Économie sociale et solidaire : un écosystème de financement dense

par | 04 décembre 2024

France Active Ain et l’AGLCA ont organisé une table ronde dans le cadre du mois de l’ESS, sur les moyens d’améliorer l’impact de la finance solidaire.

« Pour nous, l’économie sociale et solidaire (ESS), c’est d’abord de l’économie. Même si on parle d’activités qui ont une utilité sociale. Elle est constituée d’entreprises qui travaillent à proposer des solutions en réponse à une problématique, de déchets, d’insertion… Et souvent, l’on essaye de construire ces solutions à plusieurs. La dimension collective est très importante. Cela peut donner lieu à des questions de partage de la valeur et de financement, mais que l’on sait résoudre aujourd’hui », a estimé Denis Dementhon, directeur général du réseau d’entrepreneurs France Active à l’échelon national, lors d’une table ronde intitulée “Investir pour transformer la société”.

Un événement organisé le 21 novembre à Bourg-en-Bresse, par la branche aindinoise du réseau et l’AGLCA, centre ressource pour la vie associative et l’ESS, pour clore le mois de l’économie sociale et solidaire. Il s’agissait, pour les deux structures organisatrices, de dresser le portrait et envisager les défis de la finance solidaire.

« L’ESS représente aujourd’hui 15 à 18 % de l’emploi, mais nous ne voyons pas tellement de raisons pour que ce ne soit pas 100 %, pourquoi elle serait cantonnée à des creux de marché et à réparer les dégâts de l’économie traditionnelle, a poursuivi Denis Dementhon. France Active essaye d’avoir, avec d’autres, les collectivités, les épargnants, la finance, une vision offensive. Nous avons vocation à devenir l’économie. »

Le réseau d’entrepreneurs a ainsi financé Opopop, à son démarrage, puis une deuxième fois à travers un prêt participatif. Cette entreprise s’est donné pour mission d’accompagner la transition environnementale par la réduction des emballages dans les flux de transport.

« Nous n’avons pas choisi une forme juridique spécifique à l’ESS, comme celle de coopérative. Car notre activité nécessite du capital. Nous sommes en SAS, mais nos statuts imposent cependant une lucrativité limitée, un partage du pouvoir et un comité d’éthique. De plus, la production de nos emballages et la logistique de leurs retours ont été confiées à des entreprises d’insertion. Nous sommes donc apparentés », a présenté l’un des cofondateurs de la société, Antonin Grêlé-Rouveyre, qui vient de procéder à une troisième levée de fonds, cette fois auprès d’investisseurs privés, auxquels s’est adjoint Bpifrance.

« Je me demande d’ailleurs s’il ne manquerait pas un acteur du financement pour nous permettre, plus tard, d’accéder à l’échelon supérieur », s’est-il interrogé.

Cet acteur pourrait être Lita.co. « Nous sommes partis du constat que l’ESS représentait 10 à 15 % des emplois, mais la finance solidaire seulement 0,5 % de l’épargne. Nous avons donc voulu contribuer à la promouvoir, en proposant à des citoyens de financer des projets en direct, à partir de 100 €, a expliqué Julien Benayoun, l’un des cofondateurs de cette plateforme de financement. Nous jouons un rôle d’intermédiaire, en sélectionnant les projets qui pourront être soutenus en capital ou en prêt. »

Ce soutien intervient cependant en développement. Or le plus délicat, reconnaît Julien Benayoun, c’est la phase de démarrage. « Pour nous, c’est une aubaine qu’il existe des structures comme France Active ou les Cigales, pour supporter le plus gros risque. »

Diversité

Les Cigales, c’est l’acronyme de Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’ESS. « Ces clubs rassemblent entre cinq et 20 personnes, pour une période de cinq ans, au cours de laquelle elles vont mettre en commun leur épargne, de 7,50 € à 450 € par mois, 30 € en moyenne, pour accompagner des projets en amorçage. Un soutien à la fois financier et humain », décrit Yves Durieux, l’un des administrateurs régionaux du mouvement.

Et celui-ci de citer l’exemple de la librairie La Folle Aventure, à Trévoux, accompagnée par trois clubs. Cette société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) a permis « de créer de l’emploi, de l’intérêt pour la lecture et de l’animation. Une richesse de projet qui nous intéresse beaucoup ».

La dimension et le besoin de financements sont cependant tout autres pour l’association Tremplin qui, elle, œuvre dans le domaine de l’hébergement et de l’insertion, via un accompagnement individualisé.

« Une structure comme la nôtre est très gourmande en investissements. Maraîchage, traiteur, restaurant, magasins, tri et recyclage des textiles… Nous avons une quinzaine d’entreprises différentes, chacune avec leurs besoins. Et nous avons en plus du patrimoine immobilier à gérer et à entretenir, explique son directeur, Martial Do. Le premier de nos investisseurs, c’est nous. Nos capacités d’autofinancement doivent être le fonds d’amorçage de nos projets. Pour autant, les effets de seuil sont importants. Et c’est là que nous avons besoin de lever des fonds. »

Pour y faire face, l’association a eu recours, il y a trois ans, à un outil original à hauteur de 1 M€ : le titre associatif. « C’est un système obligataire, une sorte d’avance sur excédents », décrit le directeur qui a été suivi dans cette démarche par France Active et la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes. La CERA qui, en tant que banque coopérative, est elle-même une structure de l’ESS. Et elle a créé en 2017 un service dédié à cette économie, qui suit quelque 1 600 structures.

Collégialité

« Nous sommes souvent cinq ou six acteurs à intervenir sur un projet, observe le directeur de ce service, Frédéric Hello. On se contre-garantit, on se contre-rassure et parfois, on fait évoluer les projets. C’est un peu la famille, le village qui prête. » Pourtant, malgré cette diversité d’acteurs et cette coopération, certains porteurs de projets sont obligés de revoir leur approche. Sandra Febvre a repris en 2018, avec son mari Thierry Nguyen, la plus vieille colonie de vacances privée de l’Ain, le Pré Jeantet, dans l’idée de la réhabiliter en site d’accueil de groupes (mariages, séminaires…) et en entreprise d’insertion.

« Tous les acteurs que nous avions rassemblés ont été unanimes à nous conseiller de développer d’abord le volet économique avant le volet insertion, le premier servant d’appui au second. » Il faut dire que la réhabilitation, portée par une SCI, demande à elle seule 2 M€ d’investissements. L’activité événementielle, elle, est portée par une SARL tandis qu’une association a commencé à préfigurer ce que sera la future structure d’insertion.

Dans cette démarche, le couple d’entrepreneurs a pu mobiliser deux emprunts bancaires, obtenir le soutien de France Active et du réseau Initiative Bellegarde Pays de Gex, et être conseillé par Finacoop, une coopérative d’experts-comptables, pour structurer son projet. Un projet dont la complexité illustre bien, pour Denis Dementhon, la nécessité pour l’ESS de développer ses propres outils de financement.

L’économie sociale et solidaire représente 18 % des entreprises et 15 % de l’emploi, sur le territoire de Bourg-en-Bresse Agglomération.

Patience et longueur de temps…

Quand des projets recouvrent plusieurs dimensions et visent plusieurs grands buts, le défi est de trouver des financeurs patients et prêts à accepter un rendement modeste. « La finance solidaire se doit d’être pédagogique et convaincante », estime en conséquence Denis Dementhon, directeur général de France Active. Exit, donc, les projets qui ne relèvent que du green washing ou du social washing.

« Les acteurs de la finance eux-mêmes doivent faire des efforts sur les frais et leur modèle économique, pour ne pas imposer des rentabilités inaccessibles, ajoute-t-il. Il leur faut également nouer des alliances pour accompagner et sécuriser les projets. » Frédéric Hello, directeur du secteur économie sociale et solidaire de la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes va même plus loin, en suggérant la création de filiales communes entre représentants de l’ESS et de l’économie traditionnelle. Encore faudrait-il que les acteurs de l’ESS ne se regardent pas parfois en chiens de faïence, regrette-t-il.


Sébastien Jacquart

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