Le président du Medef, non candidat à sa succession, est passé par l’Isère pour dire au revoir, rappelant son attachement au Nord-Isère, annonçant la création de sa fondation «c’est possible!»
Pour le président en fin de mandat, c’est une tournée d’adieu ?
Non! J’ai simplement pris l’habitude toutes les semaines de me déplacer sur un territoire pour rencontrer ceux qui m’ont élu, ceux que je représente, ceux dont je suis le porte-parole. C’est dans ces moments que je me ressource ! J’ai dû me rendre dans la quasi totalité des départements depuis 5 ans. Cela me permet de rencontrer d’anciens cadres et d’anciens salariés qui ont monté leur boîte, ceux qui ont pris leur destin en main et que j’appelle les «vrais héros de la nation». Ce sont des gens formidables, qui ont galéré, et qu’on récupère au Medef avec les mêmes soucis que nous avons tous : comment développer son entreprise… J’ai constaté qu’il y avait auparavant comme une impression de ne pas être entendu, d’être méprisé. Avec le temps, ces personnes retrouvent la confiance. Emmanuel Macron est un pragmatique !
Le million d’emplois que vous dites avoir créé sous votre mandature est remis en question par la presse parisienne. Que lui répondez vous?
Que c’est un pari quasiment gagné ! L’économie française en a créé près de 700000 en trois ans. Un chiffre que François Hollande, d’ailleurs, reprend à son compte. Des réformes ont simplement été faites et cela a permis d’augmenter nos marges. Si la conjoncture reste aussi bonne, je pense que nous aurons les 300000 emplois qui nous manquent pour atteindre le million d’ici à la fin de l’année. Ce chiffre a beaucoup été caricaturé, mais pour moi, c’est une victoire! Ce n’est ni une réussite pour le Medef ni pour Pierre Gattaz, mais pour notre pays et nos jeunes. Il est fondamental d’obtenir ce million d’emplois collectivement car il permettra de passer de 10 à 8 % de chômage, puis de 8 à 6 %, etc. Mais pour arriver à faire baisser le chômage jusqu’à 5 %, ce n’est pas un million d’emplois qui est nécessaire, mais 2,5 millions!
Selon les régions, les résultats toutefois divergent !
Il y a en effet des territoires où le chômage est plus élevé que d’autres. Ces personnes auraient besoin d’un travail bien rémunéré qui leur redonne espoir. Malheureusement, il y a encore beaucoup d’opposants à la création d’emplois, notamment, des hommes et femmes politiques, alors que c’est essentiel. La création d’emplois et de richesses passe par l’entreprise. Tous les pays du monde ont compris cette logique.
Vous évoquez une nouvelle forme de dialogue social. Que voulez-vous dire, précisément?
Il s’agirait d’un dialogue social humain, de terrain, de management, de motivation, d’épanouissement.., bref, celui qu’on pratique tous les jours dans nos entreprises qui fonctionnent avec la motivation du personnel. On doit pouvoir participer à leur épanouissement, et, pour cela, partager les richesses. En revanche, nous ne pouvons pas donner des emplois à vie. Nous sommes dans des marchés qui évoluent constamment, notamment, grâce au numérique. Notre responsabilité, en tant que patrons, c’est de motiver au maximum nos salariés en leur donnant, par exemple, une formation permanente et en les rendant employables. Depuis 30 ans, en France, nous avons établi un dialogue social avec des obligations et des contraintes juridiques de partout. Nos DRH sont de moins en moins des managers de motivation et d’épanouissement et de plus en plus des gens techniques et juridiques. Je pense que le dialogue social est à réinventer avec plus de motivation, de partage et de discussions. Chaque entreprise a un dialogue social unique et différent.
Que répondez-vous aux opposants de ce dialogue qui dénoncent une précarisation de l’emploi et un recul des droits du salarié?
Il faut accepter ces réformes! Et c’est à nous de les expliquer. En France, l’économie n’est pas très bien enseignée. Elle est, dès lors, mal comprise, et c’est un problème. Notre environnement législatif et réglementaire reste très compliqué. Il est nécessaire de partager une vision collective. Il y aura toujours des manifestations, mais à ces opposants, qui sont parfois des leaders d’opposition, je pose ces questions : comment réglez-vous le problème du chômage en France ? Comment réglez-vous celui du plein emploi? Celui du pouvoir d’achat? Je pense que le modèle social est à réformer ! Il doit être d’une excellence économique, profondément humain et respectueux.
Dans une entreprise, il y a plusieurs missions clés : innover, produire, vendre, et, en transversal, gérer le personnel. Pour cela, nous avons besoin d’un environnement social, fiscal, législatif et réglementaire attractif, simple et compétitif. Ça, c’est le boulot de ceux qui nous dirigent. Ça a été le combat que nous avons mené avec tous ces territoires et leurs fédérations. Le seul problème que nous avons à résoudre maintenant, c’est la recherche de personnels et de collaborateurs, des gens que nous ne trouvons pas.
Pensez-vous que le Medef connaîtra un jour un président populaire ?
Je l’espère! En ce qui me concerne, par rapport aux cinq années de mandat que j’ai passées, il n’y avait pas de programme économique clairement affiché, si ce n’est “J’aime pas la finance et les riches”. Il m’a fallu contrer les mauvaises idées, les nouvelles taxes, c’était compliqué. J’ai tout de même réussi à m’entendre trop tardivement à la fin du précédent mandat avec des gens très bien. Manuel Valls, par exemple, a fini par comprendre l’importance d’une entreprise! J’espère que cela va se régulariser. Mais tant pis pour mon image et celle du Medef. Il faut juste accepter que l’entreprise soit essentielle.
Les décisions du président américain impactent en ce moment l’économie internationale. Quel est votre sentiment à son égard?
Un rapport de force s’est instauré. Donald Trump est assez brutal, il veut remettre de l’emploi très vite et très fort. Il faut faire en sorte que l’Europe soit suffisamment forte pour résister à cela et que l’euro concurrence le dollar. Je vois plutôt cela comme une opportunité pour réveiller économiquement l’Europe!
Vous semblez très attaché à l’Isère, racontez-nous!
C’est un endroit merveilleux, d’une part, pour son coté industriel et technique, et d’autre part, pour son environnement. C’est toujours pour moi un grand plaisir que d’être en Isère, là où j’ai quelques usines, comme à Voiron et l’Isle d’Abeau. Je n’oublie pas que mon père est né en Nord-Isère (Jallieu). Mais c’est la France qui est pleine de merveilles, qu’elles soient géographiques ou culturelles. Quand je vois que ce beau pays pourrait être à 3 % de chômage et dans l’harmonie totale, et que j’entends ces slogans diffusés derrière [ndlr : au moment de son interview réalisée au siège de la Fédération du BTP Isère à Grenoble, une manifestation prenait forme sous les fenêtres de l’immeuble], je me dis qu’il va falloir encore des années avant que cela fonctionne. Nous ne nous rendons pas assez compte de la chance que nous avons de vivre ici, et c’est pour moi un grand gâchis.
Votre mandat prend fin cet été, qu’allez-vous faire ensuite?
Je vais créer une fondation pour aider ces personnes dans les quartiers ou dans la ruralité à créer leur entreprise. Je vais leur permettre de réaliser leur rêve en leur proposant, par exemple, des formations plusieurs fois par an. Cette fondation va s’appeler “C’est possible!”, tout simplement.
BIO EXPRESS
11 septembre 1959
Naissance
à Boulogne- Billancourt
1984
Il intègre Dassault Electronique en tant qu’ingénieur d’affaires avant de devenir chef de projet export.
1989
Il prend la direction de Fontaine Electronique, PME de 45 personnes. Il occupe ensuite les mêmes fonctions
à la tête de Convergie, une ETI de 200 personnes dans le secteur de l’énergie.
1992
Il rejoint la direction de l’entreprise familiale Radiall.
1999
Il est élu président du Syndicat
des industries
de composants électroniques passifs (SYCEP)
2002
Il crée et préside la FIEN (Filière des Industries électroniques
et numériques).
2007
Il est élu président de la FIEC (Fédération
des industries électriques, électroniques et de communication).
3 juillet 2013
Il est élu président du Medef.
Recueillis par Eliséo Mucciante
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