Patrons solidaires vient en aide aux sociétés pour leur permettre de conserver une partie de leur main-d’œuvre particulièrement volontaire, mais rejetée : les jeunes immigrés.
«Un jour peut-être, ce sera complètement banal d’embaucher un jeune immigré. Aujourd’hui, cela crée beaucoup de blocages », déplore Patricia Hyvernat, présidente de Patrons Solidaires, implantée à la Chapelle-du-Châtelard. L’association intervient auprès des entreprises quand celles-ci rencontrent des difficultés à recruter un ancien mineur non accompagné, bien souvent sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) une fois devenu majeur.
« En cas de difficulté, nous sommes là pour simplifier et expliquer les démarches à mettre en œuvre. » Des situations que Patricia Hyvernat et Stéphane Ravacley, créateur de l’association, ont vécues de l’intérieur. Gérants d’entreprises, ils ont subi tous deux la menace de l’OQTF pour un salarié qu’ils avaient formé et accompagné. Prêts à se battre jusqu’au bout, ils avaient entamé une grève de la faim pour protester contre la situation. Si la présidente de l’association ne conseille pas aux sociétés d’aller jusque-là, elle leur recommande en revanche de ne jamais abandonner.
Main-d’œuvre volontaire
Un jeu qui en vaut la chandelle avec des jeunes extrêmement motivés. « Après les nombreuses épreuves traversées, ils ne demandent qu’à apprendre, à travailler et à s’intégrer. » Mory Mara, boulanger, et Frédéric Peuillon, son employeur à la boulangerie Lou Pan à Bourg-en-Bresse, font partie des entreprises aidées par l’association.
Sous le coup d’une OQTF, le jeune boulanger était menacé de perdre son travail, ce, malgré toute son implication, son intégration et la volonté de son employeur de le garder. Pour le dirigeant, ces jeunes sont une chance pour l’artisanat. « Nous ne pouvons plus nous passer de cette main-d’œuvre. Non seulement elle nous amène une culture et une ouverture, mais également du courage, de l’abnégation, ce que nous n’avons plus forcément sur les jeunes générations », explique-t-il.
Investis à 200 %
Au-delà de la motivation de ces jeunes, il y a souvent un attachement qui se crée avec l’employeur. « Quand Mory a commencé à travailler chez nous, il n’était pas arrivé depuis très longtemps en France. Ma femme s’est énormément occupée de lui. Elle lui a acheté des livres pour les trois à six ans pour lui apprendre des mots simples. Elle lui a appris à se faire à manger, à repasser son linge, tout ce qu’il faut savoir », se remémore Frédéric Peuillon.
« Quand on prend un apprenti exilé, il faut lui apprendre le français, l’histoire, la culture, les savoir-faire… On lui apprend tout comme un jeune enfant. Ce n’est pas un investissement à 100 % mais à 200 %. On nous laisse entendre que si l’on prend le jeune en stage, il pourra finir sa formation, voire être embauché ensuite… Mais c’est une énorme supercherie. Il peut se retrouver sous le coup d’une OQTF dès sa majorité », s’agace Patricia Hyvernat
Des sociétés comme Lou Pan, Patrons solidaires en a déjà aidé une trentaine. Et avec une notoriété grandissante, les appels affluent de la France entière. Aujourd’hui, l’association travaille sur une cinquantaine de cas..
Alpha3a aux côtés des immigrés
L’association accompagne les étrangers dans leur accès au logement et au travail, une mission de relais complexe, compte tenu de nombreux freins. Parmi ses missions, l’association Alfa3a “Association pour le logement, la formation et l’animation, accueillir, associer, accompagner”, possède celle de l’accueil des étrangers.
« On les accompagne notamment sur l’entrée et le maintien dans l’emploi, mais aussi dans la formation professionnelle. Nous avons des partenariats avec des organismes pour monter des sessions sur des métiers spécifiques en fonction des besoins, comme en menuiserie ou dans l’industrie. Nous les accompagnons et les orientons, nous sommes un relais pour leur accès à l’emploi », explique Sabrina Latreche, adjointe au département d’accompagnement social d’Alfa3a. La mission de l’association débute bien souvent avec un renforcement voire un apprentissage du français.
« La barrière de la langue complique l’accès à l’emploi. Nous mettons donc des moyens en place pour qu’ils aient un niveau de base et puissent comprendre des consignes au travail. Il y a toute un apprentissage en centre de formation avant d’arriver en entreprise. »Au-delà de la barrière de la langue, ce public est souvent freiné par un manque de mobilité. Après avoir parcouru des milliers de kilomètres, ils se retrouvent bloqués faute de possibilité d’accès aux zones industrielles. Une difficulté qui limite le recrutement des sociétés. Si beaucoup arrivent avec des savoir-faire de leur pays, là encore, le bât blesse.
« La formation qu’ils auront eue là-bas, ne correspondra pas nécessairement à ce que l’on peut leur offrir ici. Il est parfois compliqué de trouver des équivalences. Aussi, le Greta de l’Ain met en place des validations d’acquis d’expériences pour les réfugiés. »Une manière de les relancer sur un projet professionnel plus proche de leur savoir-faire. Malgré tous ces obstacles, et comme dans le témoignage de Frédéric Peuillon, l’association constate une motivation élevée chez les étrangers. « Nous retrouvons cela chez les adultes, le père de famille ou l’homme isolé. Les réfugiés, notamment, ont vécu énormément de choses. Pour eux, la clé de leur parcours de demande, c’est un droit au travail. Donc la première envie qu’ils vont nous exprimer, c’est celle de travailler », conclut-elle.
À travers la France
Le travail de Patrons solidaires franchit largement les barrières du département. Kevin Lecart, dirigeant de LDC Lecart à Acigné en Bretagne, est aidé justement par l’association. Le chef d’entreprise, à l’image des dirigeants de l’Ain, témoigne de la difficulté qu’il rencontre à recruter un mineur non accompagné.
« J’ai pris un jeune en stage. À l’issu, je me suis rendu compte qu’il était très motivé, plus que d’autres. Je lui ai donc proposé un apprentissage dans mon entreprise. Malheureusement, la démarche pour l’intégrer à ma société n’est pas simple car il n’a pas ses papiers de nationalité française. Nous avons quelqu’un sous la main, qui peut nous aider, qui est motivé, à qui nous pouvons apporter des choses et on nous met des bâtons dans les roues pour un simple droit du travail », s’exclame-t-il. Des difficultés qui, si elles durent, pourraient l’amener à embaucher quelqu’un d’autre, quitte à avoir affaire à une personne moins motivée mais plus facile à recruter.
Plus d’infos : https://www.patrons-solidaires.org/
En chiffres
2 500 : l’Ain compte 2 500 bénéficiaires de la protection internationale, dont environ 500 en attente d’une décision sur leur demande d’asile.
28 500 : toutes catégories confondues, le département accueille 28 500 étrangers, étudiants compris.
Joséphine Jossermoz
Image à la une : ©Facebook Patrons Solidaires
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