IVG : en France et en Suisse, deux visions opposées

par | 26 mai 2023

En mettant fin en juin 2022 à la jurisprudence établie par l’arrêt « Roe v. Wade » en 1973, la Cour suprême américaine a relancé le débat sur l’avortement dans le monde. En France, l’IVG pourrait être inscrite dans la Constitution alors qu’en Suisse deux initiatives l’attaquent.

Suisse : menace sur le droit à l’avortement

En 1971, le suffrage féminin en Suisse est introduit au niveau fédéral. Après cette victoire, le combat féministe se porte sur l’avortement. En effet, celui-ci est régi par le Code pénal entré en vigueur en 1942 qui autorise l’avortement uniquement pour des raisons de santé et si la vie de la femme est menacée. Chaque cas est soumis à l’avis d’un expert.

La lutte pour la dépénalisation de l’avortement est lancée en juin 1971 avec le dépôt d’une initiative populaire pour la décriminalisation de l’avortement qui a recueilli 59 000 signatures. Le canton de Neuchâtel dépose alors une initiative cantonale qui demande la suppression des articles 118 à 121 du Code pénal et, de ce fait, la libéralisation complète de l’avortement. Pour contrer cette volonté de libéralisation, une pétition intitulée “Oui à la vie – Non à l’avortement” est lancée une année plus tard.

Elle récolte 180 000 signatures. Les experts chargés par le Conseil fédéral d’étudier la question proposent trois variantes dont la “solution des délais” qui autorise l’avortement pendant les douze premières semaines de la grossesse. Les décennies suivantes sont marquées par plusieurs initiatives populaires. En 1977, notamment, une première tentative visant à la décriminalisation de l’avortement échoue dans les urnes.

Il faudra attendre le 2 juin 2002, lors d’une votation, pour que le peuple accepte à plus de 72 % de décriminaliser l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse. La réglementation est entrée en vigueur le 1er octobre 2002 et a été inscrite dans le Code pénal suisse.

Nouvelles initiatives anti-avortement

Cependant cette loi stipule, en substance, que la femme doit se trouver dans une situation de détresse profonde et qu’elle doit motiver sa décision par écrit, ou que la grossesse représente un risque grave d’atteinte à l’intégrité physique pour que l’avortement ne soit pas pénalement réprimé.

Aujourd’hui, à l’image de ce qui se passe aux Etats-Unis, les menaces sur l’avortement se font également sentir en Suisse. Ainsi, deux initiatives intitulées “La nuit porte conseil” et “Sauver les bébés viables” ont été lancées dont le délai pour la récolte de signatures est fixée au 21 juin 2023.

En 2011, une initiative populaire visant à supprimer l’avortement des prestations de l’assurance maladie de base avait été rejetée. Actuellement, l’intervention est remboursée par l’assurance maladie, déduction faite de la franchise et de la quote-part qui restent à la charge de la patiente.

France : vers l’IVG dans la Constitution

Le 17 janvier 1975, la loi Veil dépénalise l’avortement en France. Elle est l’aboutissement d’un très long combat marqué notamment par différents événements survenus au cours des années précédant la loi parmi lesquels la publication dans le magazine Le Nouvel Observateur d’un manifeste signé de 343 femmes, dont des célébrités, reconnaissant avoir avorté et réclamant la légalisation de l’avortement.

Le 1er février 2023, le Sénat a voté l’inscription dans la Constitution de la “liberté” de recourir à l’avortement, alors que l’Assemblée nationale voulait en garantir le “droit”. De son côté, en mars, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté d’inscrire dans la Constitution la “liberté” de recourir à l’avortement dans le cadre de sa future réforme des institutions.

Autre événement déterminant : l’acquittement, en 1974, pour la première fois, d’une jeune fille qui a avorté après un viol. Cependant si la loi de 1975 est une victoire, rien n’est encore complètement acquis puisque la loi est promulguée pour une durée de cinq ans. L’interruption volontaire de grossesse (IVG) n’est légalisée que le 31 décembre 1979 et, au quotidien, de nombreux médecins refusent de la pratiquer, faisant valoir leur clause de conscience. L’IVG doit obligatoirement être pratiquée par un médecin et avant le seuil des dix semaines de grossesse.

Un délai qui s’allonge

En 1988, la pilule abortive RU 486 est mise sur le marché et, en 1990, l’IVG médicamenteuse est autorisée à l’hôpital. Le début des années 2000 est marqué par l’augmentation du délai légal pour l’avortement de 10 à 12 semaines, l’autorisation pour les médecins de pratiquer l’avortement médicamenteux dans leurs cabinets et le remboursement à 100 % pour toutes les femmes.

À partir de 2014, la loi Veil est modifiée et les femmes n’ont plus besoin de justifier d’une situation de “détresse”. Quant aux professionnels de santé qui empêchent une femme d’avoir recours à l’IVG, ils s’exposent à des poursuites pour “délit d’entrave”. En 2022, la proposition de loi prévoyant de rallonger de 12 à 14 semaines le délai légal de l’IVG a été définitivement adoptée. Cependant face aux menaces sur l’avortement dans le monde, particulièrement aux Etats-Unis, des responsables politiques souhaitaient inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, l’objectif étant d’empêcher toute éventuelle remise en cause à l’avenir.

Le 1er février 2023, le Sénat a voté l’inscription dans la Constitution de la “liberté” de recourir à l’avortement, alors que l’Assemblée nationale voulait en garantir le “droit”. De son côté, en mars, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté d’inscrire dans la Constitution la “liberté” de recourir à l’avortement dans le cadre de sa future réforme des institutions.


Odile Habel


Cet article est paru dans le magazine L’Extension Été 2023 >>

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