Immobilier de montagne : la demande demeure mais le profil change

par | 13 juillet 2021

Entre confinements et limitations des déplacements, fermetures des remontées mécaniques et espoirs estivaux, l’immobilier en montagne reste néanmoins attractif.

La montagne et ses stations de sports d’hiver pourraient-elles embrasser un nouveau modèle de développement durable, incarner une destination de vie à l’année? Ces interrogations ne sont pas injustifiées au regard des analyses du marché immobilier sur l’année 2020 dont l’évolution confirme l’attrait inaltéré des investisseurs pour l’immobilier en milieu montagnard.

Deux raisons semblent expliquer ce phénomène. Tout d’abord, l’appétence des particuliers pour la montagne a pris de l’ampleur, poussée par les effets de la pandémie et de ses confinements. Convaincus lors de l’été 2020, puis en début de saison d’hiver, que ces territoires ne se résument définitivement plus au ski mais savent répondre à un séjour multi-activités, multi-saisons et multi-services, les acquéreurs ont changé de perception quant au milieu montagnard.

« Les gens veulent désormais aller à la montagne pendant leurs vacances mais également lors de week-ends prolongés afin de profiter des grands espaces et du bon air. Ils ont clairement saisi qu’il ne s’agit plus seulement d’un espace ludique mais envisagent un milieu de vie à temps plein », analyse Jean-Jacques Botta, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) Savoie Mont Blanc.

Les paradigmes sociétaux ont donc évolué. Le télétravail, fortement encouragé durant l’année 2020, et accompagné par le déploiement généralisé des plans numériques à l’échelle des départements, a encouragé de véritables migrations. Le second moteur loge dans les taux d’emprunt. Ceux-ci sont restés à des valeurs accessibles malgré le contexte pandémique.

En janvier 2020, la légère augmentation laissait entrevoir une remontée durable. Elle n’a pas eu lieu. Le taux mensuel national est passé de 1,11 % à 1.27 % au début de l’été avant une nouvelle érosion jusqu’en décembre 2020 pour frôler les niveaux records de fin 2019. En conséquence, l’investissement immobilier en montagne est resté relativement accessible.

Le produit Montagne plaît

Lors de son bilan annuel, en février dernier, la Fnaim Savoie Mont-Blanc a confirmé un marché immobilier bien portant, animé par un flux d’acquéreurs essentiellement régional, exprimant un engouement soutenu pour le produit montagne. « La demande porte sur tous les types de biens avec des surfaces suffisamment grandes et, en conséquence, un report vers des stations moins prestigieuses lorsqu’elles sont moins onéreuses», observe Jean-Jacques Botta.

Dans ces conditions, la pression s’est sans surprise accrue sur un marché déjà sous tension, et influencé par la hausse globale de l’immobilier constatée sur le plan national. Le phénomène s’est d’autant plus amplifié que les ventes sont paradoxalement restées calmes l’an dernier. Préoccupés par la conjoncture perturbée et incertaine, les vendeurs (notamment les investisseurs du secteur locatif) ont préféré attendre.

La pénurie de biens à la vente s’est confirmée, dans le neuf comme dans l’existant. Le nombre de compromis a baissé de 5% en moyenne en 2020 (-10% sur les premiers mois de 2021), selon la Fnaim Savoie Mont-Blanc.

La pénurie de biens à la vente s’est confirmée, dans le neuf comme dans l’existant. Le nombre de compromis a baissé de 5% en moyenne en 2020 (-10% sur les premiers mois de 2021), selon la Fnaim Savoie Mont-Blanc. La fédération pressent une poursuite de cette tendance sur l’année 2021 avec une baisse des ventes en station de 10 à 15%. Baisse des ventes mais point des valeurs. Conformément à la loi de l’offre et de la demande, les prix n’infléchissent pas.

Production de logements maintenue

Parallèlement, la construction a conservé un rythme de croisière. « Les particuliers n’ont pas stoppé leurs projets de logements, en plaine évidemment, mais aussi en montagne où souhaitent résider les populations locales », confirme Martial Schouller, directeur général adjoint de la caisse régionale du Crédit Agricole des Savoie (CADS).

Dès le mois de mai, la quête d’une résidence principale est même devenue le sport numéro Un en Savoie Mont Blanc. L’établissement bancaire a injecté 2,4 milliards de prêts immobiliers, une enveloppe supérieure à l’année précédente. «Le confinement a rebattu les perceptions de l’habitat à l’échelle de nos territoires », atteste Martial Schouller.

Les agences immobilières à l’agonie

Alors que les taux de remplissage des stations de ski ont chuté de 20,7 % pendant l’hiver 2019/2020 et que les nuitées attendues sur l’hiver 2020/2021 ont régressé de 45,6 % (source G2A Consulting), les agences immobilières ont subi de plein fouet la non-ouverture des remontées mécaniques. Exclues des aides d’État, les structures ont “encaissé” une chute spectaculaire des réservations (80 % en moyenne sur la saison, selon la Fnaim Savoie Mont-Blanc).

« Les plus petites agences vont se retrouver très vite dans une grande difficulté financière alors que les perspectives d’aides de l’État pour notre secteur apparaîtraient au second semestre 2021 », commente Jean-Jacques Botta.

Malgré des remises de 30 à 50 %, les professionnels ont enregistré un taux d’occupation de 18,3 %, contre 65 % en 2020. Le nombre de nuitées a dégringolé de 71 % (-72 % sur les vacances de Noël, -74 % en janvier chiffres G2A). Dans un contexte d’attentisme sur le marché des transactions (elles représentent en moyenne 70 % des revenus d’une agence), la filière ne dispose plus de ressources et évoque une situation dramatique. Leur chambre professionnelle, forte de 350 adhésions, redoute la faillite d’une centaine d’enseignes.

« Les plus petites agences vont se retrouver très vite dans une grande difficulté financière alors que les perspectives d’aides de l’État pour notre secteur apparaîtraient au second semestre 2021 », commente Jean-Jacques Botta. Le président de la Fnaim Savoie Mont-Blanc identifie une catastrophe en devenir après les efforts consentis en termes d’embauches saisonnières mais sans recettes à la clé.

« Seul l’été a pu nous sauver, mais nous ne passerons pas un troisième hiver comme cela », alerte Sylvie Mayet, gérante de Chamonix Location.

La montagne, eldorado post-Covid ?

Même si l’absence de remontées mécaniques a fragilisé son modèle économique sur l’hiver 2020/2021, la montagne en Savoie Mont Blanc et ses stations aiguisent l’appétit de nouvelles catégories d’investisseurs. La promotion assurée par les campagnes de communication des bienfaits du grand air et des grands espaces, et la fréquentation estivale presque sauvée (taux d’occupation des hébergements été 2020 : 55 % vs 60 % en 2019 – source L’Agence Savoie Mont Blanc), en particulier en août, ont ancré la multi-saisonnalité dans les esprits.

En réaction, les fonds d’investissement sont plus nombreux à miser sur les montagnes savoyardes. « Nous constatons la présence d’un volume important de liquidités », corrobore Cyril Gouttenoire. Le directeur du pôle Tourisme au sein du CADS note l’arrivée de capitaux français «qui souhaitent aujourd’hui réinvestir sur le territoire montagnard les collectes levées auprès de leur clientèle française. »

Disposant de masses financières conséquentes (l’Ifop indique dans une enquête en septembre que 27% des ménages les plus aisés souhaitent consacrer l’argent épargné à un projet immobilier), ces entités nouvelles ciblent particulièrement l’hôtellerie. Pour les fonds français non spécialisés, le marché du tourisme, dont celui de la montagne, est également une cible nouvelle. Il élargit leur panel d’offres et valorise leurs sociétés civiles de placement immobilier (SCPI, placement collectif de fonds de particuliers). Enfin, les investisseurs américains sont également sur les rangs.

En conséquence, s’il confirme l’attractivité de la montagne savoyarde, ce mouvement “de fonds” surenchérit aussi le coût des transactions. « Nos hôteliers historiques sont sollicités pour vendre leurs biens… une situation paradoxale alors que la crise a fermé les hôtels durant un an. Leurs valorisations se calculent désormais sur les résultats d’avant crise », observe le spécialiste.


Par Raphaël Sandraz


Pour en savoir plus :

Ces chiffres sont issus de notre hors-série « Panorama de l’Immobilier 2021 » disponible au format liseuse en ligne ou au format papier.

2 Commentaires

  1. Adamkiewicz Eric

    Alors que les territoires de montage ont déjà « trop de lits touristiques » et des taux de remplissage qui n’atteignent jamais 100% même en périodes de vacances scolaires (maximum environ 70% en réel), construire encore du neuf a-t-il un sens sauf pour de l’hôtellerie ou des résidences principales ?

    Réponse
  2. Chalet en montagne

    Pour lutter contre les résidences secondaires inoccupées ou très peu occupées en montagne, de plus en plus de mairie s’oppose à la construction d’hébergements qui ne seraient pas affectés à une activité 100% touristique. Si vous n’avez pas l’intention de construire un hôtel ou une grosse résidence gérée par un opérateur (MGM), cela devient très difficile d’obtenir un permis de construire. Par exemple à la Plagne, il faut systématiquement signer une convention loi montagne avec la mairie si l’on veut obtenir un permis de construire. La négociation et l’obtention de cette convention est longue et couteuse. Elle dissuade évidemment les porteurs de projets plus petits comme les particuliers qui souhaiteraient faire construire un chalet meublé de tourisme en location saisonnière par exemple. Associer investissement et vacances au ski devient de plus en plus difficile.

    Réponse

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