En France, l’impôt sur la fortune (ISF) a cédé sa place à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) tandis que la Suisse le maintient, faisant d’elle l’un des derniers pays en Europe à pratiquer ce type d’impôt.
Suisse : l’un des derniers pays à l’appliquer
Alors que l’impôt sur la fortune tend globalement à disparaître en Europe – il est supprimé ou suspendu -, la Suisse continue à l’appliquer. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’impôt sur la fortune constitue la principale source de financement pour la majorité des cantons avant d’être supplanté par l’impôt sur le revenu. Durant la Deuxième Guerre mondiale, un impôt extraordinaire sur la fortune au titre de « sacrifice pour la défense nationale » fut prélevé en 1940 et 1942.
L’impôt sur la fortune s’accompagne d’une forte division entre la gauche qui, dès les années 1990, fait plusieurs tentatives afin de l’augmenter, et les partis bourgeois, fermement opposés à toute hausse. En 1977 notamment, l’initiative « impôt sur la richesse » est rejetée à hauteur de 55,6 % par la population suisse. L’impôt sur la fortune est un impôt cantonal, c’est-à-dire qu’il est prélevé par les cantons. Chacun d’entre eux a sa propre définition de la fortune ainsi que son taux.
En 2021, le think tank indépendant Avenir Suisse rappelait qu’en Suisse, l’impôt sur la fortune permet de collecter environ 7 milliards de francs par année, ce qui constitue une tendance en hausse. « Pourtant, estimait Avenir Suisse, plus de la moitié des contribuables ne sont pas soumis à l’impôt sur la fortune, même s’ils disposent de biens. Seule une partie de la fortune totale des ménages est comptabilisée d’un point de vue fiscal. L’épargne du 2e et 3e pilier – pour beaucoup la richesse la plus importante quantitativement – n’est pas prise en compte. » Concrètement, le poids de cet impôt reposerait donc essentiellement sur les plus fortunés.
Initiative rejetée
En juin dernier, l’initiative cantonale genevoise IN 185 « pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes » a été refusée par le peuple à hauteur à 55,12 % contre 44,88 %. L’initiative, lancée par la gauche genevoise, avait pour objectif, « pour sortir de la crise sanitaire, sociale, économique et climatique », de taxer les fortunes de plus de 3 millions de francs. La durée de cet impôt, qui selon les initiants aurait rapporté 350 millions de francs au canton, était limitée à 10 ans. Les électeurs ont estimé qu’un tel impôt risquait de faire fuir les grandes fortunes.
France : un impôt qui évolue et se transforme
L’impôt sur la fortune ressemble un peu à une longue saga marquée par toutes sortes de changements L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est créé en 1898. Il était précédé de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) qui avait été instauré par le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982 avant d’être supprimé en 1986 par celui de Jacques Chirac. L’ISF s’inscrit alors dans une démarche solidaire et de redistribution des richesses. Des limites sont cependant fixées afin d’éviter que l’impôt n’ait un effet « confiscatoire ».
Ainsi, le total de l’ISF et de l’impôt sur le revenu (IR) ne dépasse pas 70 % du revenu imposable des personnes redevables. Nicolas Sarkozy apporte lui aussi sa pierre à l’histoire de l’ISF en renforçant le bouclier fiscal en 2007 puis en le supprimant quatre ans plus tard. L’ISF touche alors les personnes à partir d’un patrimoine de 1,3 million d’euros contre 800 000 euros précédemment. En 2012, sous François Hollande, l’ISF est encore une fois modifié et revient au montant d’entrée de 800 000 euros.
Après l’ISF, la création de l’IFI
Une nouvelle page de l’impôt sur la fortune s’écrit avec Emmanuel Macron. Lors de la campagne électorale, il s’était engagé à supprimer l’ISF dans le but d’encourager les foyers français les plus fortunés à investir. L’ISF est ainsi remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), instauré le 1er janvier 2018. L’ISF est définitivement supprimé. L’IFI concerne les personnes physiques détenant un patrimoine immobilier dont la valeur nette est supérieure à 1,3 million d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition. La création de cet impôt a néanmoins été critiquée.
L’IFI ne prend en compte que les biens immobiliers dans l’assiette de calcul, exonérant ainsi les actifs financiers, mais conserve le même barème d’imposition que l’ISF. Des députés ont alors fait remarquer que les valeurs mobilières telles que les yachts et jets privés n’entreraient donc pas dans l’assiette de calcul de l’IFI contrairement à l’ISF.
En juin dernier, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) annonçait que l’IFI avait rapporté 2,35 milliards d’euros à l’Etat en 2022, près de 164.000 déclarations ayant été soumises cette même année. Les recettes ont progressé de 250 millions d’euros par rapport à 2021 et de 337 millions par rapport à 2020.
Odile Habel
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