Le laboratoire européen pour la physique des particules (Cern) publie le rapport de faisabilité du futur collisionneur circulaire (FCC) qu’il veut construire sous le canton de Genève, l’Ain et la Haute-Savoie.
Le Cern a présenté, le 31 mars, le rapport de faisabilité du FFC, son futur collisionneur circulaire. Constitué de trois tomes représentant un total 1 211 pages, le document rédigé en anglais se penche sur les volets scientifiques, techniques, administratifs, financiers, géologiques, etc. Il sera étudié par divers organes d’experts indépendants puis, en novembre prochain, par le conseil du Cern, qui pourrait prendre une décision aux environs de 2028 sur la poursuite ou non du projet. Lequel serait « en bonne voie », selon Fabiola Gianotti, la directrice générale du Cern, « aucun obstacle technique n’ayant été trouvé jusqu’à présent ».
91 km de circonférence
Pour l’organisation européenne, le FFC offre l’approche la plus efficace et la plus complète pour explorer les questions ouvertes de la physique des particules moderne. Destiné à remplacer, à partir de 2040, le Grand Collisionneur d’hadrons (le LHC, dont la circonférence est de 27 km), il afficherait une circonférence d’environ 91 km, entre France (Ain et Haute-Savoie) et Suisse (canton de Genève), à une profondeur moyenne de 200 mètres. Huit sites seraient construits en surface. Cette option est celle privilégiée par le Cern parmi la centaine de scénarios élaborés et analysés afin de « maximiser les résultats scientifiques tout en tenant compte de la compatibilité territoriale, des contraintes environnementales et de construction, et du coût ».
15 milliards d’investissement
Dans un premier temps, le nouveau tunnel abriterait un collisionneur électron-positon (FCC-ee), mis en service vers 2045. Puis, un collisionneur proton-proton (FCC-hh), atteignant des énergies jusqu’à huit fois supérieures à celles du LHC, serait mis en place et viendrait prolonger le programme de recherche, des années 2070 jusqu’à la fin du siècle. Le coût de l’investissement (tunnel, infrastructure et FCC-ee) est estimé à 15 milliards d’euros sur les douze premières années.
« Comme ce fut le cas pour la construction du LHC, la majeure partie du financement proviendrait du budget annuel ordinaire du Cern », assure l’organisme, qui promet par ailleurs « un modèle d’infrastructure de recherche durable ». À chaque phase (conception, construction, exploitation, démantèlement), les principes d’écoconception prévaudraient afin de « maintenir un faible niveau d’empreinte environnementale, tout en favorisant le développement de nouvelles technologies et en créant des synergies territoriales comme la réutilisation de l’énergie ». Selon le mode d’exploitation de la machine, la consommation d’électricité du FCC oscillerait tout de même entre 1 et 1,8 Twh/an, soit l’équivalent d’une journée moyenne de consommation électrique sur l’ensemble du territoire français.
« Un projet titanesque, ni éthique, ni utile »
Le futur collisionneur circulaire est loin de faire l’unanimité, y compris dans la communauté scientifique où des voix dissonantes s’élèvent. Pour l’association genevoise Noé 21 et, en France, le collectif Co-Cernés constitué de 27 associations investies sur le territoire, il représente un projet « titanesque, ni éthique, ni utile ». « À ce jour, aucune garantie n’a été apportée quant à son impact sur les nappes phréatiques et la ressource en eau », s’alarme Co-Cernés en soulignant que les sondages géotechniques et hydrogéologiques n’ont pas encore commencé en Suisse.
« Quels que soient les aménagements que proposera le Cern, ce projet va à contre-courant des enjeux planétaires », pointent encore les opposants, avant de regretter que « les agriculteurs, propriétaires directement impactés et riverains soient laissés de côté ». Les réunions d’information organisées par Co-Cernés ont rassemblé environ 2 600 habitants du territoire, et souvent des élus.
Sophie Boutrelle
Crédit photo Cern
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