En dépit de la pression insistante de ses grands voisins, la confédération maintient sa volonté d’ouvrir les remontées mécaniques. Un pari audacieux, mais à quel prix ?
C’est Noël avant l’heure pour les remontées mécaniques suisses. Le Conseil fédéral helvétique a en effet confirmé, le 4 décembre, qu’elles pourraient continuer de fonctionner pendant la période des fêtes de fin d’année. Il a également renoncé à limiter à 80 % la capacité d’accueil des stations des domaines skiables, comme le prévoyait pourtant la première mouture du projet présenté par le ministre de la Santé Alain Berset.
La seule contrainte concerne les moyens de transport fermés (télécabines et autres téléphériques) qui ne pourront accueillir que deux tiers de leur capacité théorique. Cette solution, somme toute très libérale, illustre le courage – l’inconscience, diront certains – de l’exécutif fédéral qui démontre, si besoin, sa capacité à résister à l’intense pression politique et médiatique exercée conjointement par la France, l’Italie et l’Allemagne qui ont toutes trois décidé de fermer leurs remontées par mesure de précaution.
Au-delà des réelles préoccupations sanitaires, l’inflexibilité de l’irréductible confédération helvète irrite d’autant plus ses grands voisins européens qu’elle peut alimenter un sentiment de défiance au sein de leurs populations. Elle montre en effet que la fermeture des stations n’a rien d’une fatalité, mais qu’elle relève bien d’un choix politique. Le monde savoyard de la montagne regarde avec un mélange d’agacement et de jalousie ce qui se passe en Suisse voisine.
Épée de Damoclès sanitaire
Pour autant, « la situation [sanitaire] reste préoccupante », reconnaissait sans ambages Alain Berset lors de la conférence de presse qui a suivi les annonces confédérales. La Confédération a donc décidé de confier aux cantons la lourde responsabilité de délivrer aux stations des autorisations d’exploitation. À compter du 22 décembre, ils devront se prononcer sur l’opportunité de maintenir ou pas les autorisations en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique, mais aussi du taux d’occupation de leurs hôpitaux et du bon fonctionnement de leurs cellules de traçage.
Quoi qu’il en soit, cette décision a été accueillie avec satisfaction par les cantons alpins et les stations. Celles-ci se sont déclarées, dans un bel unisson, déterminées à se montrer dignes de la confiance accordée. Las, les quelques incidents du week-end dernier – comme cet embouteillage au départ d’une télécabine à Verbier (voir photo), qui a beaucoup fait parler sur Facebook – montre la fragilité de la situation. Une situation d’autant plus délicate que les affaires ne s’annoncent guère florissantes pour des stations privées de leur clientèle étrangère et de l’après-ski.
D’aucuns se demandent si, en croyant sauver leur Noël, les stations helvètes ne sont pas en train de préparer les conditions d’une troisième vague épidémique qui pourrait mettre à mal leur coeur de saison… Et si ce cadeau anticipé était, en fait, empoisonné ?
Par Matthieu Challier
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