Publicité : loger tout le monde à la même enseigne

par | 07 octobre 2022

Les élus s’attaquent à la pub. les nouveaux règlements locaux sur les enseignes, pré-enseignes et panneaux publicitaires sont plus sévères. pour faire oublier que les précédents étaient mal appliqués, ou parce que les comportements ont évolué ?

Annemasse Agglo a adopté son règlement local de publicité intercommunal (RLPi) en 2021. Ce devrait être 2023 pour Grand Chambéry et Grand Annecy, et Grand Lac choisira de s’engager (ou pas) avant la fin de l’année. L’ensemble des collectivités mettent petit à petit à jour leur arsenal de contrôle des enseignes (qui indiquent l’emplacement d’un commerce, d’une activité, d’une entreprise), pré-enseignes (qui l’annoncent, quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres avant) et panneaux publicitaires.

C’est que les collectivités doivent se mettre en conformité avec… le Grenelle de l’environnement : la loi du 12 juillet 2010 leur donnait dix ans pour cela. Si les élus ont pris leur temps, c’est que le sujet est délicat : il s’agit de trouver le meilleur point d’équilibre entre la promotion de l’activité économique, la protection des paysages, et la sensibilité des populations. Le collectif de citoyens qui, à Grand Chambéry, a demandé l’interdiction pure et simple des panneaux, cite un sondage TNSSofres de 2013 selon lequel 85 % des Français trouvent la publicité trop intrusive.

Si les élus ont tant attendu pour se conformer à la loi de 2010, c’est peut-être parce qu’elle est notablement plus restrictive. Elle interdit, par exemple, les panneaux de quatre mètres sur trois dans les communes de moins de 10 000 habitants (hors unités urbaines de plus de 100 000 habitants), ainsi que toute publicité dans les secteurs protégés (sites inscrits, abords des monuments, parcs et réserves naturelles), et n’autorise que les pré-enseignes hors agglomération. Mais se doter de nouvelles règles répond à d’autres besoins.

D’abord celui de faire enfin respecter la réglementation. Élus, techniciens, afficheurs eux-mêmes, tous sont d’accord pour reconnaître que ce n’est pour l’instant pas le cas. « En 2018, notre diagnostic a révélé que sur 1 217 dispositifs publicitaires, 299 n’étaient pas aux normes. Soit près d’un quart, » affirme Denis Maire, vice-président à l’aménagement du territoire d’Annemasse Agglo. À Grand Chambéry, les Amis de la terre ont lu, dans le diagnostic publié en 2020, que 63 % des panneaux de l’agglomération n’étaient plus conformes. À Grand Annecy, ce serait « la moitié des dispositifs », selon Aurélien Modurier, conseiller délégué au numérique et au RLPi.

La faute aux maires ? « Ce n’est pas simple pour eux d’attirer le lundi des commerçants et artisans pour faire vivre la commune, et le mardi de leur interdire de signaler leur activité », explique Jean-Bernard Massonnat, gérant de Reflex’Sign, cabinet conseil en signalétique à Brison-Saint-Innocent. Est-ce pour cela que de plus en plus préfèrent s’en remettre à l’échelon intercommunal ? « Quatre communes seulement sur douze étaient dotées d’un règlement local de publicité [RLP] », rappelle Denis Maire. « Et, il faut bien le dire, chacun se débrouillait comme il pouvait pour le faire respecter. C’est pour cela qu’il nous a semblé utile d’élaborer ensemble un règlement intercommunal. »

Sur Grand Annecy aussi, « le RLPi va permettre d’harmoniser les règles sur l’ensemble des communes », confirme Aurélien Modurier. Grand Lac, en revanche, ne s’est pas encore décidée : « Nous voudrions y voir plus clair sur un panorama juridique en évolution », assure Thibaud Guigue, vice-président en charge de l’urbanisme. « Le règlement national est déjà restrictif, mais traite les situations de manière uniforme. Or, notre territoire est très divers. Aux élus de décider, sans doute avant la fin de l’année, d’aller ou pas vers un RLPi. »

Les nouveaux règlements prennent en compte les nouvelles techniques d’affichage lumineux et numérique. « Elles ne seront pas autorisées partout, et pas à n’importe quelle taille », prévient-on à Grand Annecy et Annemasse Agglo. Quant à l’extinction des feux entre 23 h et 6 h, c’est une règle nationale depuis… 2012.

Réduire le nombre de panneaux

Un RLPi pour faire quoi ? Pour réduire le nombre des panneaux. Le futur règlement de Grand Chambéry est annoncé « plus restrictif que la réglementation nationale sur certains secteurs stratégiques tels que la cluse urbaine et les centres-villes et milieux urbanisés denses, les abords des axes majeurs d’entrée d’agglomération, les ensembles urbains patrimoniaux, les zones d’activité économiques, les secteurs paysagers. » « Nous venons de voter les orientations de notre schéma », détaille Aurélien Modurier, à Annecy. « Nous travaillons maintenant à leur traduction réglementaire et au zonage proprement dit. L’objectif est de préserver nos grands paysages, les zones naturelles et les centres urbains, notamment autour des monuments historiques. Mais aussi de mieux gérer les entrées de ville, et sans sacrifier les zones résidentielles périurbaines. »

« La qualité importe aujourd’hui plus que la quantité. »

Denis Maire (Annemasse Agglo)

Faire (enfin) respecter la réglementation

Tous nos interlocuteurs insistent sur la nécessité de, cette fois, faire respecter la réglementation. « Nous allons proposer de créer un service mutualisé pour la mise en oeuvre de ce RLPi », explique Denis Maire. « Nous voulons prendre le temps d’expliquer, de conseiller, d’accompagner les socioprofessionnels ». Grand Annecy également réfléchit à « mutualiser la fonction de l’instruction et du contrôle ». « Le besoin de mieux prendre en compte l’environnement est général », assure Jean-Bernard Massonnat. « Il faut mettre de l’ordre. On en arrive à ne plus lire le bâti, à ne plus trouver l’entrée d’immeubles masquée par des publicités… »

« Internet a changé la manière de trouver un magasin et les GPS rendent moins nécessaires les signalétiques sur site et les pré-enseignes. »

Denis Maire le confirme : « Nous avons été favorablement surpris par l’ambiance dans les réunions. La plupart des acteurs sont conscients que la qualité importe aujourd’hui plus que la quantité en matière de signalisation. Certains amenaient même de l’eau au moulin des élus : mieux vaut un joli totem devant des bâtiments bien tenus qu’un amas d’enseignes. Bien sûr, les afficheurs ne partagent pas ce point de vue, mais c’est vrai qu’ils en sont réduits à la portion congrue ! »

« Près de chez moi, une boulangerie est restée six mois sans enseigne, pour des raisons techniques. Elle n’a pas manqué au boulanger! », conclut Jean-Bernard Massonnat. « Internet a changé la manière de trouver un magasin et les GPS rendent moins nécessaires les signalétiques sur site et les pré-enseignes. Je me suis occupé de la charte publicitaire de Chanaz, où il était facile de convaincre que le village ne perdra pas en attractivité avec moins de panneaux ! »

« D’un extrême à l’autre »

« Ça va trop loin. » Philippe Girod, dirigeant d’Axo (1 300 panneaux dont 900 éclairés en Haute-Savoie et Pays de Gex, groupe Girod Media), ne nie pas la nécessité de « nettoyer les paysages et dédensifier ». Mais il estime que « supprimer autant de panneaux va nuire à l’activité économique : si les annonceurs s’affichent, c’est que ça leur est utile ». Or, « Annecy a déjà diminué d’un tiers le nombre des panneaux autorisés. Le Pays de Gex est allé encore plus loin. C’est trop, parce que cela casse notre modèle : il n’est plus possible d’organiser la répétitivité du message par exemple ».

Que faudrait-il faire alors ? « Au moins 50 % des panneaux sont illégaux. C’est jusqu’à 80 % dans le Pays de Gex. Faisons-les tomber, cela permettrait déjà de faire le ménage, et ce qui reste suffirait. Les élus ont trop laissé faire pendant vingt ans, et veulent tout supprimer aujourd’hui. »


Philippe Claret


Pour aller plus loin :

https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/objectif/reguler-la-publicite-pour-reduire-les-incitations-a-la-surconsommation/

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