi les quelque 50 000 employés de l’État.
« PONCTIONNER L’ÉQUIVALENT DE TROIS MOIS DE SALAIRES SUR QUATRE ANS, CE N’EST PAS DE LA SOLIDARITÉ, C’EST DU RACKET. »
Un syndicaliste
Solidarité ou racket ?
L’objet de leur colère ? La volonté de l’État de Genève d’adopter, dans le cadre du budget 2021, un train de mesures budgétaires visant à contraindre sa masse salariale :
- la baisse linéaire de 1 % du traitement de tous les fonctionnaires pendant quatre ans – pour une économie attendue de 30,3 millions de francs (MCHF) en 2021 ;
- la suspension de l’annuité, le système d’augmentation automatique des fonctionnaires, en 2021 et 2023 (économie de 55,2 MCHF en 2021) ;
- la modification de la répartition des cotisations pour la caisse de prévoyance entre l’employeur et les fonctionnaires – ceux-ci devraient prendre en charge 42 % du total à compter de 2022, contre 33 % actuellement (économie de 77 MCHF par an).
Pour l’exécutif, ces mesures sont « à considérer comme un effort de solidarité de la part des collaborateurs de l’État dont la rémunération et la sécurité de l’emploi n’ont pas été affectées par la crise ».
Lors de la présentation du budget, le 17 septembre, Nathalie Fontanet, la ministre des Finances et des Ressources humaines, avait ainsi tenu à mettre en perspective le projet en rappelant que « dans le canton de Genève, plus de 50 % de la population qui travaille s’est retrouvée au RHT [ndlr : chômage partiel] ou aux allocations pertes de gain, sans compter celles et ceux qui ont perdu leur emploi ».
Mais les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille. « La fonction publique refuse de payer le prix de la crise du Covid-19, mais aussi des cadeaux fiscaux octroyés par le gouvernement aux grandes entreprises, notamment à travers la RFFA [réforme fiscale et financement de l’AVS] », argumentait ainsi Olivier Baud, membre du comité du Cartel lors d’une réunion préparatoire du 6 octobre.
D’après les calculs de l’intersyndicale, les fonctionnaires perdraient de 6 % à 9 % par an entre 2021 et 2024, et se verraient délester, au total, de près d’un milliard de francs. Inacceptable aux yeux des impétrants. « Ponctionner l’équivalent de trois mois de salaires sur quatre ans, ce n’est pas de la solidarité, c’est du racket », s’emportait un autre intervenant.
Le Cartel exige donc le retrait des mesures salariales et l’ouverture de négociations. Pour l’instant, le gouvernement refuse de transiger et espère que le bras de fer engagé par les « enfants gâtés de la République » tournera court, dans un contexte où de nombreux salariés du privé ont été éprouvés par les conséquences directes et indirectes de la crise sanitaire.
Une coalition informelle
Reste que le budget prévisionnel 2021 doit encore être soumis au vote du parlement cantonal le 3 décembre, et que son adoption n’a, pour l’heure, rien d’évident. La faute à une coalition informelle pour le pouvoir d’achat qui réunit trois formations de gauche (Verts, PS et Ensemble à Gauche), mais aussi le parti populiste Mouvement citoyen genevois (MCG). La faute peut-être, encore, au fait qu’un tiers des parlementaires sont issus de la fonction publique, constituant de facto une sorte de lobby.
Dès lors, faut-il envisager que le parlement n’arrive pas à voter le budget ? En une année normale, sans doute… Mais 2020 est loin de l’être et d’aucuns s’inquiètent du message politique potentiellement délétère qui serait envoyé en ces temps déjà troublés. Quoi qu’il en soit, le Cartel ne fait pas mystère de son intention d’intensifier la pression exercée dans la rue d’ici au 3 décembre. D’ailleurs, il appelle déjà à une nouvelle action le jeudi 29 octobre.
501 MCHF
C’est le montant du déficit inscrit au budget prévisionnel (BP) 2021 du canton de Genève qui table respectivement sur 8,688 milliards de francs de revenus de fonctionnement et 9,189 milliards de charges de fonctionnement. Ce déficit marquerait une nette amélioration par rapport à celui de 585 millions prévu pour l’exercice 2020, d’autant que celui-ci devrait finalement flirter avec le milliard à cause des conséquences de la crise de la Covid-19. Le BP 2021 sera soumis au vote du parlement le 3 décembre.
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