Quelle année ! Douze petits mois qui ont souvent semblé interminables, et qui ont bouleversé en profondeur tous les secteurs : économie, vie publique, société…
Raconter 2020, c’est un peu comme raconter l’histoire d’un de ces blockbusters apocalyptiques tous plus ou moins construits sur le même schéma : une vie normale est bouleversée par un phénomène gravissime et inconnu, puis le combat s’organise, la tension monte… Au début, une vie normale, donc. Ou à peu près : l’année 2019 s’est terminée sur le constat d’une croissance économique moins vigoureuse que l’année précédente. Mais, en Pays de Savoie, la vie suit son cours. Archamps s’agrandit. Ugitech investit 20 millions. La Société française du tunnel routier du Fréjus programme 125 millions sur deux ans. Genève Aéroport annonce un trafic passagers en hausse de 1,4 % en 2019. Snowleader lève 10 millions d’euros. Le monde de la montagne multiplie les projets d’ascenseurs valléens. La réforme des retraites divise les acteurs sociaux. Emmanuel Macron vient réchauffer son image environnementale devant la Mer de glace. La campagne des élections municipales bat tranquillement son plein…
Début février, nous titrons « Des incertitudes, mais pas trop d’inquiétude » pour résumer la première table ronde de conjoncture de la chambre de commerce et d’industrie de la Haute-Savoie. Mais déjà, un certain virus asiatique fait son entrée dans le paysage. Dans notre numéro du 31 janvier, notre dessinateur Faro met en scène une manifestation contre la réforme des retraites dispersée par un Chinois la goutte au nez… Les responsables commencent à intégrer l’inconnue du coronavirus dans leurs équations. Geoffroy Roux de Bézieux et Patrick Artus, rencontrés fin janvier, émaillent des prévisions relativement optimistes de précautions du style « sous réserve que le coronavirus… ». Au début, la menace paraît purement virtuelle. Oui, bon, un virus… Puis elle se fait lointaine – « C’est dingue ce qui se passe en Chine… » Mais, dans la grande tradition française, les élites nous assurent, droit dans les yeux, que le virus n’arrivera pas ici. Puis il arrive, mais bien sûr « la situation est sous contrôle ».
Tout s’accélère début mars. La Balme-de-Sillingy a les honneurs des journaux de 20 heures. Rochexpo annonce le report du Simodec. Les rassemblements de plus de 1 000 personnes sont interdits… Et, le 17 mars, la France entre en mode confinement. Plus d’école ; la grande majorité des entreprises à l’arrêt. En Pays de Savoie, c’est d’abord un phénomène de sidération. Et maintenant, il se passe quoi ? Très vite les initiatives fleurissent. Ces corps intermédiaires si vilipendés savent montrer que leur ancrage local a du bon. Le télétravail, qui faisait l’objet de laborieuses expérimentations, est généralisé à marche forcé. En quelques jours, la covid génère son propre champ lexical, fait de « click & collect », « commerces essentiels » et « nonessentiels », « attestations dérogatoires », « gestes barrières », « distanciation sociale », « tests PCR » et « FFP2 »… Les Pays de Savoie paient un lourd tribut à la crise, avec l’arrêt prématuré des stations de sports d’hiver, mais aussi des stations thermales, l’annulation de plusieurs manifestations phares…
Mais, très vite, l’esprit d’entreprise permet de raconter de belles histoires. Lunabee Studio participe à l’élaboration de l’application Stopcovid. Le groupe Pracartis invente des masques à filtration céramique. Savoy International, ADTP et d’autres montent des lignes de production de masques. Le commerce se réorganise… Début mai, la situation semble s’améliorer. Avec le déconfinement, le nouveau mot magique est « reprise ». On tire des premiers bilans de ce qui vient de se passer, comme si l’on voulait clore le chapitre… Avec l’été, reviennent les touristes. Ce ne sont pas les mêmes, mais ils sont plus nombreux que d’habitude… La priorité de la rentrée est de sauver l’année. Et puis, courant octobre, la pandémie reprend de la vigueur, notamment en Savoie et Haute-Savoie, qui sont parmi les départements les plus touchés de France.
À la fin du mois, Emmanuel Macron reconfine. Cette fois, pas de sidération. Les entreprises ont globalement anticipé. La grogne monte parmi les professions les plus touchées (hôtellerie-restauration, événementiel), et bientôt dans l’univers de la montagne après qu’Emmanuel Macron estime « impossible l’ouverture des stations de sports d’hiver pour les fêtes de fin d’année ». Ce second confinement n’a rien à voir avec le premier. Écoles et entreprises sont ouvertes, le trafic continue comme si de rien n’était, les contrôles sont beaucoup moins fréquents.
Et pourtant, dans la population, monte un sentiment de ras-le-bol… On en est là. À attendre la prochaine prise de parole de Jupiter, qui nous dira à quelle sauce nous seront confinés pour les fêtes, en janvier, pour les vacances de février… À intégrer, autant que faire se peut, ce maudit virus dans nos stratégies. À avoir compris qu’il fallait apprendre à conduire sans visibilité, et que l’incertitude devenait la norme… Genève aéroport annonce 130 millions de francs suisse de pertes dans l’année. Le monde de la montagne cherche à sauver ce qui peut l’être. Les alertes se multiplient sur certaines entreprises… Voilà la situation à la fin de ce blockbuster-là. Qui, bien entendu, appelle une suite. Vous avez aimé 2020 ? Vous adorerez 2021 !
Par Philippe Claret
Quelques chiffres à retenir
ECO « Rétro 2020 »
Cet article est issu de notre numéro « La Rétro 2020 ».
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