L’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) de l’Ain a débattu de l’industrie 4.0 et des nouvelles technologies, des espoirs qu’elles créent et des menaces qu’elles font émerger.
L’UIMM planchait, dernièrement sur le site de Renault Trucks à Bourg-en-Bresse, sur les opportunités de l’industrie 4.0, à travers deux tables rondes, l’une constituée d’experts et chercheurs, l’autre d’entreprises témoins, pour autant de regards croisés. Pour Bernard Ruffieux, économiste, directeur de l’école d’ingénieur Grenoble INP – Génie industriel, «hier, l’usine était un lieu caché. On préférait mettre en avant le produit. Aujourd’hui, c’est un site qu’on visite, porteur de valeur». Mais, s’il voit dans l’industrie 4.0 «un moyen de réenchanter la production», il ne l’associe pas nécessairement au développement durable ou à la promesse de relocalisations. L’homme n’est même pas persuadé que la possibilité offerte de personnaliser à l’extrême les produits soit nécessairement créatrice de valeur.
Maîtrise
Synonyme d’espoir, l’industrie 4.0 est aussi porteuse de risques. «La maîtrise technique peut nous échapper, craint Bernard Ruffieux. On parle d’intelligence des objets, mais il serait bon qu’elle soit également dans nos esprits. On risque aussi un emballement technologique. Aujourd’hui, la loi de Moore nous oblige à renouveler nos téléphones mobiles tous les 18 mois. Je ne suis pas sûr qu’un tel phénomène saurait être piloté par les usines.»
Professeur à l’Insa de Lyon et directeur adjoint du laboratoire DISP (Décision et information pour les systèmes de production), Vincent Cheutet abonde dans son sens. «Les systèmes d’information représentent aujourd’hui un enjeu de maîtrise avec l’explosion de l’informatique dans l’entreprise, l’évolution très rapide des technologies et les possibilités qu’offrent le cloud, le big data, etc. Notre angle de recherche est désormais de rendre aux industriels cette maîtrise, de leur permettre de récupérer à partir du système d’information, des indicateurs de performance.»
De plus, les objets connectés ont induit une ouverture des entreprises vers l’extérieur, a relevé Karim Chibane, directeur transfert de technologie de Grenoble INP – Esisar, spécialiste des systèmes embarqués. «Les machines savent désormais communiquer entre elles, sans fil, ce qui permet de diffuser un maximum d’information. Cela implique de pouvoir agréger ces informations et de maîtriser la confidentialité, l’intégrité et la propriété des données, observe-t-il. L’enjeu est avant tout dans les logiciels et les réseaux.
Par ailleurs, pour les industriels, la problématique associée aux objets connectés est de savoir quoi faire de ces données, quels services associés ils vont pouvoir proposer à leurs clients.» Expert en cybersécurité chez Gérard Perrier Industrie, Marc Littoz-Monet a déjà un certain nombre de réponses à ces enjeux : télémaintenance, pare-feu industriels, protection des postes, audit des matériels et de leurs vulnérabilités, échanges cryptés, infrastructures contrôlées, veille technologique et suivi d’obsolescence.
Expérimentations
D’autres ont commencé à explorer les promesses de l’industrie 4.0. Chez Bosh Rexroth, à Vénissieux, les check-lists ne font plus appel au papier, mais passent par l’usage de lunettes intelligentes. Renault Trucks dispose d’outils issus de la fabrication 3D. Utilisables en usine, expérimentables et déployables à moindre coût, ils apportent des solutions d’ergonomie qui n’étaient pas concevables autrement. «La réalité augmentée permet déjà de guider le geste de l’opérateur, observe Laurent Garcia, directeur maintenance et ingénierie. Demain, la cobotique et les exosquelettes permettront de réduire les efforts et d’employer des gens qui seraient considérés comme inaptes, aujourd’hui.»
Pernoud Industrie planche, de son côté, sur un moule intelligent, connecté et 100 % électrique pour la plasturgie. Un projet H2020 qui implique une vingtaine d’entreprises à l’échelon européen. L’entreprise oyonnaxienne espère lancer son outillage dans les 12 mois et avoir trouvé là, un facteur de différenciation. Enfin, le groupe Jacquemet, spécialiste du travail du fil, du ressort, du ressort plat, de la découpe et de l’emboutissage, expérimente l’impression 3D.
Loin de son métier d’origine, celle-ci lui a permis de répondre au besoin de certains clients, en concevant des pièces plastiques impossibles à produire autrement. «Nous l’utilisons aussi pour procéder à des essais d’outillages de soudure avant usinage, ce qui représente des économies conséquentes», souligne Christophe Jacquemet qui craint tout de même l’impact de ces technologies. «Nous fabriquons des pièces pour la serrurerie, domaine dans lequel il existe déjà des solutions plastiques en fabrication 3D. Il se pourrait finalement que l’industrie 4.0 soit plus destructrice que créatrice de valeur.» Raison de plus pour prendre le sujet à bras-le-corps.
Adapter la formation aux nouveaux besoins
Les nouvelles technologies de production demandent de nouvelles compétences. L’évolution des métiers à travers l’industrie 4.0 pose aussi la question de la formation. «Elle nécessite de faire évoluer les équipes pour leur permettre de travailler sur des installations virtuelles et réelles de plus en plus complexes, considère Anne Marleix, présidente du groupe Strass qui propose notamment des prestations en e-learning. Et il faut développer des profils interdisciplinaires. Le système de formation aujourd’hui, est trop sectorisé. Or, en mécatronique, par exemple, un mécanicien doit savoir dialoguer avec un électronicien. Ces nouvelles approches impliquent de renforcer le travail collaboratif. Les salariés doivent être à même d’avoir une vision globale.»
La formation n’est d’ailleurs pas épargnée par les nouvelles technologies, simulations et réalité virtuelle permettant aujourd’hui des approches techniques et comportementales. Au sein de la Haute école Arc Ingénierie, en Suisse, on est persuadé que l’industrie 4.0 va changer la chaîne de valeur, en partant des besoins du client et des utilisateurs. Du coup, l’établissement travaille sur des micromachines.
«Pour fabriquer des pièces de 1 dm3, aujourd’hui, on utilise des machines de 700 kg minimum, avec un rendement énergétique très mauvais, explique Olivier Duvanel, directeur adjoint responsable de l’enseignement. Nous nous sommes donc lancés comme défi de réaliser une machine cinq axes de la taille d’une cafetière. D’une puissance de 300 W au lieu de 10 000, elle peut être disposée directement dans un cabinet dentaire pour la réalisation d’une prothèse, ou dans une boutique de joaillerie pour un bijou personnalisé.»
L’école a demandé à ses apprentis — appelés à travailler plus tard, majoritairement, pour l’horlogerie, la joaillerie ou les medtechs — d’imaginer le futur. Ils ont placé dans une armoire plusieurs de ces machines qui, travaillant les unes à la suite des autres, peuvent concevoir une pièce personnalisée, directement sur un lieu de vente, en l’espace d’une heure ou deux.
Par Sébastien Jacquart
Industrie 4.0 : définition
Le concept d’Industrie 4.0 correspond à une nouvelle façon d’organiser les moyens de production : l’objectif est la mise en place d’usines dites « intelligentes » (« smart factories ») capables d’une plus grande adaptabilité dans la production et d’une allocation plus efficace des ressources, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle révolution industrielle. Ses bases technologiques sont l’Internet des objets et les systèmes cyber-physiques.
Source : Wikipedia.
de gros efforts de formation, d’adaptation des travailleurs sont nécessaires face à ces modifications technologiques et organisationnelles profondes et rapides et des mesures doivent être mises en œuvre pour que la prévention des risques professionnels soit prise en compte dans ce nouveau contexte de tâches, métiers, procédures et compétences : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/ergonomie-au-poste-de-travail/la-prevention-des-risques-professionnels-de-lindustrie-4-0