Le réalisateur Haut-savoyard Gilles Perret consacre son dernier film à Jean-Luc Mélenchon. Mais pas que…
Au fil de ses oeuvres, Gilles Perret a habitué ses spectateurs à regarder les grands élus à travers sa caméra. Souvent, il faut le dire, pour de courtes apparitions drôles de férocité. Il a aussi prouvé son talent de portraitiste. Que ce soit face à la truculence du patron Yves Bontaz, la fragilité de l’alpiniste Marc Batard ou la ténacité espiègle de vieux Résistants, le natif de Mieussy sait saisir l’humain et l’instant.
Perret a aussi démontré sa capacité, de Ma Mondialisation en 2006 jusqu’à La Sociale l’an passé en passant par Les jours heureux en 2013, à capter l’air du temps et à sortir ses films lorsque les sujets qu’ils portent résonnent (raisonnent) dans l’actualité.
Dans ce contexte, l’annonce de sa nouvelle production, L’insoumis, consacrée à Jean-Luc Mélenchon, avait forcément de quoi faire saliver. Qu’allait tirer le réalisateur haut-savoyard d’un des acteurs majeurs, mais aussi les plus controversés, de la scène politique française ?
Une proximité sans intimité
Après visionnage, la réponse s’avère plus difficile que prévu. Procédons par élimination. D’abord, ce n’est pas une hagiographie : Giles Perret filme sans voix off, sans commentaire, sans témoignages “extérieurs”. Et n’a pas occulté les moments où son personnage n’est pas forcément à son avantage. « J’ai voulu rester le plus fidèle possible à ce que j’ai vu », explique-t-il. Un film de propagande pour La France insoumise ? Non plus. Le réalisateur n’a guère l’esprit partisan et préfère toujours le Politique à la politique.
Un portrait intimiste ? Pas davantage. Gilles Perret avait rencontré “JLM” lors du tournage de Les Jours heureux. Et un lien personnel s’était tissé (il est clairement annoncé dès le début du film). Grâce à cela, il a eu toutes portes ouvertes pour suivre le candidat en campagne pendant quatre mois.
Meetings géants, réunions en petit comité, trains, routes de campagne, coulisses de plateaux télé, visites d’entreprise… la caméra du natif de Mieussy s’immisce partout. De la très grande proximité, donc, jusqu’aux essayages de vêtements ou au stand de maquillage. Mais pas de l’intimité, puisqu’on n’en découvre peu sur la vie et le parcours de Jean-Luc Mélenchon. Un simple carnet de campagne, alors ? Non plus, car Perret montre malgré tout l’homme, mais en miroir et en filigrane. Son érudition, sa capacité d’analyse (bien avant le premier tour il pronostique la grande coalition libérale à venir autour du président Macron). Son calme prédominant aussi, si éloigné du tableau d’éternel énervé que dressent beaucoup de médias. Son dévouement, son ouverture aux autres, son humilité : posant pour les selfies ou installant son QG au soir du premier tour dans… une petite chambre d’auberge de jeunesse.
Voilà pour tout ce que ce film n’est pas. Pour ce qu’il est vraiment, nous vous laisserons juges. Une chose est sûre : s’il a visiblement de la tendresse voire de l’admiration pour l’homme, Perret ne s’est pas contenté de filmer un personnage. À travers lui, ses discours et les idées qu’il promeut, le réalisateur poursuit sa réflexion de cinéaste sur notre société et sur la notion d’engagement.
Le film a fait l’objet d’une version courte de 52 minutes, « Mélenchon, la campagne d’un insoumis », diffusée cet été sur Public Sénat. En voici la bande annonce :
Pour qui sonne le titre ?
Qui est vraiment L’insoumis ? Quand Gilles Perret parle des coulisses de sa dernière production, il est difficile de s’empêcher de penser que, autant que le personnage principal de son film, l’insoumis, c’est lui. Un jeune réalisateur d’emblée salué par la critique. En 1999, son premier documentaire, Trois frères pour une vie, où il filmait ses voisins paysans, avait déjà reçu plusieurs prix. Plébiscité aussi par le public : après les succès de Ma mondialisation, De mémoire d’ouvriers ou encore Les jours heureux, La Sociale, avec plus de 170 000 spectateurs, figure parmi les cinq documentaires les plus vus en France en 2016-2017. Qui pourrait alors accéder à un certain confort… à la simple condition de renoncer à la dimension politique de ses films. Mais qui s’échine à filmer à contre-courant.
Il en paie le prix. Une fois de plus, Perret a dû faire appel à une souscription publique pour financer son film. Elle court toujours (www.linsoumis.org). Cerise sur le gâteau, il doit cette fois se frotter aussi à ceux qui ont pourtant jusque-là été ses fidèles soutiens : les exploitants de salles Art et essai. « Mélenchon est tellement clivant, que certains refusent même de regarder le DVD qu’on leur envoie en vue d’une programmation… » Le voilà donc obligé de multiplier les avant-premières pour convaincre que L’insoumis n’est ni plus ni moins qu’un film de cinéma digne d’être vu y compris par ceux qui n’ont pas une sympathie particulière pour La France insoumise et son leader. Et qu’à ce titre-là, il mérite aussi d’avoir sa chance en diffusion.
Un extrait du film :
Symbolique
L’insoumis s’inscrit dans la continuité du cycle entamé avec Walter, retour en Résistance. À la fois sur le plan chronologique et dans l’esprit, même si la forme diffère sensiblement (ici, pas de « filmer local, penser global »). Que le héros de Walter… (Walter Bassan, décédé en septembre) ait définitivement rendu les armes juste avant la sortie de L’insoumis n’en est alors que plus symbolique.
Prochaines projections locales :
Annemasse, samedi 9 décembre, 20h30, Ciné Actuel
Meythet, dimanche 10 décembre, 18h, Le Rabelais
Ugine, lundi 11 décembre, 20h
Sallanches, mercredi 20 décembre, 19h30, Ciné Mont-Blanc
Thonon-les-Bains, jeudi 21 décembre, 20h, Le France
Pour en savoir plus :
Le site officiel du film : www.linsoumis.org/
La page Facebook du film : https://www.facebook.com/filmlinsoumis/
Et celle du réalisateur : https://www.facebook.com/GillesPerret68/
Cet article est paru dans Eco Savoie Mont Blanc du 24 novembre et vous est exceptionnellement proposé en accès gratuit. Pour suivre de près l’actualité économique de Savoie Mont Blanc et avoir accès à tous nos articles, et à toutes nos données, cliquez ici pour vous abonner.
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