Le pdg de Montagne et Neige développement s’exprime sur la procédure diligentée par l’AMF, l’Autorité des marchés financiers (lire notre article dans Eco Savoie Mont Blanc du 6 avril). Il répond point par point aux mises en cause, souligne la bonne marche de son entreprise et maintien le projet d’augmentation de capital. Interview sans langue de bois.
L’AMF délivre son visa à votre projet d’augmentation de capital le 28 mars et vous convoque à une audience de la commission des sanctions le 5 avril. Comment expliquez-vous cette concordance de dates?
Je ne l’explique pas, je la constate. Depuis 2016, date du début de l’enquête de l’AMF, nous étions dans une phase d’échanges écrits et oraux, mais dans un cadre confidentiel. Et là, nous sommes convoqués à une audience publique. Nous regrettons ce caractère public à ce stade du dossier. L’enquête de l’AMF a été ouverte il y a plus de deux ans. Et la procédure d’instruction de notre dossier d’augmentation de capital par cette même AMF a duré près de deux mois et demi. Alors oui c’est un peu étrange ce télescopage de calendrier. Tout comme l’est, à mes yeux, la position du rapporteur. D’un côté, elle demande à la commission de faire preuve de clémence et, de l’autre, elle requiert des amendes très importantes ! C’est un peu rocambolesque.
Vous contestez les faits reprochés?
Oui et nous nous expliquons en détail dans notre communiqué. Nous avons répondu point par point. Et j’insiste tout de même pour rappeler qu’il ne s’agissait que d’une audience et qu’en l’état actuel des choses nous ne sommes reconnus coupable de rien !
Lors de cette audience, le rapporteur a, semble-t-il, aussi pointé la responsabilité de vos conseils. Vous n’avez pas été bien accompagnés?
Je n’ai pas pour habitude de me défausser. Nous avons choisi nos conseils et nous avons fait des choix. Alors l’entreprise assume. Nous n’allons pas tenter de nous cacher en prétextant un défaut de conseil. Je le répète : nous avons répondu point par point aux éléments reprochés en apportant des éléments tangibles. Et nous avons respecté l’ensemble des réglementations en vigueur.
Le communiqué publié par l’entreprise le 5 avril en fin d’après-midi est à télécharger ICI et ICI
Vous êtes donc sereins dans l’attente de la décision de la commission des sanctions?
En tout cas je suis serein quant aux réponses apportées. Maintenant nous ne pouvons qu’attendre. Ce que je peux dire c’est qu’avec l’entreprise nous défendrons avec conviction l’image du groupe et de ses dirigeants, si besoin devant la Cour d’appel de Paris, comme la procédure en prévoit la possibilité.
Le rapporteur a demandé la « clémence » pour la majorité des faits. Mais a visiblement été plus sévère sur les courriels supprimés. Comment peut-on faire disparaître par erreur 38 000 courriers électroniques?
Mais aucun message n’a été supprimé ! Je déments formellement cette accusation ! Pour des questions de place sur les ordinateurs nous avons dû procéder à des archivages mais les courriels n’ont pas disparu. Nous l’avons dit à l’AMF et nous tenons tous ces messages à disposition de ses agents. Je ne comprends pas comment nous pouvons être accusés d’entrave à une procédure par des agents qui n’ont pas jugé bon de nous demander ces messages.
Vous avez reporté votre projet d’augmentation de capital. Quand l’opération aura-t-elle lieu ?
Ce n’est pas encore décidé. Mais ce qui est clair c’est qu’elle aura bien lieu. Nous maintenons notre volonté de renforcer nos fonds propres et de nous doter de ressources supplémentaires pour notre développement.
Compte tenu du contexte, les investisseurs ne risquent-ils pas d’être frileux?
Le contexte est particulier, c’est vrai. Mais nous venons de communiquer sur de nouveaux marchés importants à Avoriaz, en Géorgie et en Asie Centrale. Et tous nos voyants sont au vert, avec un carnet de commandes qui représente deux ans d’activité, des perspectives de croissances sur la montagne, dans le transport urbain et à l’export. Et une volonté de recrutement importante: plus de 100 embauches sur nos sites de production savoyards. Les résultats de notre exercice clôturé au 31 mars [NDLR : non encore diffusés] confirment la hausse d’activité comme celle de la rentabilité opérationnelle. Nos efforts portent leurs fruits. Plutôt que d’avoir les yeux rivés quatre ans en arrière j’invite plutôt à regarder vers les quatre années qui viennent.
Note de la rédaction : Xavier Gallot-Lavallée est membre du conseil de surveillance de Sopreda 2, société éditrice d’Eco Savoie Mont Blanc.
Crédits photos pour l’ensemble des photos de la page : MND.
Le calendrier et les points essentiels de l’affaire
Le 28 mars 2018
MND a obtenu le visa de l’AMF pour son projet d’augmentation de capital. Un visa qui se limite à une vérification formelle du document présenté par l’entreprise, sans avis sur l’opportunité de l’opération ni authentification des documents comptables et financiers présentés.
Le 3 avril
La société reporte son projet, sans vraiment donner d’explication.
Le 4 avril
Xavier Gallot-Lavallée et MND sont entendus, en audience publique, par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers. C’est l’aboutissement d’une enquête lancée le 18 juillet 2016 (notifications des griefs par l’AMF). Il est reproché à MND d’avoir diffusé des informations inexactes lors de son introduction en bourse (sur l’utilisation des fonds levés). Ainsi que des défauts de communication sur ses résultats et objectifs 2013-2014 et 2015-2016.
Enfin, il est reproché à Xavier Gallot-Lavallée de ne pas avoir communiqué certains courriels pendant l’enquête. Il est requis 150 000 euros d’amende contre Xavier Gallot-Lavallée et 500 000 euros à l’encontre de MND. A ce stade, il ne s’agit bien que de réquisition : l’entreprise n’est pas condamnée. L’AMF devrait faire connaître sa décision au plus tard sous un mois.

Le projet de station de Snowland, en Chine, pour lequel MND a été retenu en ce qui concerne l’aménagement des pistes. Crédit photo : MND.
Le 5 avril
L’affaire est fortement médiatisée au niveau local, régional et même national puisque des journalistes de Les Echos et de l’AFP notamment ont assisté à l’audience. En fin d’après-midi, MND publie un communiqué. Le groupe se défend face aux griefs de l’AMF. Il met en valeur de nouvelles commandes en France et à l’export, concrétisées entre le 29 mars et le 4 avril, pour un montant total de 12,9 M€. Il demande aussi le rétablissement de sa cotation en bourse dès le 6 avril (suspension depuis le 4 avril) et confirme son projet d’augmentation de capital en précisant que le nouveau calendrier de l’opération sera communiqué prochainement.
Le 6 avril
Xavier Gallot-Lavallée accepte de répondre à nos questions.
Le titre reprend sa cotation à la bourse, dans un climat chahuté au départ, même si l’analyste Portzamparc, qui suit et soutient la valeur depuis plusieurs années, reste optimiste estimant que l’action pourrait, à terme, gagner plus de 60% par rapport sa valeur du jour (7,5 euros contre 4,57 euros).
Qui est MND ?
Fondée en 2004 par le père de l’actuel dirigeant, basée à Alpespace depuis 2006, Montagne et Neige Développement est côtée en bourse depuis 2013. A l’époque, elle avait même reçu le Prix de l’Introduction de NYSE Euronext.
Depuis, elle a énormément grandi. Par croissances externes successives, ce qui lui vaut aujourd’hui endettement net de plus de 59 M€ pour un chiffre d’affaires de 76,4 M€ (sur 2016-2017 ; sur les neuf premiers mois de 2017-2018 ce CA est en progression de 3,3% à périmètre et taux de change constants).
Mais elle a également grandi par croissance organique. Car MND est positionnée sur des marchés porteurs. La société est très active à l’export (dans 49 pays), qui représente plus de 67% des ventes ; notamment en Chine où elle a signé un partenariat avec une société locale et où elle a engrangé d’importants contrats, dont l’aménagement de la station de Snowland, pour 110 M€ et le développement de celle de Wanlong pour 50 M€.
Et elle a aussi commencé à désaisonnaliser son activité : en octobre dernier, via sa filiale LST, elle a été soutenue à hauteur de 4,4 M€ par l’Agence pour la maîtrise de l’énergie (Ademe), pour son projet Cabline 2.0 de transport par câble urbain innovant.

Montagne et Neige Développement (MND) est aussi en pointe en ce qui concerne le transport urbain par câble. Crédit photo : MND.
Dans un communiqué de janvier, MND expliquait qu’«au 31 décembre 2017, le carnet de commandes total du groupe s’élevait à 164,2 M€, représentant plus de deux années d’activité (sur la base du chiffre d’affaires annuel 2016/2017 de 76,4 M€). (…) Le Groupe confirme donc son objectif de progression soutenue de son chiffre d’affaires en 2017/2018, avec une accélération de la croissance au deuxième semestre par rapport au 1er semestre. L’amélioration de la rentabilité, perceptible au premier semestre malgré la saisonnalité de l’activité, devrait également se faire ressentir plus largement au second semestre, permettant de confirmer la progression attendue des résultats sur l’ensemble de l’exercice.»
Et au moment de boucler son exercice 2016-2017, le groupe confirmait encore son ambition d’atteindre, d’ici 2020, « 150 M€ de chiffre d’affaires, c’est-à-dire un doublement de son activité, et de renouer avec un niveau de rentabilité normatif, avec un résultat opérationnel courant compris entre 8% et 10% du chiffre d’affaires.»
MND compte 375 salariés et a «créé 150 emplois au cours des trois dernières années» a rappelé son pdg lors de l’audience. Et compte en créer une centaine de plus en Savoie dans les années qui viennent (cf. interview ci-dessus).
Au niveau actionnarial, le capital de l’entreprise est détenu à 55% par le public (petits porteurs). Mais le management – et en tout premier lieu Xavier Gallot-Lavallée – détient environ 37% des actions pour plus de 53% des droits de vote.
A lire aussi, sur MND :
https://eco-savoie-mont-blanc.com/mnd-marche-chinois/
https://eco-savoie-mont-blanc.com/interview-xavier-gallot-lavallee-pdg-de-mnd/
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