Biodéchets : de l’ordure à l’or brun

par | 24 avril 2017

En 2025, particuliers, entreprises et collectivités devront trier leurs biodéchets à la source. Une contrainte de plus, mais qui pourrait se transformer en opportunité. Et en bonus, à la fin de cet article, quelques bons conseils de Pierre Rabhi, et une vidéo…

Les biodéchets, c’est entre 30 % et 40 % de chaque poubelle. C’est même entre 40 % et 60 % de son poids selon le Centre national d’information indépendante sur les déchets, le Cniid. Soit environ 80 kilogrammes par habitant et par an. Sans compter les déchets verts, de jardin ou de parc, des particuliers ou des collectivités. Sans compter non plus ce que jettent les restaurants et les cuisines centrales chaque jour, ni ce que rejette l’industrie agroalimentaire. Dix millions de tonnes seraient ainsi gaspillées ou perdues chaque année en France.

Les biodéchets sont un problème. Ou une solution ? Pour s’en débarrasser, la plus mauvaise solution est de les brûler : ils sont globalement constitués d’au moins 60 % d’eau. Les enfouir n’est pas non plus une très bonne solution : la putréfaction est responsable d’une partie des nuisances et des pollutions issues des centres de stockage.

Pourrir ou transformer

La meilleure solution consiste à les isoler et les valoriser, soit en compost, soit en méthane. La France est plutôt en retard sur le sujet. D’après le Cniid, moins de 20 % des déchets municipaux sont aujourd’hui compostés, contre 25 % en Belgique, en Italie ou en Autriche. C’est que la réglementation est en train d’évoluer. Les lois issues du Grenelle de l’environnement entrent petit à petit en vigueur. Les plus gros producteurs de biodéchets (plus de 120 tonnes par an) doivent les trier à la source depuis 2012. Depuis 2016, le seuil a été abaissé à 10 tonnes par an.

Pourtant, « les initiatives sont encore relativement rares parmi les industriels », estime Jean-Baptiste Philippon, directeur du syndicat mixte du technopôle Alimentec, dans l’Ain. Sans doute par manque de visibilité : « Il faut des volumes certains pour faire fonctionner une unité de méthanisation, décrit-il, ce qui est rarement le cas. Il faudrait sans doute que des entreprises pilotes se lancent dans l’aventure et entraînent d’autres industriels. Nous n’en sommes pas là. » La Région est en revanche en train d’élaborer son schéma de gestion de la biomasse, un document prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Là encore, la collectivité avance avec prudence. Les travaux ont débuté en fin 2016. La première phase vise à identifier les volumes déjà mobilisés et les gisements potentiellement mobilisables pour la production d’énergie. La Région identifie trois principales catégories de biomasse : ceux issus de la forêt et des transformations du bois ; ceux issus de l’agriculture et des industries agroalimentaires ; et ceux issus des ménages. Les initiatives sont finalement plus nombreuses pour inciter les particuliers à ôter les biodéchets de leur poubelle. Elles sont également plus anciennes. Chambéry Métropole distribue des composteurs individuels depuis 2003. Les projets se multiplient, pour mieux se préparer à l’échéance de 2025. Dans huit ans, le tri à la source des biodéchets sera obligatoire pour tous. Cela se prépare dès aujourd’hui, car c’est bien des filières entières qu’il s’agit de structurer.

Carotte et bâton

Comment amener tout le monde à trier ses biodéchets à la source ? Très classiquement en agitant à la fois la carotte et le bâton. La carotte en multipliant les actions de sensibilisation, communication, formation, éducation. La carotte encore, quand les grandes surfaces peuvent défiscaliser les quantités d’aliments qu’elles donnent aux associations humanitaires au lieu de les jeter. Ou lorsque les établissements publics de coopération intercommunale proposent des solutions de collecte des déchets des restaurants, comme dans l’agglomération d’Annecy. Bâton avec la généralisation progressive d’une tarification au poids des ordures ménagères. Le système était à peu près inexistant il y a dix ans en France. Il concernait déjà 5 millions de personnes en 2016. Selon le Ceser, qui s’appuie sur des données de l’Ademe, du ministère de l’Environnement, du commissariat général au développement durable et du conseil économique, social et environnemental, ce sera 15 millions en 2020 et 25 millions en 2025.

Le compost, solution d’avenir (et de présent !) pour réalimenter nos sols. Lire les excellents ouvrages de Pierre Rabhi à ce sujet…

Composter : une pratique individuelle ou industrielle ?

Depuis un an, la communauté d’agglomération du Grand Annecy collecte les biodéchets de 18 restaurateurs du vieil Annecy. « Ils nous les livrent dans des seaux, assure Sébastien Augier, que nous acheminons à l’usine de méthanisation construite par un agriculteur à Gruffy. Le gaz collecté permet de produire de l’électricité et du chauffage pour la ferme et huit maisons à côté. » D’autres projets de centres de méthanisation se développent à Groisy et Tournon, près d’Albertville. Sur Annecy, la collectivité ramasse ainsi chaque mois trois tonnes de biodéchets. « Les restaurateurs sont tous volontaires. La place est comptée dans la vieille ville, et stocker dans de simples seaux les biodéchets leur gagne une place précieuse dans les bacs à ordures, et leur évite des opérations de nettoyage. »Un peu des deux. Plusieurs grandes collectivités se sont dotées de plateformes de grande dimension, comme à Chambéry. Le site, géré par Suez Organique, permet le dépôt des déchets verts des professionnels, des collectivités et des particuliers (55 % des volumes arrivent des déchetteries). Il permet de fabriquer du compost qui est ensuite vendu, soit en jardineries et grandes surfaces, soit directement sur le site aux entreprises et aux particuliers. Une solution adaptée pour les gros volumes apportés par les collectivités, par exemple.

« Nous envoyons nos déchets verts à Chambéry », confirme ainsi Sébastien Augier, en charge de la réduction et du tri des déchets pour le Grand Annecy. « En revanche, nous encourageons les particuliers à composter eux-mêmes leurs déchets verts », explique-t-il. Pour cela, les collectivités ont commencé par vendre ou donner des composteurs individuels, aujourd’hui très largement installés dans les zones pavillonnaires (il y en a 7 000 dans l’agglomération chambérienne). Bien adapté pour des villas, le compostage est plus délicat à organiser dans des zones plus urbaines. Chambéry comme Annecy ont développé des solutions collectives pour de petites unités (jusqu’à 20 logements).

« L’IDÉE EST D’INCITER LES HABITANTS À ENLEVER LEURS DÉCHETS ALIMENTAIRES DE LA POUBELLE CLASSIQUE. »

Les deux collectivités jouent sur la motivation des habitants. « Nous travaillons avec des référents locaux, que nous formons et accompagnons jusqu’à ce que chaque site – il y en a près de 70 aujourd’hui – soit autonome », précise Sébastien Augier. Le bilan économique est imparable : la copropriété achète les composteurs 70 euros… et économise ensuite sur l’entretien de ses autres bacs poubelle. » L’agglomération chambérienne joue également la carte du compostage de proximité, avec 60 installations en pied d’immeuble.

La collectivité vient d’y ajouter une quinzaine de sites disséminés sur l’espace public à La Motte-Servolex, pour une expérience de compostage partagé à grande échelle. « L’idée est d’inciter les habitants à enlever leurs déchets alimentaires de la poubelle classique, explique le vice-président en charge de la réduction des déchets et des programmes de prévention Daniel Rochaix. Nous confions à Trialp la maintenance des sites. » Les premiers retours sont positifs. « Les motterains deviennent compost’acteurs ! » se félicite l’élu.


Par Philippe Claret.


Pour aller plus loin : la fabrication du compost (méthode Pierre Rabhi)

« Creuser quatre fosses de 2 X 4 mètres et de vingt centimètre de profondeur. Dans la 1ère on édifie une grande meule constituée de couches d’argile, de fumier, de matières organiques végétales (paille, feuilles, etc.). On saupoudre de cendre, d’os et de cornes concassées, le tout bien humecté. Puis on recouvre la meule de paille ou de terre et on met en route un processus de fermentation par oxydation, grâce à la présence de l’oxygène.

Le processus de transformation commence par une phase thermophile, ou chauffante, pendant laquelle la température va considérablement augmenter dans la meule, parfois jusqu’à 70°C. Cette température est indispensable à la destruction de tous les germes potentiellement dangereux et de graines qui risquent d’infester les champs. Cela crée une vapeur à l’intérieur de la meule qui va amollir les éléments et les préparer à la phase de destruction. Arrive ensuite une série de bactéries qui vont activer la fermentation.

Des champignons et des levures apparaissent, des lombrics digèrent la matière, etc. On retourne la meule dans la fosse suivante tous les quinze jours. Au bout de deux mois, on obtient une sorte d’humus, riche en nutriments et en ferments bactériens, bon pour relancer le métabolisme du sol et le stabiliser contre l’érosion. Les sols vont se réactiver et secréter des substances nutritives pour les plantes. Cet équilibre va renforcer la plante et l’empêcher d’être malade, réduisant ainsi le recours aux pesticides et limitant les ravageurs. Les composts bien faits ont une remarquable capacité à retenir l’eau et une forte résistance à l’assèchement. Comme le sol est aéré par ce fertilisant, l’infiltration de l’eau est facilitée. »

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