L’Assurance maladie redouble d’efforts pour colmater les brèches du système de remboursement des frais de santé, grâce à des outils d’analyse des données perfectionnés et des sanctions plus sévères envers les contrevenants.
La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), l’une des branches de la Sécurité sociale, sacrifie chaque année au décompte des fraudes qui pervertissent sa mission : rembourser les frais médicaux des assurés et professionnels de santé.
8 personnes assermentées en Haute-Savoie, et 7 en Savoie, sont habilitées à mener des enquêtes approfondies. Ces brigades antifraude s’appuient sur les compétences de leurs collègues : statisticiens capables de réaliser des ciblages dans la gestion courante des indemnités ; directeur comptable et financier… sous le sceau d’une confidentialité médicale stricte dont sont garants les médecins des CPAM.
12,1 M€ de fraudes en Savoie Mont-Blanc
En Haute-Savoie, la CPAM compte 600 salariés. Son budget de fonctionnement s’établit à 30 M€. La chasse à la fraude a révélé pour 9,8 M€ d’infractions, en augmentation de 156 % par rapport à 2023. Sur ce total, 3,5 M€ concernent des préjudices déjà subis : ces sommes injustement remboursées par l’Assurance maladie sont plus difficiles à recouvrer car soumises aux délais d’instruction des procédures judiciaires et parfois à l’insolvabilité des redevables. Les préjudices évités se montent, quant à eux, à 6,3 M€.
Les assurés représentent 15 % du montant total des fraudes en Haute-Savoie, quand 30 % des sommes illégalement perçues sont imputables aux professionnels de santé : facturation d’actes non réalisés ou injustifiés (la Haute-Savoie compte d’ailleurs l’un des douze établissements fermés pour cause de fraude au niveau national). Le reste des fraudes se partage entre les établissements de santé, les transporteurs et les fournisseurs.
Du côté de la Savoie, le total des fraudes se monte à 2,3 M€ en 2024 (contre 1,57 M€ en 2023), dont 0,9 M€ de préjudices subis et 1,4 M€ de fraudes détectées en amont par la CPAM.
Bulletins de salaire falsifiés
« Les dossiers sont qualifiés de frauduleux lorsqu’une procédure est appliquée pour y remédier : pénalité financière, saisine du conseil de l’ordre, signalement au procureur de la République, ou encore dépôt de plainte… », note Laurent Arnaud, directeur de la CPAM 73, qui compte près de 430 000 bénéficiaires pour 1,6 milliard d’euros (Md€) de prestations remboursées en 2024 et 5 127 professionnels de santé. L’établissement savoyard emploie 280 salariés pour un budget de fonctionnement de 17,4 M€.
« Les infractions des particuliers concernent surtout la fraude à l’identité permettant d’accéder à des droits sociaux », relève Laurent Arnaud. « Nous recevons aussi des bulletins de salaire falsifiés ouvrant droit à des indemnités journalières plus importantes pendant les arrêts de travail, lesquels sont aussi au nombre des situations frauduleuses courantes. »
Financiarisation de la santé
Les CPAM sont confrontées à un phénomène grandissant de fraudes en col blanc : « Certains centres de santé sont montés par des profils financiers qui ont flairé un filon. On parle de financiarisation de la santé », dénonce Pierre Feneyrol, directeur de la CPAM 74, qui compte 865 645 assurés et 5 728 professionnels de santé. Elle a versé 2,6 Md€ de prestations en 2024.
Pour Pierre Feneyrol, « il est important de bloquer les fraudes pour des raisons comptables, certes, mais aussi pour une réalité d’ordre moral et d’équité vis-à-vis de la grande majorité des assurés et professionnels qui respectent le système. » Devant des situations de fraudes de plus en plus sophistiquées, l’Assurance maladie durcit ses sanctions et s’arme d’outils de traque numérique dits « data » toujours plus performants.
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