Liv Sansoz : « La montagne pour me faire plaisir »

par | 18 avril 2025

Double championne du monde et triple vainqueur de la Coupe du monde d’escalade, Liv Sansoz s’est tournée vers l’alpinisme après sa carrière de haut niveau. Le 26 juillet 2024, avec son compagnon Bertrand Roche, la Savoyarde a réalisé l’ascension sans oxygène du K2 (8 611 m, Pakistan), deuxième sommet le plus haut au monde, avant une descente en parapente biplace.

Installée comme guide de haute montagne dans la vallée de Chamonix, elle reste profondément attachée à la montagne. Interview.

Près d’un an après la réussite de votre expédition au sommet du K2, quelles émotions retenez-vous ?

Le K2 est une montagne redoutée et redoutable. Nous savions très bien, avant de partir, que la probabilité de réussir était infime. Déjà arriver au sommet et sans oxygène, peu d’hommes et encore moins de femmes y sont parvenus.

Beaucoup et encore plein d’images, car nous réalisons un film de cette expédition (sortie prévue ce printemps dans les festivals) et du coup, lors des visionnages, nous réactualisons dans nos têtes ce que nous avons vécu : une aventure incroyable.

Vous en parlez ainsi parce que c’est le K2 ou parce qu’elle a été partagée avec votre compagnon ?

C’est un ensemble de choses qui font que nous avons du mal, même quelques mois après, à réaliser ce que nous avons réussi. Ce projet, nous avons commencé à en rêver en 2020. Le K2 est une montagne redoutée et redoutable. Nous savions très bien, avant de partir, que la probabilité de réussir était infime. Déjà arriver au sommet et sans oxygène, peu d’hommes et encore moins de femmes y sont parvenus. À cette ascension, nous avons ajouté la descente en parapente biplace avec tout ce que cela implique. C’était la seconde grande inconnue. Tout ça mis bout à bout fait que ça a été quelque chose d’extrêmement fort.

Vous êtes une ancienne membre de l’équipe de France d’escalade. Il est rare de voir d’anciens grimpeurs ou grimpeuses se tourner vers l’alpinisme.

Il est vrai que tous les grimpeurs, et notamment les grimpeurs de haut niveau, ne se tournent pas forcément vers l’alpinisme. J’ai grandi à Bourg-Saint- Maurice et quand j’avais 10/11 ans, je voyais mon papa partir en ski de randonnée. Il m’a emmenée et j’ai commencé à m’intéresser à la montagne. À 14 ans, j’ai fait le mont Blanc avec lui. Quand j’ai intégré l’équipe de France, vers 16 ans, je n’avais plus trop le temps d’aller en montagne. Mais elle était quand même toujours présente dans ma vie. C’est quand j’ai mis un terme à ma carrière de compétitrice que, assez naturellement, j’y suis retournée.

Comment appréhendez-vous la montagne ?

Je suis née dans une région montagne, mes parents m’ont transmis une certaine forme d’amour pour elle, mais plutôt dans le sens contemplation et protection. C’est un environnement vulnérable qu’il faut vraiment protéger. Grimpeuse, vous étiez dans une démarche de performance.

Est-ce la même chose avec l’alpinisme ?

J’ai surtout pratiqué la montagne pour me faire plaisir, voir des beaux sommets… Quand j’ai réalisé les 82 “plus de 4 000 m” des Alpes (2017), c’était pour découvrir toute cette richesse, plus que dans une idée de performance. Au final, c’est sûr que le K2 est une performance, d’autant que peu de femmes l’ont déjà réalisé. Mais la haute performance, je l’ai pratiquée en compétition avec les mêmes règles pour tout le monde. Là, je fais de l’alpinisme pour le plaisir que ça m’apporte d’être sur un nouveau sommet, de découvrir une nouvelle ligne, et d’apprendre de nouvelles techniques.

Je suis née dans une région montagne, mes parents m’ont transmis une certaine forme d’amour pour elle, mais plutôt dans le sens contemplation et protection.

Vous avez touché à tout : escalade, grimpe urbaine, base jump… Qu’est-ce qui vous motive ?

La curiosité. C’est-à-dire apprendre, découvrir d’autres facettes de sa discipline ou un nouveau sport. C’est toujours enrichissant dans le sens où des transferts peuvent se faire de ce que l’on connaît déjà.

C’est dans ce cadre de réflexion que vous êtes devenue guide de haute montagne ?

C’est la même chose. Guide, c’est un métier où tu apprends tous les jours avec tes clients, avec les conditions changeantes de la montagne… C’est très enrichissant parce que tu es tout le temps en train de d’anticiper, de te poser des questions… La montagne te fait évoluer, ta pratique évolue parce que toi-même tu évolues.

Quels sont les projets qui vous animent ?

Je suis très montagne donc je ne me vois pas faire une traversée avec une pulka par exemple. Les expéditions, ce sont des projets qui vont coller avec celle que je suis. Il ne faut pas que tout dans la vie soit une mission. Partir sur un projet solide prend déjà tellement d’énergie et d’engagements qu’au retour, on est fatigué. Il ne faut pas que toute l’année soit ainsi. Il faut s’aménager des temps pour respirer.

Savoyarde

Liv Sansoz est née le 12 février 1977 à Bourg-Saint- Maurice.

Projets

« L’été 2025 sera beaucoup plus tranquille, mais peut-être que l’automne sera en altitude (rires). Nous verrons. Ça va vraiment dépendre des budgets que nous arriverons à trouver. »


Propos recueillis par Benoît Prato.


Cette interview est issue de notre magazine Naturez-Vous Printemps-Été 2025, accès libre et gratuit ici >>

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