Où va le marché de l’immobilier ?

par | 20 novembre 2018

Sur un marché en tension, l’offre est en décalage avec la demande, toujours très soutenue. Et les prix s’affichent à la hausse.

2018 se termine, comme elle a commencé, sur les chapeaux de roue. Les professionnels de l’immobilier peuvent se frotter les mains. Après une année 2017 particulièrement dynamique avec des transactions en hausse de 9,4 % sur les deux Savoie, -31 480 logements ont été vendus-, les ventes se poursuivent sur le même rythme effréné.

Selon la profession, une raison majeure explique ce phénomène : l’attractivité avérée des Pays de Savoie, dont la population ne cesse d’augmenter. Pour s’en convaincre, les 11 000 nouveaux arrivants enregistrés sur le seul département de la Haute- Savoie en 2017. Et près de 8 % des actifs résidant dans le Grand Annecy travaillent en Suisse, soit l’équivalent de 10 500 personnes. Des travailleurs frontaliers qui dopent le marché.

Inflation parfois galopante

Résultat l’immobilier local est très dynamique. « La demande est soutenue et l’offre importante mais ce ne sont pas toujours les produits que les acquéreurs recherchent », nuance Jean-Luc Caillat, directeur commercial chez Vallat Immobilier à Annecy. « Les appartements très bien placés avec vue partent en quelques jours, soutient Thierry Uomobono, directeur-associé de l’agence Tour des lacs Immobilier. Des actifs pour la plupart et des retraités qui veulent vivre en centre-ville plutôt qu’en périphérie pour des raisons de commodité ».

Mais aussi des investisseurs qui achètent des petites surfaces pour les louer sur Airbnb ou Le Bon Coin après les avoir retapés. Conséquence inéluctable, les prix sont élevés et pas toujours en phase avec le marché. Compter 3 971 euros le mètre carré dans l’ancien à Annecy, 2 349 € à Chambéry et 2 848 € à Aix-les Bains. Mais il ne s’agit là que de moyennes. Pour un bien haut de gamme, les prix peuvent atteindre 6 500 €/m2 à Annecy intra-muros dans l’existant, et jusqu’à 6 500 à 7 500 euros dans le neuf… Voire beaucoup plus, à partir de 10 000 €, pour des biens d’exception.

« Dernièrement, un appartement de 100 mètres carrés situé à l’avant-dernier étage d’un bel immeuble haussmannien face à l’hôtel de ville s’est vendu 800 000 euros. Avec pourtant, d’importants travaux de rénovation », étaye Thierry Uomobono. Plus on se rapproche du lac, plus les prix grimpent. Exemples, avenue d’Albigny et Annecy-le-Vieux, zones très prisées.

Du côté d’Aix-les-Bains au bord du lac du Bourget, si les valeurs sont moins élevées qu’à Annecy, certains secteurs comme Brison-Saint-Innocent et Tresserve ont aussi une forte cote. « Le marché à la revente y est très dynamique et plusieurs programmes neufs sont en cours de commercialisation », se réjouit Jean-Luc Caillat. Toutefois, et plus inquiétant, la rareté de l’offre portant sur les produits de standing tend à fausser le marché et à faire grimper les prix au-delà des estimations.

Manque de programmes neufs

Et c’est encore plus critique dans le neuf, où le décrochage amorcé en début d’année se confirme sur un marché extrêmement tendu. À fin juin, le nombre de réservations chute de 18 % dans le Grand Chambéry et de 6 % dans le Grand Annecy (-10 % à fin août, Ndlr), par rapport à un an plus tôt. « Les mises en commercialisation sont aussi en très net retrait, respectivement de 42 et de 76 % », alerte Olivier Gallais, président de la Fédération des promoteurs immobiliers des Alpes.

Mécaniquement, l’offre disponible baisse de 15 % dans le Grand Annecy où elle s’avère insuffisante. En cause le foncier notamment, qui devient de plus en plus rare. Pour les promoteurs, sortir une opération sur le bassin annécien et dans certaines zones de la Haute-Savoie devient très compliqué. « Sur un marché déjà hyperconcurrentiel, nous voyons arriver des grands groupes régionaux et nationaux, décidés à prendre leur part du gâteau. Résultat, les prix des terrains flambent et ce sera le plus offrant qui remportera la mise, et à des prix hors marché. Il existe actuellement une vraie surenchère, pas toujours très vertueuse », regrette Grégory Monod, pdg de Sogimm, promoteur-constructeur à Annecy, qui préconise davantage d’opérations d’initiative publique avec des prix encadrés pour réguler le marché.

Le programme Baccara, produit par Imaprim et livré en mars 2019, compte 27 logements haut de gamme, à date tous vendus. Situé à Annecy dans le triangle d’or, rue Louis Boch, le prix au mètre carré atteint 6 300 euros.

Le Genevois, en net repli

Dans le neuf, sur ce marché, réputé atypique du fait de sa proximité immédiate avec la Suisse, les volumes de transactions accusent une forte baisse, 32 % au 1er semestre 2018 selon la FPI Alpes. Alors que ceux-ci avaient atteint un seuil élevé à 2 729 réservations nettes en 2017, après trois années dynamiques. Certains secteurs sont plus touchés que d’autres : en tête, le Sud Genevois (-62 %) qui représente traditionnellement 14 % du marché, le Pays de Gex (-35 %) et le Grand Genevois (-32 %). Ce constat prévaut aussi pour les mises en vente, en recul de 47 %.

Toutefois le stock disponible reste globalement stable, avec toujours un grand écart entre le Sud Genevois (-3 %) et l’agglomération d’Annemasse (+13 %). Cette dernière, moins attractive, bénéficie désormais de la création en cours d’importantes infrastructures de transports en commun, à l’instar du Ceva, du Léman Express et du tram Annemasse- Genève qui ont pour effet de doper tout ce secteur. Quant aux acquéreurs, il s’agit pour 27 % d’investisseurs en loi Pinel, dont la part ne faiblit pas, a contrario de la tendance nationale en retrait à -10,4 %.

S’agissant des valeurs en cours, le prix moyen du mètre carré s’établit à 4 348 euros. L’écart de prix peut atteindre jusqu’à 1 000 euros, exemple entre le Chablais (3 989 €/m2) et le Pays de Gex (4 917 €). Dans certains secteurs comme le Pays de Gex et Annemasse, ils ont progressé de 10 % ces quatre dernières années, contre +5,8 % dans le Sud Genevois et +3,3 % dans le Chablais.

AER ARCHITECTES : « Nous avons un rôle d’intérêt public »

Julien Haase, co-gérant associé du cabinet annécien livre sa vision de l’urbanisme :

« La pression foncière sur notre territoire est énorme. Chaque terrain potentiel fait l’objet d’une vraie concurrence des promoteurs, qui fait monter les prix. En même temps, cette pression contraint les architectes à valoriser le terrain et à maximiser les surfaces construites. Ce phénomène a deux impacts : d’abord on construit au gabarit proche du maximum des règles fixées par le PLU. Si la hauteur est fixée à 15 mètres, on construira à 15 m, si la limite entre deux bâtiments est à 5 mètres, on construira à 5 m. On utilise à 100 % les règles d’urbanisme, d’où la réticence des mairies qui, submergées de projets, tentent de réguler en minimisant la densité. »

« Deuxième impact, les riverains, qui mécontents de voir pousser des immeubles, multiplient les recours. Pour préserver les espaces naturels et agricoles et éviter le mitage pavillonnaire, les pouvoirs publics ont choisi de densifier et de construire la ville sur la ville. Notre rôle d’architecte est d’arriver à trouver un compromis entre densité et qualité même si l’équilibre est délicat. Là est notre plus-value. Nous prônons une densité douce et acceptable. Ainsi quand nous travaillons sur des logements collectifs, nous proposons des appartements avec une vraie qualité d’usage. »

« Ces immeubles s’insèrent dans leur site et prennent en compte le voisinage. N’oublions pas que l’architecture a un rôle d’intérêt public. Avec l’obligation de concilier pression foncière, déontologie et éthique pour sortir un programme en promotion immobilière. Je ne suis pas défaitiste car ce n’est pas incompatible. Aujourd’hui le contexte est tel, que nous faisons appel à une juriste pour border chacun de nos dossiers afin d’éviter que les permis de construire ne soient retoqués et ne fassent l’objet de recours. Les programmes finissent généralement par sortir de terre. Pour éviter des déconvenues, il faudrait replacer l’urbanisme au coeur du débat public, comme c’est le cas dans certains pays européens. »


Par Patricia Rey


Cet article est paru dans votre magazine Panorama de l’immobilier 2018-2019. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, et pour soutenir la presse, vous pouvez vous abonner ici.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez également :

L’Inseec Chambéry ouvre le chapitre BTS

L’école supérieure de commerce et de gestion savoyarde ouvre en septembre son premier BTS. D’autres pourraient suivre dans les années à venir. Si, jusqu’à présent, les étudiants désireux d’intégrer l’Inseec de Chambéry avaient le choix entre de nombreux bachelors...

LIRE LA SUITE

Publicité