Tarifs US, incertitudes, budgets serrés : Genève reste compétitive mais vigilante. Delphine Bachmann, Conseillère d’État du canton de Genève chargée du Département de l’économie et de l’emploi, mise sur l’innovation, les talents du Grand Genève et les bilatérales UE pour une croissance durable. Interview.
Quel regard portez-vous sur 2025 ?
Notre économie reste solide : Genève fait partie des cantons les plus compétitifs du pays, avec un PIB parmi les plus élevés et une place de premier plan dans les exportations suisses. Mais il serait illusoire de dire que tout va bien. L’instabilité géopolitique, la hausse des droits de douane et les réductions budgétaires dans la Genève internationale pèsent sur nos perspectives. Nous devons donc rester vigilants et lucides : l’année 2025 est marquée par une situation contrastée, entre la résilience de notre économie et des incertitudes importantes.

Quelles sont les perspectives pour 2026 ?
Au niveau national, la croissance sera modeste, et Genève n’échappe pas à ce ralentissement. Cela dit, beaucoup d’entreprises genevoises restent confiantes pour les prochains mois, en particulier dans les services. Mais d’autres secteurs sont clairement fragilisés : l’industrie, la construction ou encore le commerce, notamment en raison du triplement des ventes en ligne selon une étude de consommation menée dans le Grand Genève. En d’autres termes, 2026 s’annonce comme une année de défis, où certains réussiront à tirer leur épingle du jeu, mais où d’autres auront besoin d’un soutien accru de l’Etat.
Avec l’augmentation des droits de douane aux Etats-Unis, quels sont les secteurs d’activité les plus touchés ?
Nous exportons 15 % de nos produits vers les États-Unis (désormais notre principal marché). Sur un total de 3,5 milliards de francs d’exportations, les principaux secteurs touchés sont l’horlogerie (2,4 milliards), la bijouterie (700 millions) et, dans une moindre mesure, la chimie. Genève n’est pas le canton le plus touché de Suisse, mais nous sommes préoccupés par la situation, qui impacte d’ores et déjà des entreprises, mais aussi des soustraitants industriels.
Globalement, faut-il craindre pour l’emploi en 2026 ?
Après plus d’une décennie de forte croissance de l’emploi, nous observons aujourd’hui un léger repli. C’est le reflet de la situation internationale, pas un problème spécifiquement genevois. Mais nous avons décidé d’agir sans attendre. Avec la nouvelle stratégie économique cantonale présentée le 21 août dernier, nous posons un cap pour l’avenir : consolider nos secteurs historiques tout en misant sur de nouveaux domaines prometteurs, comme les sciences de la vie, le numérique et les industries créatives. C’est ainsi que nous pourrons préserver et développer l’emploi à long terme.
Avec le départ de la SGS, peut-on craindre pour l’attractivité de Genève à l’avenir ?
Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. Le départ de la SGS est regrettable, mais c’est une exception, pas une tendance. Genève reste l’un des cantons suisses les plus attractifs pour les entreprises multinationales, dont le nombre a fortement augmenté ces dix dernières années. Nos atouts sont réels : un aéroport à deux pas du centre, des universités et hautes écoles de renom, des infrastructures de qualité et une stabilité politique reconnue. Nous devons toujours rester combatifs, mais notre attractivité reste intacte et l’ensemble du Conseil d’Etat travaille à la renforcer.
Quelles sont les pistes pour conserver l’attractivité de Genève ?
L’ouverture est dans notre ADN, et c’est elle qui fait notre force. Dans ce contexte, les nouveaux accords bilatéraux avec l’Union européenne sont plus nécessaires que jamais. Genève est un canton attractif et dynamique, mais son économie ne vit pas en vase clos. Avec 420 000 emplois pour seulement 243 000 résidents actifs, nous avons besoin du Grand Genève pour trouver les talents indispensables à notre prospérité. En parallèle, le Conseil d’État travaille transversalement pour améliorer les conditions-cadres de notre économie, qu’il s’agisse notamment de fiscalité ou d’aménagement du territoire. Nous misons également sur l’innovation, l’accompagnement aux grandes transitions et des allègements administratifs qui pèsent encore lourd dans la charge quotidienne. Notre objectif est clair : permette aux entreprises de prospérer, de trouver des nouveaux leviers de croissance et de grandir à Genève. Cette démarche s’inscrit aussi dans une logique de complémentarité par rapport au tissu économique local. En effet, nous misons sur une croissance équilibrée, de qualité et durable.
Propos recueillis par Odile Habel
Photo à la une : PhotoHound sur Unsplash
Cet article est issu de notre magazine La Frontière en chiffres 2025-2026 >>








0 commentaires