Face aux prix élevés des équipements de loisirs, toujours plus techniques, et à l’évolution des usages vers une consommation plus (éco)responsable, la location se développe comme alternative à l’achat.
Le marché de la location de matériel et de vêtements de sports outdoor est en plein essor, répondant à une nouvelle manière de consommer qui consiste à louer plutôt qu’acheter. Désormais, l’accès au produit prime sur le fait de le posséder. Une façon aussi de mettre fin au tout-jetable et à l’obsolescence programmée.
Rendre les produits accessibles
Selon les professionnels, sur ce marché, la volonté première est de rendre les produits accessibles au plus grand nombre et de multiplier leurs utilisations pour “rentabiliser” leur durée de vie, et, in fine, s’inscrire dans une économie circulaire. Conscience environnementale oblige… Car c’est bon pour la planète, sur fond de dérèglement climatique et d’évolution des mentalités, notamment celle des consommateurs, qui exigent des marques qu’elles “verdissent”.
Autant de raisons louables qui poussent aujourd’hui les entreprises et les marques à s’engager dans cette voie. Qui plus est, la loi “antigaspillage pour une économie circulaire” (Agec), adoptée en 2020, impose aux fabricants et distributeurs français de changer leur modèle de production et de consommation.
Des entreprises en ont fait leur fonds de commerce. Exemple parmi d’autres, la plateforme Les Petits Montagnards, qui a démarré fin 2018 à Cernex (74) avec des tenues de ski pour enfants et qui, depuis, a étendu son offre aux adultes et au matériel de randonnée, camping, bivouac et cyclorando, sous forme de packs personnalisés.
Au catalogue : 500 références (tentes, chaussures, sacs à dos, sacs de couchage, sacoches de vélo…) d’une quinzaine de marques, de préférence locales, « sélectionnées pour la qualité technique de leurs produits, facilement réparables et expédiables », souligne son fondateur, Pierre-Gilles Massoulier. Ses clients ? Des touristes étrangers désirant voyager léger, et des citadins. Et d’ajouter : « Le modèle de la location séduit à la fois les pratiquants d’outdoor occasionnels et ceux multi-activité, en apportant une réponse aux problèmes du prix et du stockage, surtout quand on habite un appartement. » Même constat chez Bivouac Location, créée il y a déjà huit ans, à Thônes (74).
« En 2021, 17 millions de Français ont loué du matériel sportif », selon Lokki, plateforme de location d’équipements de sport.
Réduire la production… et son empreinte carbone
Parallèlement, les marques et les enseignes s’y mettent aussi, même si la location n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’on loue des skis depuis des lustres. Engagé de la première heure, Decathlon, le géant du sport, réinvestit ce marché en innovant, avec un magasin pilote, en Belgique, qui loue à grande échelle des équipements de sport sur la base d’abonnements.
À son Mountain Store de Passy, plus classique, des packs et articles dédiés à l’alpinisme, à la via ferrata et au bivouac sont proposés à la location depuis décembre 2021. « À chaque saison, nous étoffons l’offre (exemple avec le paddle, cet été) pour répondre à la demande des clients », explique David Mortille, responsable du service location, qui enregistre une progression à deux chiffres cette année, « avec de belles perspectives d’évolution ».
À l’échelle de Savoie Mont-Blanc, les initiatives se multiplient. Ainsi Picture (50 M€ de CA, 90 salariés), marque de vêtements écoconçus, a lancé, début 2022, sa propre plateforme de location de vêtements. Pour Julien Durant, un des trois fondateurs de la marque, « il n’est, en effet, pas indispensable d’acheter quand on ne pratique pas régulièrement ». À la clé, une économie pour le consommateur, qui divise le prix d’achat par quatre, en moyenne. De 200 clients, la marque est passée à 400 (avec un seuil de rentabilité à 1 200).
Si la location est donc une solution pour dépenser moins, « elle permet de créer un cercle vertueux en réduisant les volumes de production, sachant que celle-ci est à l’origine de l’essentiel des émissions carbone d’un produit », pointe le dirigeant de Picture, qui rapporte que porter un habit deux fois plus longtemps baisserait les émissions de gaz à effet de serre de 44 % ! La marque réfléchit désormais à favoriser la consommation des usages, qui sont démultipliés, et non plus des produits : « Un modèle économique d’avenir, à faible impact », soutient Julien Durant.
de pratiquants avec moins de produits », indique la direction de Millet. Crédit photo Millet
MILLET S’ATTAQUE AU MARCHÉ DE LA LOCATION
Le fabricant haut savoyard propose packs et produits à louer pour pratiquer l’alpinisme et la randonnée.
Depuis fin mai, Millet, la marque emblématique d’équipements de sports de montagne, propose à la location, dans deux de ses magasins (à Chamonix et Lyon) et sur son site internet dédié (location.millet.com), une sélection d’articles destinés à la pratique de l’alpinisme et de la randonnée-bivouac. Pour l’heure, l’offre se présente sous la forme de deux packs complets, comprenant sac à dos de montagne ou de randonnée, sac de couchage, une première couche et un ensemble pantalon-veste en Gore-Tex ou en matière isolante, selon la pratique et la saison. Plus des bâtons de marche pour la randonnée-bivouac. « Le client peut aussi louer nos produits à l’unité pour compléter son matériel », souligne Frédéric Moreau, responsable “projets et développement commercial”, qui proposera prochainement un autre pack pour les expéditions.
En cette période de lancement, quelques dizaines de pièces sont disponibles. « Le service sera dimensionné en fonction de la demande. Dans un an, on y verra plus clair. Et nous n’excluons pas d’étendre ce service à nos cinq magasins en France, et à d’autres », confirme Frédéric Moreau.
En procédant de la sorte, « Millet veut faciliter l’accès à ses produits au plus grand nombre, en offrant une alternative à l’achat classique, pour des besoins plus ponctuels. Et pourquoi pas amener le consommateur à pratiquer d’autres activités », explique le responsable. Avec la volonté de jouer un rôle économique direct, en apportant une plus-value et en faisant profiter de son expérience. « C’est pour ces raisons que nous avons préféré investir dans la location plutôt que dans la seconde main », poursuit Frédéric Moreau, rappelant la mission de Millet qui est d’« être au contact des pratiquants. » Il termine : « La location s’inscrit totalement dans l’économie circulaire et peut avoir un effet vertueux sur l’allongement de la durée de vie des produits. Le service location sera audité par nos experts RSE en termes d’impact carbone. Nous aurons un regard critique : si ce n’est pas concluant, on corrigera ; et si c’est vraiment écologique, on accélérera. »
Patricia Rey
Photo Une tente Samaya – crédit Hugo Wirth
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