Interview / Jean-Pierre Brunet : « Mon challenge : une écologie qui rassemble »

par | 30 décembre 2022

À l’heure où les enjeux énergétiques deviennent prégnants, le président du Groupe Brunet revient sur les notions d’autonomie, de sobriété, de RSE et d’approche globale. Interview.

Le Groupe Brunet, que vous présidez, s’est voulu précurseur sur les questions d’autonomie énergétique, avec la création de la start-up Zest, voici plusieurs années. En ces temps où l’énergie devient une préoccupation majeure, quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

Nous avons travaillé les solutions d’autonomie en général, pas seulement l’énergie, même s’il est vrai que son stockage s’est révélé un enjeu central. Nous traitions sur tous les sujets. Nous étions visionnaires. Mais, juridiquement, technologiquement… C’était très lourd. Sur le traitement autonome de l’eau, par exemple, nous nous sommes heurtés à des problématiques de normes. Pour développer vraiment nos solutions, il nous aurait fallu beaucoup de capitaux. Cette expérience, nous a cependant permis d’acquérir un maximum d’ingénierie, de pousser très loin la réflexion, non seulement sur la technologie, mais aussi sur nos usages.

« Si de nombreuses réalisations tombent dans le travers du green washing, c’est parce qu’elles ont mal été pensées à la base. Pour échapper à ce piège, il faut se poser des questions très en amont, repenser la prise de décision. Cela paraît avoir un coût, mais si cela peut vous éviter d’investir dans un projet mal conçu, ce n’est pas si cher. »

« Nous réduisons la voilure, mais nous essayons d’être plus agiles, plus efficaces et exemplaires. C’est essentiel à une époque où les jeunes, notamment, sont en quête de sens. C’est peut-être même le plus important pour un chef d’entreprise, aujourd’hui, que d’être capable de renoncer à un projet qui ne fait pas sens et de savoir l’expliquer à ses équipes. »

Où en est cette start-up, aujourd’hui, du coup ?

Nous sommes en train de la transmettre à trois jeunes ingénieurs de Centrale, tout en restant engagés à leurs côtés. Zest reste dans l’ingénierie de l’autonomie, mais s’oriente vers le photovoltaïque en autoconsommation collective. La demande est forte aujourd’hui, mais il ne s’agit pas seulement de poser des panneaux. Il faut avoir un oeil sur les infrastructures, la qualité des bâtiments, l’isolation… Tout cela demande une expertise globale. La période représente une vraie opportunité, mais aussi un vrai risque que certains acteurs fassent n’importe quoi, par appât du gain, par effet d’aubaine. Cela pourrait provoquer une défiance, une mauvaise image, ralentir le développement du secteur, alors qu’aujourd’hui, la technologie est mature. On peut arriver à garantir 20 ans d’accès à une énergie pas chère et décarbonée. Ce qui aurait pris dix ans pourrait aujourd’hui se faire en deux. Mais, outre les non-qualités, on risque aussi des ruptures sur les panneaux solaires au printemps prochain. Il va falloir faire preuve d’intelligence collective. On met beaucoup de choses sur le dos du conflit russo-ukrainien. Celui-ci aura surtout été un accélérateur de problèmes préexistants. On sait qu’il faut produire une énergie décarbonée, mais surtout moins consommer, travailler l’isolation, mutualiser les bonnes pratiques… Une foule de choses sont à faire. Mais, il faut aller vite. La démarche doit être mondiale. Et l’approche doit être globale. Or, actuellement, on a beaucoup de compétences en silo. Je milite pour un engagement plus fort, plus citoyen, plus humaniste des entreprises. Notre groupe est motivé à relever ces défis.

Vous en êtes plutôt à réduire la voilure, pourtant ?

Quand j’ai rejoint l’entreprise créée par mon père, j’étais le quatrième salarié. Nous sommes montés jusqu’à 500 personnes, avant effectivement de décroître. Aujourd’hui, je m’inscris dans une démarche de transmission qui se veut qualitative. Brunet TP a été cédée en 2019. Nous réduisons la voilure, mais nous essayons d’être plus agiles, plus efficaces et exemplaires. C’est essentiel à une époque où les jeunes, notamment, sont en quête de sens. C’est peut-être même le plus important pour un chef d’entreprise, aujourd’hui, que d’être capable de renoncer à un projet qui ne fait pas sens et de savoir l’expliquer à ses équipes. Nous comptons encore tout de même 200 personnes au Maroc, qui travaillent sur l’eau, la préservation des nappes et de la ressource, avec Brunet Éco-Aménagement Méditerranée (BEAM). Avec le changement climatique, nous avons des opportunités pour revoir les relations nord-sud, pour travailler avec les pays africains qui vont être touchés de plein fouet par les inondations, les problèmes d’accès à la ressource, etc. Le groupe s’est diversifié et s’est développé à l’international à partir des années 1990, avec la réhabilitation des réseaux d’eau de la ville de Beyrouth. En Afrique, nous transformons nos réalisations en chantiers écoles, en partenariat avec l’ONG Auraction. J’aime cette approche où l’on résout des problèmes, tout en faisant de la pédagogie. Ce volet coopération décentralisée et RSE, nous souhaitons le développer.

« On met beaucoup de choses sur le dos du conflit russo-ukrainien. Celui-ci aura surtout été un accélérateur de problèmes préexistants. On sait qu’il faut produire une énergie décarbonée, mais surtout moins consommer, travailler l’isolation, mutualiser les bonnes pratiques… Une foule de choses sont à faire. Mais, il faut aller vite. »

Et en France ?

En France, nous sommes encore 60. Et comme je trouve que la transition écologique ne va pas assez vite, je souhaite que le groupe soit un incubateur, un accélérateur de projets qui ont du sens. Avec Brunet Éco- Aménagement (BEA), nous devenons plutôt des maîtres d’ouvrage qui travaillent en partenariat, notamment avec les collectivités. Nous sommes accompagnés par un spécialiste en analyse du cycle de vie, Jérôme Payet, à qui nous soumettons tous les projets dont nous sommes maîtres d’ouvrage. Si de nombreuses réalisations tombent dans le travers du green washing, c’est parce qu’elles ont mal été pensées à la base. Pour échapper à ce piège, il faut se poser des questions très en amont, repenser la prise de décision. Cela paraît avoir un coût, mais si cela peut vous éviter d’investir dans un projet mal conçu, ce n’est pas si cher. Les donneurs d’ordres doivent être exemplaires. C’est un peu mon challenge : démontrer que c’est possible, être porteur d’une écologie qui rassemble.


Sébastien Jacquart
Crédit photo : Groupe Brunet

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