Les besoins en métaux se sont développés de façon exponentielle depuis plusieurs décennies. Si les réserves permettent encore de répondre aux demandes manufacturières, il ne faut pas attendre pour trouver des alternatives. Le point avec Florian Fizaine, Maître de conférences de l’Université Savoie Mont Blanc (USMB) et chercheur à l’Institut de Recherche en Gestion et en Économie (Irege).
Globalement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la consommation des ressources, et en particulier des matières premières, a beaucoup augmenté. La croissance démographique a été logiquement combinée à la croissance économique, amplifiant la consommation de produits de première nécessité, mais aussi d’autres biens moins essentiels mais dont la production et l’industrialisation ont permis d’en démocratiser l’usage.
« Le bilan “matière” du monde s’est alourdi et s’est déséquilibré vers des ressources non renouvelables », constate Florian Fizaine, maître de conférences de l’Université Savoie Mont Blanc et chercheur à l’Institut de recherche en gestion et en économie (Irege).
La démonstration de l’enseignant- chercheur ne vise pas à minimiser les pénuries à venir, mais à nuancer l’analyse afin de prioriser les urgences et les solutions. Certes, il n’y a pas d’indicateur d’épuisement des ressources et pas de signes d’effondrement imminent, mais une prise de conscience est néanmoins nécessaire pour ne pas subir une situation problématique dans le futur.
“L’énergie décarbonée augmente les besoins en métaux.”
Florian Fizaine
Transitions et mutations
« L’inquiétude sur l’approvisionnement des métaux est souvent corrélée à la hausse des prix », précise l’enseignant-chercheur, mais pas forcément à la réalité de sa disponibilité. En parallèle d’un recours accru à l’utilisation de ces matières premières, les capacités technologiques ont dans le même temps beaucoup progressé, offrant des possibilités d’extraction supplémentaires, sans hausse des coûts.
Les gisements s’épuisent en termes de qualité, ce qui nécessite d’aller chercher plus profondément, et donc d’utiliser davantage d’énergie pour les remonter en surface. Pour autant, les coûts se réduisent du fait des progrès techniques et des gains au niveau de l’efficacité énergétique qui ont contribué à compenser cet effet d’épuisement.
Le maître de conférences a établi un graphique pour démontrer les liens entre production de richesse et ressources d’énergie qui tend à démontrer que, dans le contexte actuel, l’urgence n’est pas de trouver d’autres matières parce qu’elles risquent de manquer, mais de réduire l’empreinte carbone liée à leur extraction.
Sans oublier, les questions sociétales des conditions de travail dans les mines, qui touchent, la plupart du temps, les populations les moins favorisées de la planète. Florian Fizaine relève également que si les ressources renouvelables représentaient un tiers du total en 1970, elles dépassent à peine le quart en 2017.
« Les gisements s’épuisent en termes de qualité, ce qui nécessite d’aller chercher plus profondément, et donc d’utiliser davantage d’énergie pour les remonter en surface. »
Effet rebond
Les transitions énergétique et numérique risquent d’avoir un effet amplificateur en accentuant ce déséquilibre. « L’énergie décarbonée augmente les besoins en métaux », synthétise Florian Fizaine, qui nuance cependant son propos en détaillant quels sont les métaux les plus concernés. Ainsi, selon les données du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), la consommation de tellure serait augmentée de plus de 1 170 % entre 2016 et 2040 pour produire de l’électricité, pendant que, dans le bas du tableau, le fer totaliserait +23 %.
« L’extraction minière n’est pas en phase avec le calendrier des besoins à venir », ajoute-t-il. Un constat encore plus prégnant concernant la mobilité, et notamment le choix du tout-électrique pour les véhicules dès 2035 en Europe, avec une production qui risque d’être bloquée par un manque de matières premières. Ce n’est pas un problème de stock, mais bien une capacité d’extraction qui ne pourra pas être comblée.
Une question d’approvisionnement à laquelle il faut ajouter un enjeu d’indépendance nationale et de positionnement géostratégique, l’Europe dépendant d’autres régions du monde telles que la Chine ou l’Inde pour n’en citer que deux. Une des problématiques à résoudre est la capacité de découpler notre modèle économique des ressources.
En résumé, comment rendre un service identique en utilisant moins de ressources ? Une équation difficile à résoudre car plus une technologie est efficace, plus elle est accessible et plus la production s’accroît, et donc l’utilisation de matière première. Un effet rebond de la démocratisation des accès aux technologies qui a des allures de cercle vicieux…
Sandra Molloy
Cet article est issu de notre supplément EcoMeca n°105 de Juin 2024, disponible gratuitement au format liseuse en ligne >>
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