La nouvelle s’est rapidement propagée dans la vallée de l’Arve, puis bien au delà : Yves Bontaz est décédé ce matin vendredi 27 avril. C’est plus qu’un chef d’entreprise que perd la Haute-Savoie : un personnage emblématique.
Le décolleteur Yves Bontaz est décédé vendredi 27 avril 2018, d’une crise cardiaque. Il allait avoir 80 ans.
Incarnation du « self-made man », symbole de la « success story » de la vallée de l’Arve de la seconde moitié du vingtième siècle, Yves Bontaz avait démarré seul, après son passage à l’école d’horlogerie de Cluses, avec une machine d’occasion installée dans son garage.
Talent, travail et conjoncture aidant, il s’était ensuite bâti un véritable empire industriel international qui compte aujourd’hui plus de 4000 salariés dans 24 usines dans le monde (11 pays) pour 350 millions d’euros de chiffre d’affaires (+17 % en 2017).
Personnage de film
Déjà célèbre dans le milieu du décolletage, Yves Bontaz était devenu un personnage connu du grand public avec le film du réalisateur haut-savoyard Gilles Perret, Ma Mondialisation (2006), qui retraçait son parcours, le mettant en perspective avec les mutations de l’économie.
Cette célébrité aussi tardive qu’inattendue – « maintenant quand je fais mon marché, les gens me regardent et crient « Ma mondialisation ! Ma mondialisation ! », rigolait-il, dans la foulée du succès du film – avait été un déclencheur. Et le dirigeant avait ensuite multiplié les interventions médiatiques.
Un auteur provocateur
Il avait tenté de se présenter à plusieurs élections présidentielles. Il avait aussi publié plusieurs ouvrages aux titres révélateurs de sa personnalité truculente, de son langage direct et de ses positions ultra-libérales : Dehors les énarques, la société civile au pouvoir, Cours sur la croissance pour Nicolas Sarkozy, Adieu François [Hollande] l’entrepreneur s’en va… Le titre de son dernier livre, paru en mars 2017, en préambule aux élections présidentielles, prend aujourd’hui une triste connotation : Le bal est fini.
Jovial, bon vivant, l’homme aux positions très tranchées savait aussi être rude. Début 2012, il avait assuré renoncer à des investissements en France si François Hollande était élu. En 2015, il avait poussé les salariés d’une de ses filiales en Suisse à travailler 42 heures payées 40 pour faire face au franc fort avant de diminuer leurs salaires et de licencier des mécontents qui étaient allés trouver les syndicats.
Diversification et mécénat
Son succès en affaires assuré dans le décolletage, Yves Bontaz avait, ces dernières années, diversifié les activités de son groupe et investi sa fortune personnelle dans diverses activités : hôtellerie, loisirs, sports, médias, orphelinat, mécénat. Il ne manquait évidemment pas de sollicitations en la matière…
L’an dernier, il avait lancé le groupe MontBlanc Médias (MB Live tv, radio Mont Blanc, pôles événementiels, marketing et digital), recrutant au passage quelques figures du paysage médiatique local ou national. Son dernier grand projet.
Au delà du vide qu’il laisse, le décès de ce personnage hors norme pose à présent la question de sa succession et du devenir des différentes entreprises qu’il dirigeait.
La disparition d’Yves Bontaz ne va pas manquer de susciter de nombreuses réactions. Nous les publierons ici au fur et à mesure.
Patrice Mallet, journaliste-animateur sur MB Live Tv :
« J’ai appris son décès avec une grande tristesse, ce matin, juste en sortant de l’antenne. Nous sommes tous abasourdis, car on le pensait un peu indestructible. C’était un homme remarquable, un entrepreneur dans l’âme, un épicurien qui aimait la vie et les gens. Il avait réussi et investissait dans sa vallée. A titre personnel, il m’a fait découvrir une vallée étonnante où les industriels ont un véritable attachement leur territoire. D’ailleurs, bien que propriétaire d’une villa au bord du lac d’Annecy, il me disait « je ne me sens bien qu’à Marnaz ». La création de MontBlanc Médias était, pour Yves, une sorte de revanche sur la vie. Un jour, il m’a confié : « Les gens qui réussissent ont un média ». Comme tout ce qu’il a bâti, MB Live TV, et plus largement MontBlanc Médias, est une réussite. La chaine affiche 1,3 million de téléspectateurs par mois (audience cumulée) et 150 000 par jour (source Médiamétrie). Après six mois d’existence, c’est une belle performance. Ce soir, je lance une nouvelle émission et j’aurais aimé qu’il soit là. Aujourd’hui, nous perdons un grand Monsieur ».
Gilles Perret, réalisateur de Ma Mondialisation :
« Je suis triste. Je l’avais vu pour la dernière fois lors de l’inauguration de MB Live, il y a quelques mois. Et je crois pouvoir dire que ça nous avait bien fait plaisir à tous les deux. Je l’aimais bien. Au niveau professionnel, il a eu une impressionnante réussite et sur le plan humain, c’était un vrai personnage. Il était direct, il assumait ce qu’il était et ce qu’il disait. Entier et franc du collier : j’aime ce genre de personne. Il allait parfois très loin parce qu’il aimait la « provoc ». Moi, je lui suis reconnaissant de m’avoir ouvert ses portes pour Ma Mondialisation et de m’avoir laissé travailler en totale liberté : ça je ne l’oublierai pas. Bien sûr, nous n’avions pas les mêmes idées politiques mais il y avait entre nous un rapport de confiance et j’appréciais l’homme.»
Lionel Baud, président du SNDEC, vice-président du pôle de compétitivité Mont-Blanc Industries et Pdg de Baud Industries :
« C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la disparition d’Yves Bontaz. Ce grand capitaine d’industrie a grandement contribué au développement de notre filière. Il a su hisser au tout premier rang de l’excellence industrielle le décolletage de la vallée de l’Arve. Nous perdons un dirigeant hors du commun, au caractère indépendant et à la personnalité originale, qui a toujours eu un immense attachement à son territoire ».
Jérôme Akmouche, directeur général du SNDEC :
« Quand j’ai appris la nouvelle, je suis resté sans voix. Yves Bontaz était un homme incroyable dans toutes ses dimensions, épris de valeurs. Il avait aussi une soif insatiable d’entreprendre. Il a créé un petit « empire » dans le décolletage, et bien au-delà. Il y a ce que l’on sait et tout ce que l’on ne sait pas, à savoir son engagement dans le tissu associatif, où il a beaucoup oeuvré, car il était très tourné vers les autres. Son parcours est unique. C’était un vrai personnage. Il va nous manquer, d’une manière générale« .
Loïc Hervé, sénateur et ancien maire de Marnaz (extrait de son compte Twitter) :
https://twitter.com/loichervepublic/status/989784525055168512
https://twitter.com/loichervepublic/status/989784582940712960
Le communiqué du groupe Bontaz annonçant le décès :
BONTAZ-deces-Yves-Bontaz-20180427
Article et propos recueillis : Patricia Rey et Eric Renevier.
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