Réalisateur et guide, Sébastien Montaz-Rosset filme, au hasard de ses rencontres, des sportifs exceptionnels. Ses documentaires saisissants portent un regard autre sur la montagne et l’homme. Sans fard ni distorsion.
Tout le monde, dans le milieu de la montagne, connaît Sébastien Montaz-Rosset. Pas forcément son nom, mais tout le monde a vu un de ses documentaires. Aujourd’hui, alors qu’il mène de front la réalisation de vidéos pour des entreprises et l’écriture d’un futur scénario, il s’accorde une pause sur les hauteurs de Sallanches, au pied du mont Blanc, où il vit avec Davina, son complément indispensable dans la vie comme dans le travail. Car il court, il court Sébastien Montaz-Rosset, emprunte les chemins de traverse… C’est plus fort que lui.
Depuis tout petit, aux Arcs où il a grandi, il scrute les sommets, comme happé par la montagne, son terrain de jeu. Sportif accompli, il pratique alpinisme, ski (il est aussi moniteur), parapente, vélo, course à pied et tutoie les sports extrêmes comme d’autres marchent. Nous avons tous en tête cette vision fugace et incroyable où on l’aperçoit en équilibre au-dessus du vide, à plus de 3 000 mètres d’altitude, évoluant à la manière d’un funambule sur un fil tendu entre deux montgolfières… Toujours plus loin, toujours plus vrai semble être sa quête ultime.
Avec le sérieux et l’assurance que lui confère son métier de guide. « Renoncer à quelques mètres du sommet ne me pose pas de problème. Il faut savoir s’arrêter pour ne pas se mettre en danger. Le sommet en lui-même ne m’a jamais intéressé, c’est le chemin emprunté qui a du sens », explique Sébastien Montaz- Rosset, se remémorant un de ses derniers films avec Kilian Jornet lors de leur ascension à l’Everest.
De l’ombre à la lumière
Le film qui l’a fait connaître ? I believe I can fly. Son premier opus. Celui qui l’a propulsé dans la lumière, lui, l’homme de l’ombre. « Il faut replacer ce documentaire dans son contexte. Il a été réalisé dans un style particulier, sur le vif, un procédé encore novateur en 2011. Le même film aujourd’hui n’aurait pas le même écho », précise-t-il avec l’humilité qui le caractérise, tout en faisant l’apologie des réalisateurs actuels, talentueux et débordants de créativité. Un film fort et poignant suivi d’un deuxième, Little Red Bus, récompensé par plusieurs prix, qui retrace la fabuleuse traversée en solo d’une highline en haute montagne. Depuis, ses réalisations s’enchaînent, toujours plus impressionnantes les unes que les autres. Avec ce je-ne-sais-quoi de différent et d’exaltant à la fois. Sans doute, sa perception des choses et de l’instant présent.
« LE SOMMET EN LUI-MÊME NE M’A JAMAIS INTÉRESSÉ, C’EST LE CHEMIN EMPRUNTÉ QUI A DU SENS. »
Sébastien Montaz-Rosset
Comme dans T’es pas bien là ?, tourné en 2013 avec Vivian Bruchez, le “skieur du ciel” et explorateur inconditionnel des dernières lignes perchées entre arêtes vertigineuses et barres rocheuses. Même approche, même sensibilité dans A Fine Line, où il filme Kilian Jornet pendant sa traversée du mont Blanc en 2012, ou encore dans Path to Everest, sorti en 2018, après qu’il l’a suivi en Himalaya.
Une filmographie esthétique et vraie
Sébastien, lui, est toujours là, se faufilant dans leur sillage, invisible, saisissant l’image au vol qui s’avèrera parfaite. L’image vraie, sans fard. Sa manière de filmer, qu’il veut simple et légère, transporte le public vers des sommets qu’il ne pourra certainement jamais atteindre, lui faisant découvrir la montagne comme personne. La montagne de tous les possibles. Et source inépuisable de créativité. « Tout ce qui a trait à la création m’a toujours passionné. La vidéo est un medium de plus. » Des projets ? Il n’aura pas assez d’une vie pour tous les réaliser.
Il rêve de faire un film, dont il écrirait lui-même la trame, « alors qu’aujourd’hui je shoote, je filme et ensuite seulement, je crée le lien ». Un récit construit qui soit haletant du début à la fin, comme au cinéma. « C’est tout le challenge des futurs documentaires de montagne, une qualité d’écriture digne d’Hollywood, tout en produisant une image très esthétique, sans sacrifier à la vérité, s’enthousiasme Sébastien Montaz-Rosset. Il est essentiel d’avoir une voix et qu’elle soit entendue, à une époque où le marché de l’image est saturé mais toujours plus qualitatif. » Il réfléchit aussi à la manière de mettre en scène un film, de faire du backstage un spectacle à part entière. Mais le temps lui manque.
Par Patricia Rey
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