Chercheurs et professionnels de la vigne travaillent ensemble pour mettre au point des solutions de valorisation des déchets viticoles.
Que faire des déchets de taille de la vigne et des pépinières viticoles ? Jusqu’au 26 décembre 2017, les 330 vignerons et les 23 pépiniéristes viticoles des Pays de Savoie ne se posaient pas trop la question : ils les brûlaient à l’air libre, sur leurs parcelles souvent escarpées et difficiles d’accès. Mais il y a deux ans, au lendemain de Noël, un arrêté préfectoral a interdit le brûlage à l’air libre des déchets agricoles en Savoie. En cause, la pollution aux particules fines, amplifiée dans les vallées par ce phénomène.
Depuis, une poignée de chercheurs du Laboratoire de chimie moléculaire et environnement (LCME) de l’Université de Savoie planche pour trouver des voies de valorisation de ces rebuts : c’est le projet Vitivalo. « Les professionnels nous ont d’abord demandé si brûler les sarments et autres souches dehors émettait vraiment des particules fines et, si oui, en quelles quantités », explique Christine Piot, enseignante-chercheure au LCME et coresponsable (avec Gregory Chatel) de Vitivalo.
Une première expérimentation réalisée cet été grâce à un pilote développé pour l’occasion a donné la réponse, sans appel : un kilogramme de bois brûlé émet entre 0,14 et 0,30 gramme de particules fines. Ce qui représente 225 kilogrammes de particules fines pour les 15 % de sarments qui sont aujourd’hui encore détruits de cette manière (sur les 28 000 mètres cubes générés chaque année). « Si on transportait ces 28 000 mètres cubes de déchets en déchèterie dans un périmètre de 15 kilomètres en camions, cela n’émettrait que 300 grammes de particules fines », souligne la scientifique. Il y a donc le feu… pour trouver une solution alternative à cette méthode centenaire.
Broyage et molécules
Surpris et interpellés par ce résultat, les professionnels se sont cotisés pour acheter un broyeur qui réduit actuellement 80 % de leurs déchets en copeaux, eux-mêmes utilisés comme amendement pour le sol. « Une expérimentation a cependant prouvé que ce n’est pas idéal non plus car s’ils apportent des nutriments, ils contiennent aussi des métaux, du fait des traitements qu’ils ont subis. »
Le LCME a alors eu l’idée de les “diluer” avec d’autres déchets verts provenant de particuliers : « On obtient un compost industriel qui respecte les normes. » Autre voie de valorisation explorée en ce moment, l’extraction de molécules d’intérêt, dont le resvératrol et la viniférine. Toutes deux présentes dans les déchets viticoles, elles sont prisées des industries pharmaceutiques, cosmétiques et des compléments alimentaires pour leurs propriétés antioxydantes et antivieillissement. Faciles à extraire selon les règles de la chimie verte (respectueuse de l’environnement), leur vente pourrait bien permettre de compenser les frais de collecte et de transport que devraient supporter les exploitants agricoles.
« Nous sommes en train de chercher une entreprise d’extraction de matières végétales dans la région qui nous rendrait les molécules ainsi que les déchets verts dépourvus des métaux. Les premières seraient vendues à des laboratoires, les seconds transformés en compost, en granulés ou en isolant thermique. » La mise en oeuvre complète de cette “cascade de valorisation” prendra encore deux à trois ans, à condition que les financements soient trouvés.
« La première phase, en 2018-2019, a nécessité un budget de 216 400 euros, dont le financeur principal était le Conseil Savoie Mont Blanc, détaille la chercheuse. Pour 2020-2022, nous cherchons des partenaires pour boucler notre budget de 416 000 euros. »
Par Sylvie Bollard
0 commentaires