Interviews d’Alain Juppé et de François Fillon

par | 25 novembre 2016

Durant cet entre-deux tours, voici deux interviews, celle d’Alain Juppé, et celle de François Fillon. Les propos ont été recueillis pour la PHR par Damien Lê Thanh (Le Littoral de Charente Maritime).

Interview d’Alain Juppé :

1. Les résultats de ce premier tour, pour la première primaire de la droite et le centre, soulignent une forte participation, avec près de 4 millions de participants. Vous êtes arrivés deuxième avec 28,6 % des suffrages, comment analysez-vous votre score ?

Nous devons nous féliciter de cette forte participation. Elle démontre que la politique intéresse les Français. Cette mobilisation, le score de François Fillon et l’éviction de Nicolas Sarkozy au premier tour sont indéniablement des surprises. Je ne vais pas me lancer dans une analyse des résultats de dimanche dernier. Nous nous sommes tous trompés, donc soyons modestes dans nos interprétations. Ce que je peux vous dire c’est qu’une surprise en appelle une autre. Je serai la surprise de ce dimanche.

2. Vous avez décidé d’axer votre campagne sur un large rassemblement de la droite, du centre mais aussi des déçus du hollandisme, un choix qui pour l’instant ne semble pas avoir convaincu une large partie de l’électorat ?

Croyez moi : il y a toujours des surprises en politique, surtout avec la volatilité de l’électorat au sein d’une même famille politique. On l’a vu dimanche dernier. Je peux à mon tour créer la surprise dimanche prochain. Une nouvelle campagne a commencé. François Fillon doit désormais s’expliquer sur son programme. Je veux convaincre les Français que je porte le meilleur projet d’alternance. Je suis le mieux placé pour battre le candidat de gauche au premier tour de la présidentielle, puis Marine Le Pen au second. Il ne sert à rien de gagner la primaire si c’est pour perdre l’élection de mai 2017.

3. Pour ce second tour de la primaire, une seule candidate, Nathalie Kosciusko-Morizet, vous apporte son soutien. Cela sera-t-il suffisant pour arriver en tête dimanche soir ?

Le soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet est précieux, tout comme celui de Jean-François Copé et des autres parlementaires qui m’ont rejoint, comme Yves Jégo et Franck Riester. Ceci dit, personne n’est propriétaire du vote des électeurs. Ceux-ci doivent se décider librement, sans écouter les médias et les sondages qui ont déjà choisi pour eux.

4. Qu’est-ce qui vous différencie de François Fillon ?

François Fillon et moi appartenons à la même famille politique. Je partage avec lui l’ambition de réformer la France. J’ai élaboré un projet audacieux mais réaliste. Je veux changer ce qui ne va pas, pas casser ce qui marche. J’incarne une droite moderne et ouverte. Je porte une vision des grands enjeux de demain, ceux de l’égalité entre les hommes et les femmes, du numérique, du développement durable. Cela   ne m’empêche pas d’être ferme sur mes valeurs et sur l’importance de reconstruire un Etat fort. La modernité, ce n’est pas la chienlit.

5. Deux thématiques paraissent particulièrement intéresser les Français, les questions liées à l’emploi et à la sécurité. Que proposez-vous dans votre programme ?

Ce sont les deux questions majeures pour les Français et j’en ai fait les deux axes de mon projet. Nous devons renouer avec le plein emploi. J’ai proposé des mesures spécifiques à ce sujet. Nous devons mener des réformes crédibles et ne pas promettre des choses irréalisables. Le CDI doit être sécurisé en y incluant des motifs prédéterminés de rupture, qui seraient déterminés par la loi. Autre piste : nous devons diminuer les charges sur les emplois peu qualifié. De plus, la fiscalité sur nos entreprises est trop lourde et bloque l’embauche. Je veux zéro charge pour les emplois compris entre le SMIC et 1,8 SMIC. Nous devons envoyer un signal fort. Nous devons aussi nous attacher notamment à diminuer la dépense publique en supprimant entre 250 000 et 300 000 fonctionnaires. Là aussi, j’entends parfois des propositions extravagantes. Restons sérieux sinon les Français ne nous le pardonneront pas.

La sécurité est un enjeu majeur. La France doit faire face à un péril terroriste qui n’a jamais été aussi fort, lié à l’essor d’une forme totalitaire de l’Islam. C’est une question de politique internationale : la lutte contre Daesch doit être amplifiée, et notre système d’alliance doit être révisé – nos alliés au proche et au moyen orient doivent avoir bien conscience qu’il n’y aura pas d’alliance possible avec la France pour les pays qui ne s’engagent pas sans ambiguïté avec nous dans cette lutte. C’est naturellement aussi une question d’efficacité de nos forces de sécurité. J’ai proposé il y a près d’un an un plan complet de lutte contre le terrorisme. A ce titre, je suis favorable à un renforcement des effectifs des forces de l’ordre. Quand François Fillon explique que nous ne devons pas augmenter les effectifs de police et de gendarmerie, c’est un point fort de désaccord entre nous. Pire, avec le programme de réduction des effectifs de 500 000 fonctionnaires qu’il prévoit, dans 5 ans, nous aurions moins de militaires, de policiers et de gendarmes. J’ai proposé de mettre 10 000 personnels supplémentaires sur le terrain en cinq ans pour revenir au niveau de 2007. Le renforcement du renseignement territorial qui a été considérablement affaibli avec la réforme de 2008 qui a supprimé les renseignements généraux est aussi un enjeu majeur.

6. Toujours sur l’emploi, la droite comme le centre ne cessent de décrier les 35 heures. Quelles alternatives proposez-vous ?

L’enjeu est simple : faire ce que nous n’avons pas fait lorsque nous étions aux responsabilités. Nous devons supprimer les 35 heures. La durée légale passera à 39 heures au bout de deux ans sauf pour les entreprises qui, par accord, souhaiteront rester à un niveau inférieur. Les salariés qui feront plus d’heures gagneront plus.

7. La loi NOTRe, sur la nouvelle organisation territoriale, applicable au 1er janvier 2017, bouleverse considérablement la place de la ruralité, comptez-vous la remettre en cause ?

Je n’aurais pas fait cette réforme qui a compliqué le millefeuille plutôt que de le simplifier, et qui a éloigné les centres de décision des territoires. Mais après 5 années de « révolution permanente » il est temps de stabiliser les choses. Une nouvelle réforme institutionnelle concentrerait l’attention des élus pendant à nouveau plusieurs années. Je ne le souhaite pas. Je préfère que les régions concentrent leur énergie sur l’efficacité de la formation professionnelle, la qualité des transports et sur la couverture numérique des territoires ruraux, plutôt que sur un nouveau redécoupage administratif.

8. Il y a deux semaines, se sont déroulées à La Rochelle les 12e Assises de l’économie de la mer. Avec 463 km de côte, il s’agit d’un enjeu majeur pour la Charente-Maritime. La croissance bleue est-elle une de vos priorités ?

L’espace littoral et maritime de la France fait partie des grands atouts de la France. Il s’agit d’un gisement de création de richesses et d’emplois. La question des infrastructures sera également centrale aussi dans ce cadre et la France a un rôle majeur à jouer. Je regrette que cette question comme la question de l’environnement en général ne soit pas plus présente dans le débat.


Propos recueillis pour la PHR par Damien Lê Thanh, Le Littoral de Charente Maritime.


Interview de François Fillon :

1. Les résultats de ce premier tour, pour la première primaire de la droite et le centre, soulignent une forte participation, avec près de 4 millions de participants. Contre toute attente, vous êtes arrivés en tête des suffrages avec 44,1 %, comment analysez-vous votre score ?

Je n’ai jamais douté, vous souvenez-vous lorsque je disais que je serai au second tour et que les sondages n’étaient pas fiables. La participation montre la mobilisation des Français autour de mon projet fondé sur une exigence de vérité.

2. Vous avez décidé d’axer votre campagne sur un discours très libéral, un choix qui semble avoir convaincu une large partie de l’électorat ?

Lorsque j’étais à 10 % des intentions de vote, les autres candidats admettaient que j’avais le meilleur programme et ils s’en sont inspirés. Depuis, j’ai obtenu plus de 44 % des suffrages. On dit que mon programme est ultra-libéral et n’est plus crédible. Un peu de sérieux. La vérité, c’est qu’il faut sortir de 30 ans de renoncement pour enfin transformer le modèle économique et social de la France. Il faut l’adapter aux réalités du XXIe siècle. Si vouloir faire ce qu’il faut pour retrouver la croissance et l’emploi, c’est être libéral, alors, j’assume le terme “libéral”. Il faut être pragmatique. On ne retrouvera pas la croissance et l’emploi avec des demi-mesures.

3. Pour ce second tour de la primaire, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Jean-Frédéric Poisson ont annoncé vous soutenir. Le début d’une droite rassemblée ?

J’ai reçu immédiatement le soutien de l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Il s’est exprimé avec beaucoup de dignité et une grande émotion. D’autres l’ont suivi à droite au centre : Bruno Le Maire, Hervé Morin, François Sauvadet… L’alternance est à portée de main, nous devons tous être rassemblés pour qu’enfin cesse le quinquennat raté de François Hollande. Les difficultés de notre pays, 6 millions de chômeurs, 2 millions de jeunes qui ne sont ni dans un emploi ni en formation, c’est un véritable échec. Il faut y remédier. Toutes les forces d’où qu’elles viennent seront nécessaires.

4. Qu’est-ce qui vous différencie d’Alain Juppé ?

Je suis à la fois réformateur et intègre, les Français l’ont bien compris. Je mettrai en œuvre ce que j’ai dit. Mon projet est fondé sur un diagnostic lucide de la situation. Je suis par ailleurs clair sur sa méthode : un pacte de confiance doit être passé avec les Français. Les propositions d’Alain Juppé ne sont que des demi-mesures tant au plan économique que dans le domaine social, qui ne suffiront pas à redresser le pays. De plus, il n’aura pas les moyens d’imposer une vraie rupture car il est l’otage de François Bayrou.

5. Deux thématiques paraissent particulièrement intéresser les Français, les questions liées à l’emploi et à la sécurité. Que proposez-vous dans votre programme ?

Bien sûr mettre en place un environnement favorable, il faut restaurer la compétitivité des entreprises, moteur de la croissance et de l’emploi en baissant immédiatement de 50 milliards d’euros les charges et impôts sur les entreprises. Au regard de la situation des finances publiques, le seul moyen de financer cet électrochoc de croissance et d’augmenter les deux taux supérieurs de la TVA de 2 % sans toucher au taux de base s’appliquant aux produits de première nécessité. Pour la sécurité, lutter de manière implacable contre le terrorisme est indispensable, des mesures exceptionnelles doivent être prises. Réduire notre exposition au danger (moins de rassemblements publics notamment), expulser les étrangers qui présentent un danger, rétablir la double peine, appliquer les dispositions qui permettent de condamner à des peines allant jusqu’à 30 ans de prison tous les Français qui entretiennent des relations avec l’ennemi. Sans oublier, qu’au préalable nous devrons mieux sécuriser nos frontières Schengen et accroître la coopération européenne par l’échange de fichiers informatiques, données biométriques. Il est prioritaire de mettre en place sans délai l’accès au fichier passager PNR, indispensable pour contrôler les arrivants et les mouvements.

6. Toujours sur l’emploi, la droite comme le centre ne cessent de décrier les 35 heures. Quelles alternatives proposez-vous ?

On caricature souvent mon programme. Non ce n’est pas de l’ultra libéralisme de vouloir ramener la dépense publique de 57 % du PIB à un peu moins de 50 %, c’est du bon sens ! Oui, je veux réduire de 500 000 le nombre de fonctionnaires dans les trois fonctions publiques (moins de 9 % des effectifs). Cela est possible grâce à la décroissance naturelle liée aux départs en retraite et aux fins de contrats dans les cinq ans qui viennent (450 000 postes) sans casse sociale. Il faut revenir aux 39 heures, cela sera une mesure d’équité entre le public et le privé et qui permettra de compenser les 50 000 postes supplémentaires.

7. La loi NOTRe, sur la nouvelle organisation territoriale, applicable au 1er janvier 2017, bouleverse considérablement la place de la ruralité, comptez-vous la remettre en cause ?

Nous ferons la réforme du conseiller territorial qui permettra de simplifier le millefeuille administratif, de faire des économies budgétaires et de rendre plus lisible les compétences des Départements et des Régions.

8. Il y a deux semaines, se sont déroulées à La Rochelle les 12e Assises de l’économie de la mer. Avec 463 km de côte, il s’agit d’un enjeu majeur pour la Charente-Maritime. La croissance bleue est-elle une de vos priorités ?

Je considère qu’il est de mon devoir de laisser à nos enfants et petits-enfants cette planète dans un état environnemental aussi bon, voire meilleur, que celui qui nous a été légué par les générations précédentes. J’ai toujours été surpris d’entendre que la protection de l’environnement et le développement économique seraient contradictoires. Je pense au contraire qu’ils peuvent et doivent coexister, et que les défis environnementaux sont autant d’opportunités à saisir pour nos entreprises, grandes ou petites, et pour le développement de nouvelles technologies et la création d’emplois sur tous nos territoires.


Propos recueillis pour la PHR par Damien Lê Thanh, Le Littoral de Charente Maritime


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