Le bas niveau des cours d’eau inquiète les services de l’État dans l’Ain qui travaillent en amont pour mieux prévenir et empêcher que les arrêtés restrictifs ne deviennent la norme.
« La situation est celle actée par l’arrêté préfectoral du 11 août sur quasiment la totalité du département. Et les conditions ne sont pas encore réunies pour lever les restrictions prononcées. » Si c’est Jean Royer, le chef des services protection et gestion de l’environnement à la Direction départementale des territoires de l’Ain qui le dit, il faut le croire ! La situation est préoccupante. Chacun a pu le constater cet été, en découvrant au hasard d’une promenade, un cours d’eau à un bas niveau… Quand l’eau coulait. Et ce ne sont pas les relevés de débits que réalisent l’Agence de l’eau et l’Office français de la biodiversité qui rassureront. Cet été n’en finit plus de délivrer sa pluie d’indices départementaux à la valeur la plus faible jamais enregistrée. « Près de 60 % des pointes de suivis montrent des cours d’eau qui tournent à sec, notamment dans des secteurs qui n’avaient pas connu cela auparavant », abonde Jean Royer. Voilà pour les eaux superficielles, car, heureusement, les eaux souterraines, pour le moment, ne sont pas encore trop sujettes à la baisse, en tout cas, pas dans ces proportions, hormis le secteur de la Dombes où les nappes phréatiques ne remontent toujours pas, même si la situation tend à se stabiliser.
Prévenir avant de guérir, c’est ce que souhaitent de plus en plus les services de l’État pour ne pas avoir recours chaque été aux arrêtés et autres sanctions qui en découlent. Car les territoires depuis longtemps en souffrance sont connus et suivis. « On essaye de travailler sur ces secteurs qui vivent de manière récurrente des problèmes d’utilisation quantitative de l’eau, avec des outils adaptés et une attention toute particulière. La basse vallée de l’Ain, le Pays de Gex ou le Bugey, entre autres, font l’objet d’une démarche de surveillance. L’idée est d’anticiper leur manque pour ne pas se retrouver à devoir gérer en urgence les problèmes de restriction et d’acheminement d’eau potable », poursuit Jean Royer. En outre, huit communes du département sont encore alimentées en eau potable par citerne, ce qui représente près de 1 200 habitants.
Et si la pluie devenait le beau temps ?
Reste à savoir si l’automne saura réparer au moins en partie les dégâts de la sécheresse. Car c’est à ce moment-là où la végétation se réduisant absorbe moins d’eau en laissant la possibilité aux nappes phréatiques de se recharger. « Malheureusement, les prévisions nationales ne vont pas dans ce sens. Elles annoncent même un automne plutôt sec. En tout cas, les probabilités sont fortes », s’inquiète Jean Royer, qui prévient : « Il faut bien avoir en tête que la prise d’arrêtés préfectoraux instaurant des restrictions d’usage est un outil qui vise à court terme à gérer les situations problématiques, mais en aucun un outil qui a vocation à être utilisé chaque été », martèle-t-il. Logique, limpide même… comme l’eau de roche ?
Triste record !
À la station d’Ambérieu, il n’est tombé en juillet que 0,4 mm de précipitations. Cela efface de loin le record de juillet 2020 avec ses 9,8 mm de cumul. Pour info, la normale pour un mois de juillet en plaine du Bugey est de 82 mm.
Vers la création de réserves d’eau complémentaires
Le Département, par la voie de son vice-président chargé de l’environnement, œuvre sur des projets de réserves d’eau pour l’agriculture.

« La gestion de l’eau fait partie des priorités qui ont été affirmées en début de mandat, avec une volonté de peser sur les événements que l’on vit actuellement », déclare Jean-Yves Flochon, vice-président du Département délégué à l’agriculture, à l’environnement, à la préservation de la biodiversité et des ressources. Dans le secteur de la Dombes où la nappe phréatique peine le plus à se recharger, le Conseil départemental a dépensé 200 000 € pour soutenir la mise en place du suivi de la nappe. La collectivité investit également dans la désimperméabilisation de ses cours de collège pour recueillir et réutiliser l’eau de pluie dans le fonctionnement de l’établissement et l’arrosage d’espaces verts. « Six dossiers sont en cours, quatre ont été réalisés cet été. Ce sont des investissements qui coûtent entre 130 000 et 150 000 € par collège », poursuit le conseiller départemental. Tous les ans, sur la question de l’assainissement et des réseaux d’eau potable, le département vote une enveloppe de 8 M€ pour soutenir les communes. « On a abondé ces crédits pour des actions complémentaires comme celles pour les cours de collège, la récupération de l’eau des bâtiments publics, ou celles pour en faire en sorte de lutter contre les fuites excessives. On ajoute 1 M€ par an pour pouvoir travailler sur ces différents volets », renchérit Jean-Yves Flochon.
Bonne nouvelle pour l’Ain, ses habitants sont de plus en plus partie prenante dès qu’il s’agit de protection de l’environnement et plus encore quand c’est du bien vital commun que représente l’eau. « Si on arrosait aujourd’hui en plein après-midi dans nos communes, ce serait mal vu par nos habitants. Il y a dix ans, personne ne se posait la question », constate-t-il.
À noter que le Département vise un nouvel axe d’intervention, celui des filières agricoles, pour les accompagner dans la création de réserves d’eau complémentaires. Un premier projet est à l’étude dans le Bugey où les exploitants pourront venir pomper l’eau durant la période estivale.
L’eau mieux canalisée

Les Canalisateurs, ces professions spécialisées dans la pose et la réhabilitation de canalisations d’eau potable, d’eaux usées, d’irrigation et de gaz, représentent la deuxième activité des Travaux publics (18 %), derrière l’industrie routière. En Rhône-Alpes et PACA, l’activité Adduction d’assainissement équivaut à un chiffre d’affaires de 1,328 milliard € (en 2020) pour un total de 12 778 salariés. Depuis plus de 20 ans, les Canalisateurs du Sud-Est « interpellent et agissent pour une gestion durable de l’eau et la mobilisation collective des entreprises, des collectivités locales et du grand public ». Michel Réguillon, leur président tient une conférence de presse ce jeudi 8 septembre sur le thème « L’eau, notre urgence ! », pour présenter le nouveau livret de la profession « L’eau en 5 questions », outil pédagogique sur les enjeux de l’eau. À lire la semaine prochaine, dans Eco de l’Ain du 15 septembre.
Eliséo Mucciante
0 commentaires