Le centre social des Combes a voté la liquidation judiciaire

par | 25 mars 2021

Le centre socioculturel de Chambéry-le-Haut s’est auto-dissous le 15 mars dernier lors du conseil d’administration. En cause : 343 000 euros de dettes.

« Aujourd’hui, le centre social et culturel des Combes est en cessation de paiement, avec une dette atteignant 343 000 euros. Celles-ci sont plus importantes que les rentrées financières. Il était impossible légalement de rester dans cette situation », explique Jean-Gérard Langlois, qui le préside depuis le 22 décembre 2020. Lors du conseil d’administration du 15 mars, le bureau a donc voté la liquidation judiciaire à l’unanimité, entraînant la dissolution de l’association et, du même coup, le licenciement économique des douze salariés du centre. « Le choix d’un simple redressement impliquait de garder l’équipe dans son ensemble, or cela n’était pas possible. Il aurait fallu licencier, ce qui aurait certainement impliqué des litiges et donc des frais. Nous avons considéré qu’il n’était pas raisonnable d’envisager sereinement cette possibilité », détaille le président. Le dossier de demande de liquidation judiciaire sera déposé le 25 mars, examiné le 6 avril prochain et une décision sera rendue le 4 mai.  

Comment en est-on arrivé à cette situation ? L’alerte a été donnée par les financeurs du centre social – la Caisse d’allocation familiale, l’État et les services de la Ville de Chambéry – à la fin de l’année 2020. « Nous avons constaté des problèmes de gestion administrative et financière, des rapports d’activité inexistants ainsi que des loupés concernant des demandes de subventions », expose Farid Rezzak, adjoint au maire en charge du quartier de Chambéry-le-Haut. Pour faire toute la lumière sur la situation, « la Ville a commandé un audit comptable, dont les résultats (arrivés fin février) ont révélé l’ampleur des dettes », détaille l’adjoint. L’option de les renflouer a été écartée par la Ville, « mais le reste des subventions prévues seront réinjectées sur le quartier. On ne fera aucune économie d’argent », promet Farid Rezzak.

Des fautes de gestion importantes

« Cette dette est due à de nombreuses activités qui ont été développées sur le quartier, en particulier lors du premier confinement, et à une masse salariale trop importante, sans qu’il y ait le financement nécessaire », explique Jean-Gérard Langlois. Ces nombreuses fautes semblent être imputées en particulier à une personne, l’ex-directeur du centre Guillaume Holsteyn, en poste de l’été 2019 à début janvier 2021, dont le conseil d’administration du centre s’est finalement séparé. « Nous avions demandé son licenciement pour faute grave. À la suite d’un entretien préalable, Guillaume Holsteyn a souhaité bénéficier d’une rupture conventionnelle, que le conseil d’administration a acceptée », détaille-t-il. Mais au début du mois de janvier, le conseil d’administration ne disposait pas des résultats de l’audit. « Nous ne connaissions pas encore l’ampleur et le chiffrage des dettes », assure le président du centre. Pour autant, « les torts sont partagés », estime-t-il. « Il y a la responsabilité forte d’un directeur et une vigilance pas suffisante de la part de l’ensemble des acteurs financeurs du centre des Combes, tout cela placé dans un contexte de crise. » Et pour les douze salariés qui subissent un licenciement économique, « la Ville reste à leur écoute, s’il y a des postes vacants ou des créations d’emplois dans nos services, ils en seront largement informés », précise Farid Rezzak.

Une plainte contre X

Pour défendre et soutenir le centre social des Combes, un collectif d’habitants de Chambéry-le-Haut s’est créé le 27 février. Une initiative qui a plutôt l’air d’être suivie, pour preuve, la page Facebook du collectif – gérée par Mohamed Hamoudi – compte 262 abonnés, un mois après sa création. « Nos revendications s’expriment sur trois axes : la transparence financière, le maintien de la structure associative telle qu’elle existe et le maintien de l’équipe de salariés », explique ce dernier.

Après l’annonce de la liquidation judiciaire votée par le conseil d’administration du centre, et devant l’absence d’action en justice de ses membres, le collectif a décidé de porter plainte contre X.  « Cette démarche citoyenne est importante, car elle est la seule pour connaître la chaîne de responsabilité de ce désastre, tout en réaffirmant notre soutien aux salariés prochainement licenciés », publie le collectif sur le réseau social. Le dépôt de plainte, qui a recueilli 62 signatures, est prévu le 25 mars. Le président du centre des Combes estime, de son côté, que cette plainte « peut permettre de démêler le vrai du faux de cette histoire, car, à ce stade, ce ne sont que des allégations ». Le collectif mène également des actions : « Nous allons rencontrer des intermittents du spectacle afin d’organiser une action conjointe de solidarité car l’enjeu de la culture est au cœur de nos préoccupations », annonce Mohamed Hamoudi.

Pour Farid Rezzak comme pour Jean-Gérard Langlois, la fermeture du centre est un « véritable crève-cœur ». « En presque cinquante ans d’existence, le centre des Combes a traversé des moments plus ou moins difficiles, mais jamais un accident de cette ampleur », s’attriste le président. Selon lui, l’issue est d’autant plus dure à accepter que « deux autres centres, ceux des Châtaigniers et du Pugnet, ont déjà fermé leurs portes à Chambéry-le-Haut. Cela sonne comme une injustice sociale dans un quartier qui n’en avait pas besoin. »

L’adjoint au maire assure néanmoins que « ça ne remet aucunement en cause le mode de fonctionnement des centres sociaux d’autres quartiers », tout en signifiant que la Ville « sera plus vigilante concernant les associations financées par la municipalité ».  

La suite ?

La possibilité de remonter un centre social sur le même modèle associatif semble avoir été écartée par la Ville de Chambéry, qui souhaite « plus de transparence, tout en ayant un pouvoir de contrôle sur la nouvelle entité, car il s’agit aussi d’argent public ». « L’idée est de coconstruire ce futur projet avec les habitants du quartier », développe Farid Rezzak. La solution retenue : « un comité de pilotage avec les financeurs et les représentants des habitants, pour travailler à une nouvelle forme de structure. La forme qui pourrait être envisagée est la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) », indique Jean-Gérard Langlois.

En attendant cette nouvelle entité, attendue pas avant au moins un an, la Ville mettra à disposition son service jeunesse afin « d’assurer la continuité et le maintien des activités », affirme l’adjoint au maire, qui, cependant, ne précise pas quand les moyens seront mis en place. Le principal étant qu’il y ait « le moins de rupture possible, pour reformer provisoirement le cœur de ce qu’est un centre socioculturel, avec l’aide administrative, l’animation familiale et la maintenance du lieu », complète le président du centre.


DETTES
D’après la synthèse de l’audit, le déficit était de 80 000 euros et les dettes s’élevaient à 292 566 € au 31 décembre, réparties en :
– 70 575 € de dettes fournisseurs
– 160 347 € de dettes sociales et fiscales
– 25 000 € au centre des Moulins
– 12 499 € de subventions à reverser
– 12 771 € de créditeurs divers
– 11 374 € de produits constatés d’avance
Au 28 février 2021, les dettes ont augmenté de 53 000 euros sur les deux premiers mois de l’année, passant à 343 000 €.

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