Selon un sondage Ipsos conduit entre le 1er et le 2 février, 64 % des Français sont contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron et, particulièrement, contre le report de l’âge de départ à 64 ans. Une proportion en hausse, y compris au sein des populations plus enclines à lui être favorable comme les cadres, contre à 52 %. Ce rejet interroge notre rapport au travail, de sorte qu’une étude de l’Ifop a largement été commentée, ces jours-ci.
« La proportion de Français en activité affirmant que la place du travail dans leur vie est “très importante” s’est effondrée en un peu plus de 30 ans, passant de 60 % en 1990 à 24 % en 2021 et 21 % en 2022 », révèle cette dernière. Il n’en fallait pas davantage pour que toute une classe politique dénonce l’insidiosité avec laquelle l’idée de “droit à la paresse” chère à l’écologiste Sandrine Rousseau avait imprégné toute une population. Rien n’est pourtant plus faux. Pour s’en convaincre, il suffit, en plus, de lire cette fameuse étude qui insiste sur cette autre donnée : le travail reste important pour 84 % des salariés.
« Cet étiage demeure relativement stable dans le temps long, puisque 86 % des interviewés faisaient ce constat en 2021 et, si l’on remonte encore plus en arrière, 92 % en 1990. » Et une autre étude, publiée par l’Institut Montaigne le 2 février, s’attache cette fois à déconstruire plusieurs « idées reçues » concernant le « désamour des Français pour le travail ». On y apprend que 77 % des sondés se déclarent satisfaits de la manière dont il l’exerce et 80 % du sens de leur activité. J’entretiens personnellement, une relation un peu ambiguë avec le boulot. Je peux entonner à tue-tête dans ma voiture, le son de l’autoradio à fond, “Torture” avec Lofofora et Stupeflip (« Ici la France qui se couche tard. Le travail, c’est la torture. ») ou encore “Je refuse de travailler”, avec Sexy Sushi.
Mais ceux qui me côtoient me connaissent pour être un gros bosseur. Je consacre à mon job, bien plus de temps que celui pour lequel je suis payé. Avec pour avantage que je peux travailler à mon rythme, débarrassé de la pression de l’horaire. En cela, je ne suis d’ailleurs pas un cas isolé. « On observe un étalement croissant des horaires de travail, la pratique des “heures de bureau habituelle” (pas de travail après 20 heures ou le weekend) devenant minoritaire », constate l’Institut Montaigne.
« Cette défiance grandissante envers l’emploi se retrouve également dans le sentiment d’un contrat social de travail dégradé. En l’espace de 30 ans, la proportion des actifs s’estimant perdant dans leur rapport au travail a en effet doublé. » Le diagnostic posé, il ne reste qu’à trouver le remède. Une approche du travail plus libre, plus signifiante, moins comptable ?
Aux yeux de l’Ifop, cependant, « il apparaît indéniable que l’emploi, tel que proposé actuellement, séduit moins ». À repenser à tous les morceaux de musique qui vomissent le monde professionnel et à bien y réfléchir, ce n’est pas tant le travail que l’on déteste, mais plus sûrement les petits chefs, les humiliations, le manque de moyens, les coups bas, les remplisseurs de tableaux Excel, les objectifs intenables… J’en passe et des meilleures. On connaît tous.
L’Ifop ne dit d’ailleurs pas autre chose : « Cette défiance grandissante envers l’emploi se retrouve également dans le sentiment d’un contrat social de travail dégradé. En l’espace de 30 ans, la proportion des actifs s’estimant perdant dans leur rapport au travail a en effet doublé. » Le diagnostic posé, il ne reste qu’à trouver le remède. Une approche du travail plus libre, plus signifiante, moins comptable ?
Sébastien Jacquart
Photo à la une : Emily Morter sur Unsplash
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