Je n’ai pas regardé France-Australie, le premier match des Bleus dans la Coupe du monde au Qatar. Je n’ai pas boycotté ; simplement, j’étais pris ce soir-là. Et, pour être honnête, je ne sais pas encore si je regarderai les suivants.

Entre la neige tombée sur les sommets et un agenda très chargé, je n’ai pas vraiment la tête au foot. D’autant que, dans mon esprit, le mondial renvoie plutôt aux chaleurs estivales et aux vacances. Ce que j’ai pu en lire, après coup, c’est que ce match a été la plus forte audience télé en France depuis le début de l’année : ça semble râpé pour le boycott… Au passage, Poutine et ses chars, ou Emmanuel Macron et les députés, peuvent rester au vestiaire : l’invasion armée d’un pays européen ou la composition du nouveau pouvoir politique national intéresse moins les Français qu’une confrontation même pas éliminatoire avec la 38e nation au classement de la Fédération internationale de foot (Fifa ; la France est 4e).
Dans les comptes-rendus, j’ai aussi lu qu’après un mauvais départ, la France avait su se ressaisir pour, finalement, faire triompher son collectif et ses valeurs. Et ça, je me suis dit que c’était une bonne nouvelle. Parce qu’elle en a bien besoin, la France, de se ressaisir.
Vous l’avez compris, je viens, par une pirouette de style, de passer de la France du foot à la France tout court. Et si je parle de se ressaisir, c’est parce que trois infos dans l’actualité plus ou moins récente m’ont profondément choqué.
Le premier, c’est la révélation des conversations entre le centre de sauvetage maritime français et le bateau de migrants qui a fini par faire naufrage dans la Manche il y a un an (24 novembre 2021). Multiples coups de fil et transmission des coordonnées GPS n’ont eu comme réponse que des promesses non tenues d’envoyer un bateau. Bilan : vingt-sept morts, dont six femmes et une fillette.
Le deuxième, c’est la fin de l’expérimentation judiciaire sur les “mules”, en Guyane : entre juin et septembre, les convoyeurs de moins de 1,5 kilo de cocaïne arrêtés à Cayenne avant leur embarquement pour Paris n’étaient carrément plus poursuivis pénalement ! C’est la découverte de cette expérimentation qui m’a choqué, pas sa fin. Les autorités avaient tenté le coup pour freiner le trafic (moins de paperasse, plus de contrôle) : elles estiment à une centaine par jour (!) le nombre de “mules” tentant de prendre un avion pour la France les tripes remplies d’ovules de “coke”.
« J’habite un pays qui laisse des familles se noyer au milieu de la mer, qui est dépassé par les déferlantes de dealers, et dont l’un des départements semble au bord de la guerre civile. Et avec tout ça, vous voudriez que je pointe du doigt le Qatar et que je boycotte la Coupe du monde ? »
Enfin, le troisième fait d’actualité qui m’a interpellé, c’est la situation à Mayotte : les luttes entre bandes de jeunes – souvent des mineurs non accompagnés issus de l’immigration comorienne clandestine – provoquent le chaos dans le département, à coups de meurtres, d’agressions et de vandalisme. Dans ces trois infos, un point commun : la misère sociale sème la violence et la mort.
Au final, moi qui croyais habiter la Patrie des droits de l’Homme, j’habite un pays qui laisse des familles se noyer au milieu de la mer, qui est dépassé par les déferlantes de dealers, et dont l’un des départements semble au bord de la guerre civile. Et avec tout ça, vous voudriez que je pointe du doigt le Qatar et que je boycotte la Coupe du monde ? J’ai plutôt envie de crier : « Allez, la France !… Ressaisis-toi ! »
Éric Renevier
Image à la une : licence Creative Commons
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