Président de Siparex depuis 2009, Bertrand Rambaud conduit le groupe lyonnais de capital-investissement vers un monde en mutation. Il compte 250 participations dont une trentaine dans les Savoie, l’Ain et l’Isère.
Votre groupe, créé il y a 40 ans à Lyon, est présent dans tout le cycle de croissance des entreprises. Quels types de financement apportez-vous ?
Notre colonne vertébrale reste le financement de l’entreprise petite, moyenne ou grande, de la start-up à l’ETI, pour l’aider dans sa croissance jusqu’à la transmission grâce à des outils en capital, en quasi-capital sur le territoire français et à l’étranger.
L’avenir passe-t-il par un renforcement du digital?
Nous avons recruté un Chief Digital Officer, début 2018, pour accompagner les entreprises que nous avons en portefeuille dans les grands enjeux digitaux de demain, et la structuration de leur démarche. Son rôle est également d’aider les investisseurs dans le diagnostic digital de nos futures participations. Quant à l’entreprise Siparex elle-même, elle est confrontée aux mêmes enjeux de digitalisation. Nous avons un plan d’action sur deux ans, qui concerne différentes fonctions au sein de l’entreprise et la gestion de la data. En effet, nous disposons de beaucoup d’informations, d’études sectorielles. Cette data est une richesse que nous devons mieux exploiter. Toute la profession a des efforts à faire dans ce domaine!
Dans ce contexte, quels sont vos objectifs en termes d’actifs sous gestion?
Nos actifs atteignent aujourd’hui 1,8 milliard d’euros, un chiffre qui a plus que doublé en cinq ans. Nous poursuivons cette stratégie de croissance.
Combien d’entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes et plus particulièrement des Pays de Savoie, de l’Ain et de l’Isère accompagnez-vous ?
Nous avons 85 participations en Auvergne-Rhône-Alpes, dont 30 dans les deux Savoie, l’Ain et l’Isère. Ici comme ailleurs, notre rôle est de financer la croissance de ces entreprises par du capital-développement, mais également de gérer des enjeux de transmission lors du désengagement de partenaires historiques, de recentrer le capital ou d’assurer la transmission à une autre génération.
Pourquoi avoir écarté certains dossiers comme le financement du décolletage dans la vallée de l’Arve, il y a une vingtaine d’années, pour laisser place à des fonds américains qui sont, depuis, repartis ?
Cette vallée a connu une période de fort investissement avec de nombreuses opérations financières, dont certaines réalisées par des fonds américains tournés vers l’automobile qui n’ont pas su répondre alors aux besoins des entreprises. Puis, l’époque a changé, avec des développements tels que celui qu’a connu le groupe MGI Coutier. Il y a eu beaucoup de restructurations dans les filières, avec certains grands gagnants qui se sont imposés grâce à une logique de niche. Aujourd’hui, c’est une région dans laquelle Siparex investit.
Pouvez-vous donner quelques exemples de vos interventions en Savoie, Haute-Savoie, Ain?
En Haute-Savoie, nous avons notamment investi dans Technogenia et les Laboratoires Provendi. En Savoie, chez Runipsys. Dans l’Ain, nous accompagnons Biscuits Bouvard depuis plusieurs années.
Comment faire évoluer vos métiers et séduire les entreprises avec une offre de financement qui se diversifie ?
En plus d’un apport en capital, un investisseur joue des rôles différents selon le type d’entreprise : il peut aider le dirigeant à structurer une gouvernance, accompagner une croissance externe comme nous l’avons fait à plusieurs reprises pour Biscuits Bouvard, mener des actions à l’international comme celle du groupe savoyard Labellemontagne, à Bardonecchia, en Italie.
Comment mesurez-vous le potentiel d’innovation des sociétés ?
Nous suivons de près le mouvement de la French Tech, révélateur d’une tendance de fond créatrice et entrepreneuriale. Financer l’innovation comme nous le faisons, c’est d’abord détecter des tendances. Nous recevons 2 500 dossiers par an et nous en sélectionnons une dizaine seulement. Nous avons une équipe de 15 collaborateurs qui détectent les tendances dans la fintech, la data, l’e-commerce, les places de marché, le e-learning, mais également dans le secteur des services à la personne.
Siparex développe de plus en plus de partenariats…
Notre groupe s’est développé depuis toujours avec des partenaires. Nous avons une filiale commune, Rhône-Alpes PME, avec les Caisses d’Épargne de Rhône Alpes. Nous intervenons dans les régions avec le Crédit Agricole pour le financement des ETI. Nous avons des liens avec le groupe La Poste, très en pointe sur les sujets d’innovation, et nous travaillons avec Bpifrance. Nous avons un partenaire en Afrique subsaharienne, Africinvest, un autre au Canada, le groupe Desjardins.
Votre ambition est au moins européenne sinon internationale. Quels moyens déployez-vous pour cet essor de vos affaires?
C’est un enjeu important pour nous, car les entreprises que nous accompagnons sont confrontées au développement international. Nous sommes présents en Espagne, en Italie et en Allemagne et, à terme, j’aimerais que nous élargissions nos positions.
Vous êtes présent dans le financement “mezzanine” des entreprises. Les marchés y sont-ils plus favorables et pourquoi?
Le marché est favorable, car le financement mezzanine peut être un substitut au capital auquel de nombreux dirigeants sont aujourd’hui ouverts. Certains souhaitent des produits hybrides qui diluent moins le capital et dont la ressource est longue, même si le taux d’intérêt est plus fort. C’est le cas, par exemple, de Visiativ, société cotée dans laquelle nous avons récemment investi en mezzanine via sa holding de contrôle.
Le fonds FRI est un outil régional que vous avez soutenu. Aura-t-il une suite?
Nous avons levé 30 millions d’euros avec le fonds FRI 1. Une levée de fonds de 40 à 50 millions pour le fonds FRI 2 se met en place. Il s’adressera lui aussi aux entreprises industrielles qui connaissent des difficultés conjoncturelles, pour des opérations en capital.
Quelle feuille de route pour la suite de vos activités en France et ailleurs?
Siparex se développe dans une logique de plateforme avec cinq lignes de métiers. Différentes réflexions sont en cours pour l’enrichir encore. Notre croissance passera notamment par le déploiement à l’international, la digitalisation et la croissance organique.
Comment aider les dirigeants à réaliser les recrutements essentiels pour les prochaines années?
Nous avons 250 participations dans lesquelles nous constatons que dans 80% des cas, l’humain est le premier enjeu. Ce sera un accélérateur ou un frein dans le développement des entreprises, ce qui implique un fort investissement en matière de formation et de délisation des talents. Notre rôle d’investisseur est aussi d’accompagner les dirigeants dans leurs problématiques de recrutement. Nous sommes actionnaires de Maped, un exemple d’ETI qui réussit remarquablement dans la gestion de sa croissance et de ses ressources : elle est présente sur tous les continents et doit chaque jour gérer de multiples sujets liés aux marchés et aux fluctuations des devises. Il lui faut pour cela trouver les gens compétents et elle le fait. Avec succès !
Propos recueillis par Françoise Lafuma
0 commentaires