Alors que l’avenir de la montagne suscite toujours autant d’intérêt et de passion, le rapport publié par Joël Giraud (1), ancien ministre de la Cohésion des territoires (et député radical des Hautes-Alpes), enfonce le clou.
Et de manière plutôt opportune si l’on en juge par la date de sa parution, le 19 février, quelques jours après la publication du rapport (controversé) de la Cour des comptes sur l’avenir des stations… Alors que sa commanditaire, Élisabeth Borne (alors Première ministre), l’avait laissé prendre la poussière au fond d’un tiroir.
Celui qui a été l’instigateur du plan Avenir Montagnes de l’État propose 34 recommandations pour dessiner la montagne en 2030 et trouver des portes de sortie, quand beaucoup de stations en moyenne montagne agonisent faute de neige, sous le joug du réchauffement climatique.
Pointant le rapport de la Cour des comptes (pour lequel il n’a pas été sollicité), Joël Giraud estime « indécent de publier un rapport concluant qu’il n’y a pas d’avenir pour la montagne ». Mais il lui reconnaît « le mérite de secouer ceux qui sont toujours dans le déni du réchauffement climatique ». Sachant qu’en montagne, le climat se réchauffe deux fois plus vite qu’ailleurs. Comment l’ignorer quand les effets du dérèglement menacent l’industrie du ski ?
Pour Joël Giraud, « le changement, c’est maintenant ! » Selon lui – et les professionnels de la montagne en sont convaincus eux aussi : « Il faut trouver un nouvel avenir pour les stations les plus impactées par le changement climatique, car il n’y a pas de remplaçant industriel à l’économie du ski. »
Si certaines des propositions coulent de source pour qui habite la montagne, d’autres ne manquent pas de faire réagir, faisant jubiler certains et crier au loup d’autres. À commencer par la « recommandation 19 », qui veut mettre un coup d’arrêt à l’extension des domaines skiables et au financement de la neige artificielle.
Dans les stations pour qui l’or blanc n’est plus, le député prône la prise en charge de la dette des collectivités gérant les remontées mécaniques en direct, en échange de l’abandon (total ou partiel) de l’activité ski. « Des communes endettées, conscientes de l’urgence, n’ont plus les moyens d’investir dans un nouveau modèle. Il faut les y aider », plaide-t-il.
Quant à la prolifération des passoires thermiques – un véritable fléau en station –, il demande un moratoire sur les nouveaux programmes immobiliers touristiques et aussi de « raser certaines barres d’immeubles qui n’ont pas leur place en montagne ».
« D’autant que, plutôt que de rénover, on construit encore et encore. Cette fuite en avant ne peut être jugulée que par des mesures fortes », poursuit le député, en recourant à des foncières locales et des leviers financiers (exemple, l’extension de MaPrimRenov’), qui aujourd’hui font défaut ou sont mal utilisés, pour accompagner la rénovation des résidences secondaires.
Enfin, sur la question sensible de l’organisation des JO 2030, qui sont loin de faire l’unanimité, il y voit l’occasion d’obtenir des financements exceptionnels, l’opportunité de refaire les infrastructures ferroviaires, totalement obsolètes (comme ce fut le cas pour les JO d’Albertville en 1992)… et de démultiplier les trains de nuit, un sujet capital quand 57 % des émissions de gaz à effet de serre des stations sont dues aux transports pour les rejoindre.
La montagne en 2030 ? Joël Giraud la rêve en lieu de villégiature, où il fait bon prendre l’air hiver comme été, sur fond d’activité économique confortée à l’année. À bon entendeur.
(1) Le rapport de Joël Giraud, intitulé « Pour une montagne vivante en 2030 », est alimenté par près de 500 entretiens avec les élus, associations et professionnels. Pour en savoir plus et télécharger le rapport sur son blog >>
Patricia Rey
Crédit photo à la une : Valentin Antonucci sur Unsplash
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