Les domaines skiables français visent le zéro carbone en 2037

par | 09 octobre 2020

Le 2 octobre, lors de son congrès annuel à Grenoble, Domaines Skiables de France (DSF) a présenté sa feuille de route pour une montagne durable. 16 éco-engagements ont été adoptés à l’unanimité par les 250 exploitants.

Moins d’un an après son appel à la mobilisation générale pour coconstruire une montagne décarbonée (cf. ECO 2019 n° 45), Alexandre Maulin, le président de Domaines skiables de France (DSF), passe à l’acte. En clôture du congrès annuel de la profession, qui s’est tenu les 1er et 2 octobre à Alpexpo (Grenoble), il a annoncé seize éco-engagements, adoptés à l’unanimité par l’ensemble des opérateurs. Régulièrement pointée du doigt en matière d’environnement, la filière entend verdir et prône une montagne durable.

« DSF VA ALLER PLUS VITE ET PLUS LOIN QUE LES OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT POUR 2050. »

Alexandre Maulin, président de DSF

Développer une dameuse à hydrogène

Au programme de ce socle commun, résultat d’une démarche volontariste, figurent en première ligne le climat et les gaz à effet de serre bien sûr, mais aussi le stockage et la gestion de l’eau et, enfin, la biodiversité et les paysages. Première mesure forte annoncée : atteindre la neutralité carbone en 2037, « pour ne plus émettre un gramme de CO2 dans dix-sept ans, en modifiant nos habitudes de consommation », affiche d’emblée Alexandre Maulin, qui a fait du développement durable une priorité. « Et ce, dans un délai inférieur aux objectifs que s’est fixée la France en 2050.

Car, qui de mieux placés que les exploitants de remontées mécaniques pour constater les effets du réchauffement climatique sur la montagne ? », ajoute-t-il. Pour réussir son pari, la profession mise sur le développement de la dameuse à hydrogène, quand on sait qu’aujourd’hui les engins de damage des pistes sont responsables à 94 % des émissions de gaz à effet de serre produites par les sociétés de remontées mécaniques [il est cependant à noter que, d’après l’Ademe, l’activité remontées mécaniques ne représente que 2 % du bilan carbone d’un séjour à la montagne, très loin derrière les transports (57 %) et l’immobilier (27 %)].

« Les trois principaux constructeurs (Kässbohrer, Prinoth et CM Dupon) ont lancé leurs chantiers pour transformer les moteurs thermiques et la chaîne de traction afin d’aller vers des moteurs à hydrogène », se félicite le président de DSF. Un démonstrateur, mis au point en collaboration avec le CEA, devrait être opérationnel d’ici cinq ans. Le montant de l’investissement est estimé à 4 millions d’euros. S’ensuivra, dans une logique d’industrialisation, le déploiement dans les territoires de montagne de l’hydrogène « Il va falloir créer aussi un modèle économique, avec les élus locaux, pour produire cette ressource et l’étendre à d’autres secteurs (transports publics, BTP…) afin de favoriser une utilisation à l’année, notre activité ne durant que six mois », ajoute Laurent Reynaud, délégué général de DSF.

Par ailleurs, tous les domaines skiables devront effectuer leur bilan carbone dans les trois ans, et tous les conducteurs d’engins de damage seront formés à l’écoconduite d’ici à cinq ans. Cette formation concernera également, d’ici 2022, tous les conducteurs de téléportés débrayables (télésièges, télécabines et téléphériques) afin de réduire la consommation électrique de 10 à 20 %. Enfin, les domaines skiables assumeront la fermeture de certaines remontées mécaniques quand les flux de skieurs seront insuffisants, pour une gestion plus fine de la consommation.

Stocker et partager l’eau

Autre sujet épineux et stratégique : l’eau, et son partage. Avec l’objectif clairement affiché de lisser le prélèvement dans le temps, en stockant l’eau dès que la production annuelle de neige nécessite plus de 100 000 mètres cubes d’eau. « Nous nous engageons à discuter, bassin par bassin, des possibilités de création de retenues d’altitude pour pouvoir prélever l’eau quand elle est en surabondance sur nos territoires, c’est-à-dire à la fonte des neiges, de mars à juin », précise Alexandre Maulin. Ces réservoirs pourront être accessibles aux alpagistes l’été, lors des périodes de sécheresse.

« L’eau est un bien commun que nous devons partager », réaffirme le président de DSF. Ce soutien au pastoralisme n’est pas nouveau et a déjà cours dans plusieurs stations comme Avoriaz, Manigod ou Les Karellis. Toujours dans le dessein de consommer moins d’eau, tous les exploitants dotés d’une flotte d’au moins six engins de damage devront s’équiper d’un système de mesure du manteau neigeux en différents points des pistes, pour optimiser la production de neige de culture au fil de la saison. Celles qui l’ont déjà mis en place économisent jusqu’à 15 % des ressources.

Revégétaliser après chaque terrassement

Dernier grand volet de ce plan : la biodiversité. Là encore, des efforts significatifs vont être faits. D’ici à cinq ans, afin de dimensionner et anticiper les travaux, chaque domaine skiable devra établir un inventaire de la biodiversité de ses espaces naturels en matière de faune et de flore, et de ses zones humides, d’hivernage ou de reproduction. Dans une logique de protection des paysages, la profession s’engage également à revégétaliser « à 100 % avec des semences endémiques » les zones herbeuses et les alpages impactés par des travaux.

S’agissant de la protection des galliformes de montagne (grands tétras dans les Pyrénées et tétras lyres dans les Alpes), tous les câbles de remontées mécaniques présentant un danger seront équipés de repères visuels afin de réduire les risques de collision. De plus, les exploitants devront démanteler leurs friches industrielles, souvent décriées par les associations environnementales. Des corvées seront effectuées dès l’été 2021 avec Mountain Wilderness pour démonter les ouvrages abandonnés et atteindre un rythme de trois par an, a minima, à partir de 2023. Quant aux déchets, chaque station devra organiser au moins une opération de nettoyage par an.

Et des actions de sensibilisation seront aussi menées avec l’École du ski fançais auprès du grand public. « Le meilleur déchet est celui qu’on n’aura pas à ramasser », résume Alexandre Maulin. Et le président de DSF de conclure : « Oui, nous sommes une source de pollution, mais nous allons la traiter. Ces seize écoengagements ne sont qu’une première phase, sur laquelle nous rendrons des comptes, avant de lancer d’autres actions. »


Par Patricia Rey

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