L’économie se démondialise (et se dédollarise). Ce n’est pas vraiment un scoop. Quiconque suit de près l’actualité internationale a pu en constater les prémices, entre la volonté de plusieurs états de s’émanciper du dollar, Chine et Russie en particulier, depuis une dizaine d’années, les relations désastreuses entre l’administration Trump et la Chine ou encore, la volonté de Donald Trump de privilégier “America first”.
Une volonté sur laquelle ne sera pas vraiment revenu son successeur Joe Biden, l’Inflation reduction act s’apparentant à un vaste mouvement de réindustrialisation du pays. (C’est rigolo, d’ailleurs, car selon nombre d’experts économiques, la mondialisation étant un phénomène éminemment déflationniste, le mouvement inverse est nécessairement inflationniste. Donc, appeler “Inflation reduction act”, une politique qui participe d’une démondialisation, c’est pour le moins paradoxal.) Bref, l’info n’est pas neuve.
De plus en plus d’observateurs imaginent une nouvelle partition du monde avec les États-Unis et leurs alliés d’un côté, les Brics et les leurs de l’autre. Mais, il se trouve que l’Organisation mondiale du commerce vient de prendre acte de cette démondialisation, des « premiers signes de fragmentation ». « L’ordre économique international post-1945 a été construit sur l’idée que l’interdépendance entre les nations à travers des liens commerciaux et économiques accrus favoriserait la paix et une prospérité partagée.
Aujourd’hui, cette vision est menacée, tout comme l’avenir d’une économie mondiale ouverte et prévisible », s’inquiète sa directrice générale, Ngozi Okonjo-Iweala. Est-ce une si mauvaise affaire ? Certes en 30 ans, cette mondialisation – que l’on a décrite comme « heureuse » – aura permis à des pays que l’on qualifiait de « tiers-monde » de devenir « en développement », voire « émergents ». Elle aura sans doute contribué à réduire la grande pauvreté dans le monde, à diminuer le nombre de personnes qui vivent avec moins de 2 € par jour.
« D’aucuns objecteront qu’elle aura surtout consisté à exploiter la misère des pays pauvres, à y exporter la pollution pour donner bonne conscience aux consommateurs d’ici. Des consommateurs qui auront vécu, en contrepartie, désindustrialisation et chômage de masse. »
Le cinéaste Albert Dupontel fait partie de ceux-là. Récemment interviewé par la chaîne Thinkerview, pour la sortie, le 25 octobre, de son prochain film “Second tour”, une fable politique, il assimile complètement la mondialisation à une surconsommation vide de sens et à ce qu’elle a de destructeur pour les individus comme pour la planète. Vu sous cet angle, l’émergence de nouveaux équilibres n’est peut-être pas si mal venue.
« À condition que nous ne soyons pas les dindons de la farce. Pendant que le monde entier semble décidé à rebattre les cartes, l’Union Européenne, elle, reste construite sur la base du libre-échange. Une idée largement dominante, en France, au sein des partis de gouvernement. Cela risque de nous conduire à nous adapter fort tard aux nouvelles réalités. Et c’est sans doute là, le vrai danger. »
Sébastien Jacquart
Image à la une : https://www.courrierinternational.com/grand-format/analyse-le-sommet-des-brics-annonce-t-il-un-changement-tectonique-international
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