Parcours culinaires : le Beaufort, une filière qui fait référence

par | 23 juillet 2018

Beaufort, reblochon, poulets de Bresse, Saint-Marcellin, noix de Grenoble ou poire de Savoie, Saint-Genix, vins du Bugey ou de Savoie, Vermouth… Les spécialités culinaires ne manquent pas dans les territoires couverts par notre groupe de presse : les Pays de Savoie, l’Ain et le Nord-Isère.

Nous profitons de l’été pour vous proposer cinq parcours culinaires forcément subjectifs – nous ne pouvons pas tout goûter ! Une autre manière de visiter nos terroirs, et de parler économie… Nous commençons par un voyage en Savoie, des alpages du Beaufortain aux caves de Chambéry…

Le Beaufort, une filière qui fait référence

Tombée à moins de 500 tonnes dans les années 1960, la production de beaufort est aujourd’hui dix fois plus élevée. Surtout, elle est la clé de voûte d’un modèle économique permettant le maintien de l’agriculture de haute montagne.

Dans les années 1950-1960, le lait des producteurs de Beaufort n’intéressait plus personne en raison de l’éparpillement des points de collecte et du coût prohibitif de la ramasse. Aujourd’hui, il est acheté entre 750 et 800 euros les 1 000 litres, soit le double d’un lait ordinaire. « On nous dit que notre lait est le plus cher de France, mais ce prix est en rapport avec les coûts de production, plus élevés en zone montagne : les investissements matériels sont importants et chacun doit avoir au moins deux points d’exploitation à des altitudes différentes pour la pâture des troupeaux », tempère Maxime Mathelin, responsable de la communication du Syndicat de défense du Beaufort, chargé de gérer l’appellation et d’en assurer la promotion collective. Pour autant, l’évolution enregistrée au cours des cinquante dernières années témoigne de la réussite d’un modèle économique qui a su sortir des sentiers battus pour s’imposer, à force de pugnacité, comme une référence.

Le pari de la qualité

Le nom de Beaufort apparaît pour la première fois en 1865, mais dès le XVIIe siècle, le savoir-faire issu de la fabrication du Vachelin au Moyen-Âge et des Gruyères donne naissance à un fromage relativement proche, la Grovire. Destiné à conserver le lait produit sur les alpages savoyards durant la saison, il est utilisé comme monnaie d’échange. Dans les années 1960, les zones de montagne sont frappées par l’exode rural et voient leur agriculture péricliter. La production de Beaufort tombe à moins de 500 tonnes. Quelques agriculteurs emmenés par Maxime Viallet décident de prendre le contre-pied du schéma productiviste qui s’impose à l’époque en misant sur une fabrication de qualité, supportant les coûts de production en zone de haute montagne.

Après l’échec d’une première société coopérative dédiée à l’affinage, ils créent en 1961 une première coopérative laitière. L’idée est d’acheter le lait des agriculteurs dont les troupeaux sont petits pour fabriquer, affiner et vendre collectivement. En 1965, les sept coopératives de Beaufort se rassemblent au sein de l’Union des producteurs de Beaufort. Chargée de veiller à la qualité de la production, la structure crée un service technique qui collabore avec différents organismes de recherche comme l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et Actalia pour aboutir à la reconnaissance du Beaufort en AOC en 1968. Ce service est aussi chargé de contrôler la qualité du lait et le cycle de fabrication, tout en accompagnant les ateliers qui rencontrent des problèmes de qualité. Cette politique permet de classer 90 % de la production en A (zéro défaut) alors que le taux était de 40 % avant 1990.

Le nom de Beaufort apparaît pour la première fois en 1865, mais dès le XVIIe siècle, le savoir-faire issu de la fabrication du Vachelin au Moyen-Âge et des Gruyères donne naissance à un fromage relativement proche, la Grovire.

Une filière aux mains des producteurs

La filière dont le rôle est d’assurer la pérennité de petites exploitations est gérée à 90 % par les producteurs. Elle représente environ 1 000 emplois répartis entre exploitations (750) et ateliers de transformation (250). L’appellation s’étend sur un périmètre de 450 000 hectares couvrant les zones de haute montagne du Beaufortain, de la Tarentaise, de la Maurienne et d’une partie du Val d’Arly. Un vaste territoire où 400 agriculteurs – beaucoup sont petits – produisent 58 millions de litres de lait par an pour une production de 5 100 tonnes de Beaufort. Les coopératives représentent l’essentiel de la production (76,1 %), suivies des particuliers et de l’acheteur de lait établi sur le secteur (9,6 % chacun) puis des groupements pastoraux (4,7 %).

Depuis l’origine, elles associent un atelier de fabrication, un circuit de visite destiné à expliquer le travail réalisé et un magasin de vente. Une cinquantaine d’autres boutiques éloignées des sites de production ont par ailleurs fleuri ces dernières années avec des ouvertures à Albertville, Gilly-sur- Isère, Ugine, Chambéry, Sevrier, Cran Gevrier ou encore… Paris. « Chaque atelier est indépendant et conduit sa propre politique de développement, précise Maxime Mathelin. Beaufort a par exemple tendance à rechercher des implantations à proximité de centres commerciaux alors que Moûtiers privilégie les centres-villes. » Ces magasins qui proposent une offre élargie de produits du terroir donnent accès à des zones de grande consommation. Ils réduisent également les intermédiaires et laissent la maîtrise des prix (en moyenne, le prix constaté oscille entre 20 et 23 euros/kg) aux producteurs qui affichent clairement leur volonté de rester dans des tarifs abordables, en rapport avec la qualité du produit.

Un cahier des charges drastique

Qualité. Reconnue depuis 50 ans, l’Appellation d’Origine Protégée impose des règles de production qui assure la typicité du beaufort.

Le cahier des charges qui s’impose aux producteurs de Beaufort est l’un des plus contraignants des appellations d’origine protégée (AOP). 95 % des surfaces utilisées par la filière sont des prairies permanentes qui se caractérisent par une herbe abondante et riche avec 60 espèces végétales différentes observées par mètre carré. Cette flore de haute montagne qui constitue l’essentiel de l’alimentation des bêtes – avec le foin et des compléments limités – permet de produire un lait de grande qualité. L’AOP précise que la production ne doit pas excéder 5 000 kg par an et par vache en moyenne sur le troupeau uniquement constitué de Tarines et d’Abondances. Le lait issu des deux traites quotidiennes est acheminé vers l’atelier puis versé dans un chaudron de cuivre. Lorsqu’il atteint une température de 33 °C, le fromager ajoute la présure, préparée à partir de caillette de veau macérée.

Le caillé ainsi obtenu est découpé en petits grains qui sont chauffés à 53- 54 °C et brassé. La masse de grains est ensuite retirée du chaudron pour être placée dans une toile de lin et dans un cercle de bois qui confère au fromage son talon concave. Durant les 20 premières heures, le fromage est pressé et régulièrement retourné. Les 24 heures suivantes sont marquées par une période de mise au repos avant un bain de saumure assurant un premier salage et formant la croûte. L’affinage vient clore le cycle de fabrication : placées à une température inférieure à 10 °C, les meules sont, deux fois par semaine pendant cinq mois au minimum, salées, frottées, retournées. Généralement très doux, le Beaufort est fabriqué avec du lait de vaches redescendues à l’étable et principalement nourries de foin. Le Beaufort d’été dont la pâte est plus jaune, le goût plus prononcé est issu des productions laitières de juin à octobre, lorsque les troupeaux sont en alpage.

Généralement très doux, le Beaufort est fabriqué avec du lait de vaches redescendues à l’étable et principalement nourries de foin. Le Beaufort d’été dont la pâte est plus jaune, le goût plus prononcé est issu des productions laitières de juin à octobre, lorsque les troupeaux sont en alpage.

Les crozets de Savoie au Gault&Millau

Artisanat. Presque centenaire, la Maison Rullier est entrée fin 2016 dans le célèbre guide gastronomique avec sa recette traditionnelle de crozets.

De la farine de blé ou de sarrasin, des oeufs, de l’eau et du sel. Ce sont les quatre ingrédients utilisés à partir du XVIIe siècle par la ménagère savoyarde pour fabriquer des crozets. Ce sont aussi ceux que l’on retrouve dans les crozets artisanaux produits par le Père Rullier à Seez. « Nous avons voulu conserver la tradition de ces petites pâtes typiques, de forme carré, qui constituent un véritable trésor culinaire », souligne Céline Charignon, sa codirigeante avec Bruno Parisio. Fondée en 1920 à Seez, la Maison Rullier était à l’origine une boucherie. En 2012, le petit-fils de son fondateur n’a pas de successeur et cherche un repreneur. Restaurateur dans la vallée, Bruno Parisio est intéressé et fait appel à l’expertise de Céline Charignon dans le domaine de l’agroalimentaire et de la qualité. Le tandem finit par s’associer, en affaire comme à la ville, pour développer l’entreprise.

Distinguée en 2017 par un prix “qualité totale” décerné par la chambre des métiers et de l’artisanat de la Savoie et par divers trophées saluant sa politique commerciale, la Maison Rullier est passée d’un salarié au moment de la reprise à quatorze. Son chiffre d’affaires a lui été multiplié par quatre, évoluant de 329 000 euros en 2012 à 1,1 million en 2017, avec le développement d’un secteur restauration, de la vente en ligne et sur les marchés grâce à un food truck. La recette du succès ? La qualité de ses salaisons, terrines, foies gras, biscuits, jus et nectars, plats cuisinés, confitures fabriqués de manière artisanale avec des matières premières d’origine françaises. Sa production de crozets est, elle, entrée dans le fameux guide gastronomique du Gault&Millau. Elle représente désormais la moitié des volumes de vente avec six jours de production par semaine contre deux lors du rachat.

Sa production de crozets est, elle, entrée dans le fameux guide gastronomique du Gault&Millau. Elle représente désormais la moitié des volumes de vente avec six jours de production par semaine contre deux lors du rachat.

Dolin exporte le nom de Chambéry dans le monde

Vermouth. Présent dans une cinquantaine de pays, le fabricant savoyard d’apéritifs, liqueurs et sirops de fruits enregistre une forte progression de ses ventes.

Imaginez les répercussions lorsqu’un barmaid très réputé à New-York publie à destination de ses 50 000 followers une recette de cocktail confectionné avec du vermouth Dolin !

«Le succès est grandissant et international : le vermouth est présent dans plus de 70 % des cocktails les plus demandés et les plus bus dans le monde », sourit Pierre- Olivier Rousseau, président de Dolin et représentant de la cinquième génération de la famille Sevez. C’est en 1919 que Charles et Joseph Sevez achètent la vermouterie Dolin et Cie, créée un siècle plus tôt par Joseph Chavasse, l’inventeur du vermouth de Chambéry. Restée secrète, sa recette consiste à faire macérer un mélange de plantes et d’épices dans un vin que l’on renforce avec de l’alcool et du sucre. La gamme qui se décline en vermouth dry, blanc ou rouge profite de la renaissance dont bénéficie depuis quelques années le breuvage dans le monde. « Les réseaux sociaux ont énormément changé les manières de travailler et l’impact du bouche-à-oreille.

Imaginez les répercussions lorsqu’un barmaid très réputé à New-York publie à destination de ses 50 000 followers une recette de cocktail confectionné avec du vermouth Dolin », poursuit Pierre- Olivier Rousseau. Dolin a bouclé son exercice 2017 sur un chiffre d’affaires hors taxes de 9,3 millions d’euros, en hausse de plus de 20 %. Représentant 40 % de ses ventes, l’international (Amérique du Nord et du Sud, Asie, Australie…) devrait continuer de croître avec l’ouverture de nouveaux pays comme la Thaïlande, le Brésil, Israël ou la Croatie. La PME familiale qui emploie 20 salariés va recruter trois à quatre personnes supplémentaires en 2018 et 2019. Elle va également renforcer ses capacités de production en investissant 3 millions d’euros dans la modernisation et l’extension (30 % de surfaces supplémentaires) de son siège chambérien. Les travaux débuteront en 2019 et porteront, entre autres, sur l’agrandissement du chai à vermouth et de la zone de stockage.


Dossier réalisé par Sophie Boutrelle

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez également :

Formation : l’Inseec Chambéry ouvre le chapitre BTS

L’école supérieure de commerce et de gestion savoyarde ouvre en septembre son premier BTS. D’autres pourraient suivre dans les années à venir. Si, jusqu’à présent, les étudiants désireux d’intégrer l’Inseec de Chambéry avaient le choix entre de nombreux bachelors...

LIRE LA SUITE

Publicité