Avec 50 % de la récolte d’épicéas altérés en raison de la prolifération des scolytes (insectes ravageurs), un plan départemental est activé depuis mai 2024.
En logeant leurs larves sous l’écorce des épicéas, les scolytes provoquent la mort lente de résineux parfois séculaires. Au-delà des risques engendrés par la fragilisation des biotopes, c’est tout un pan de l’économie locale qui se trouve mitée : la filière bois recense 900 entreprises et 3 500 emplois. Les forêts occupent 39 % du territoire de la Savoie ; elles appartiennent pour 40 % à des propriétaires publics (principalement des communes) et les épicéas représentent 30 % des espèces.
Le volume des bois récoltés atteint 240 000 m3 par an. En 2023 et 2024, 50 % de ces prélèvements étaient des arbres scolytés, contre 15 à 20 % en temps normal. D’où la mise en place, en mai 2024, d’une cellule de crise réunissant les propriétaires publics et privés et les représentants de la filière bois et qui s’est de nouveau réunie le 5 juin à Chambéry, sous la co-présidence de la préfecture et du Département.
Vanina Nicoli, préfète de la Savoie, pointe du doigt tout autant « une détérioration esthétique de la forêt » que les dangereux « effets induits » qui découlent de cette épidémie. Les scolytes menacent l’activité normale de l’arbre en forêt, mettant en péril son rôle unique dans la stabilité des sols, le stockage du CO2 et le maintien d’un microclimat, propice aux écosystèmes.
« En termes de risques collectifs, nous sommes face à un événement majeur contre lequel il faut être mobilisé », alerte la représentante de l’État. À mesure que les forêts s’égrènent, les dangers s’accentuent : chutes d’arbres et glissements de terrain, exposition forte aux incendies… Pour enrayer le phénomène, les acteurs publics et privés tentent de coordonner leurs efforts pour prélever mais aussi employer le bois coupé et reboiser.

400 000 euros d’aides du Département
« Le scolyte n’attaque en aucun cas le cœur du bois ni ses propriétés mécaniques, insiste Émeline Mauduit, cheffe de projet pour le Pôle excellence bois, en revanche il amène avec lui un champignon qui va donner une teinte bleutée au matériau ». Un « bois bleu » dont les constructeurs sont peu friands, même s’il est estampillé des mêmes normes CE que l’épicéa sain lorsqu’il est prélevé rapidement.
Extraire du bois en montagne coûte entre 30 et 35 euros du mètre cube, soit deux fois plus qu’en plaine. Lorsqu’il s’agit d’un bois sain, l’affaire demeure rentable puisqu’il se vend 60 euros sur pied. Quant au bois scolyté, « les scieurs jouent le jeu : tant qu’il est juste un peu bleui, il va se vendre le même prix », surenchérit François Xavier Nicot, de l’Office national des forêts. Toutefois, lorsque la récolte est tardive, le bois bleu se vend entre 50 % et 90 % moins cher, selon le degré d’altération des résineux.
Si les constructeurs boudent le bois bleu pour sa couleur jugée « inesthétique », c’est la forêt tout entière qui en paie le prix fort. Aussi, le Département vient compenser sa dépréciation : « Nous attribuons une aide de 700 euros par hectare de forêt, sous certaines conditions, explique son vice-président, Gilbert Guigue, auxquels s’ajoute une aide au repeuplement ».
Près de 400 000 € sont consacrés à ces deux actions, sur un budget de près d’1M€ pour la gestion forestière. En outre, le conseil départemental a intégré une clause dans ses appels d’offres, incitant à l’utilisation du bois scolyté. « Il faut que les prescripteurs, surtout publics, donnent l’exemple, plaide Fabien Bourhis, chargé de mission “forêt – filière bois” au Département, notre dispositif complète une aide de la Région qui vise déjà à valoriser le bois local ».
En intégrant du bois scolyté, les candidats aux marchés publics obtiennent un bonus de 5 % sur le lot bois et sa mise en œuvre, plafonné à 15 000 €. Fabien Bourhis en convient, « cela reste modeste mais nous cherchons surtout à produire un effet levier ».


Crédit : ONF Raphael Soliveres
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