Dossier Pollution : atmosphère, pour y voir plus clair…

par | 22 juin 2018

La pollution de l’air en France est à l’origine chaque année de 48 000 morts prématurées. Dépassement des seuils d’alerte et concentrations de particules fines rythment régulièrement le quotidien des habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le trafic routier, largement pointé du doigt, n’est pas le seul en cause. Riverains, professionnels et élus sont à la recherche de solutions durables.

L’annonce a fait grincer quelques dents au début du mois de juin : Bruxelles envisage d’appliquer le principe de pollueur-payeur sur les autoroutes ! Les députés européens planchent en effet sur un projet de surtaxe aux péages en fonction des émissions de CO2 du véhicule et de la distance parcourue. Cette redevance entrerait en vigueur dès 2021 pour les poids lourds et camionnettes liées au transport de marchandises, et à partir de 2026 pour l’ensemble des usagers de la route, y compris les véhicules légers et les motos. Cette proposition émane du rapport de l’eurodéputée française Christine Revault d’Allonnes- Bonnefoy, qui précise également que cette surtaxe pourrait être encore plus élevée « dans les régions montagneuses et autour des agglomérations, dans la mesure où la moindre dispersion, la pente de la route, l’altitude ou les inversions de température le justifient ».

Si le texte provoque l’ire des automobilistes, il répond néanmoins à la nécessité de réduire les émissions de polluants dans l’atmosphère. Rappelons que la France est l’un des cancres de l’Europe pour la qualité de l’air et qu’elle a été convoquée le 30 janvier par Bruxelles pour dépassement des seuils réglementaires européens de pollution de l’air pour les particules fines PM10 et pour le dioxyde d’azote (NOx), et parmi les zones concernées figurent Grenoble, Lyon, les zones urbaines de Rhône- Alpes et la vallée de l’Arve. L’Hexagone est ainsi sous la menace de deux procédures parallèles, ayant toutes deux trait à la pollution atmosphérique : l’une du conseil d’État, l’autre de la Commission européenne.

Si cette dernière décide de saisir la Cour de Justice, la France pourrait être contrainte à de lourdes astreintes financières. Pourtant, Atmo Auvergne-Rhône- Alpes (AURA), l’observatoire chargé de la surveillance et de l’information sur la qualité de l’air dans la région, souligne une baisse de plus de 30 % des émissions de particules fines sur les dix dernières années. Mieux, 2017 a été la première année où ont été respectées les normes réglementaires sur les particules fines et les poussières en suspension, en partie en raison des conditions météorologiques.

« Mais les valeurs sanitaires, fixées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ont été largement dépassées dans la région, tempère aussitôt Didier Chapuis, directeur territorial d’Atmo AURA. De nombreuses populations sont impactées : plus de deux millions d’habitants sont concernés par les dépassements de normes sanitaires. Les trois quarts de la population régionale subissent les émissions de particules fines (PM 2,5). » La partie Rhône-Alpes est particulièrement touchée en raison d’une urbanisation dense, de conditions météorologiques continentales et d’une topographie pénalisante.

« UN CAR POLLUE SIX FOIS MOINS QU’UNE VOITURE, C’EST DU COVOITURAGE À 50 ! » 
Alexandre Geoffroy

Une dégradation aux origines humaines

Le trafic routier est pointé du doigt, avec de grands axes régulièrement engorgés et saturés. Beaucoup réclament le développement des transports en commun pour juguler la hausse de la circulation automobile. « Le transport de voyageurs par car est responsable seulement de 2 % des émissions de CO2, rappelle Alexandre Geoffroy, délégué régional de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) AURA. Un car pollue six fois moins qu’une voiture, c’est du covoiturage à 50 !

Pourtant, les infrastructures actuelles sont inadaptées au transport routier actuel. Nous demandons une concertation pour assurer un meilleur maillage par capillarité du territoire : mieux desservir les zones rurales ou de montagne, donner le choix aux habitants de ne pas prendre leur voiture. » Tous réclament de mettre les modes de transports en correspondance et non en concurrence. De quoi parle-t-on précisément ? Les polluants atmosphériques qui dégradent l’air de la région Auvergne- Rhône-Alpes sont les particules fines en suspension dans l’air.

Les PM10, inférieurs a 10 micromètres, sont émises principalement par les installations de combustion (chauffage), l’industrie et les transports. Les PM 2.5 sont plus petites (moins de 2.5 μm) et donc plus nocives car elles péne trent plus profondément dans les voies respiratoires et ont un impact sanitaire plus important. Elles émanent également du chauffage urbain, de la circulation automobile et de l’industrie. L’air de la région est également pollué par les oxydes d’azote, les fameux NOx, liés au trafic routier, ainsi que par l’ozone lors des épisodes de chaleur. Cette dernière pollution concerne surtout les territoires du sud de la région (Drôme, Ardèche) et les zones de montagne dans les Savoie, l’Isère et le Massif Central.

Les vallées, piège à pollution

Les zones de montagne ne brillent plus par la pureté de leur air car leurs spécificités topographiques génèrent des phénomènes météorologiques spécifiques qui empêchent la circulation de l’air. Les polluants sont piégés au fond des vallées en raison des phénomènes d’inversion de températures et de fortes concentrations de particules fines. La vallée de l’Arve en Haute-Savoie est devenue emblématique de ces problèmes récurrents.

Le chauffage au bois est désigné comme la principale source de pollution, mais ce n’est pas la seule, car la vallée de l’Arve compte de nombreuses usines spécialisées dans le décolletage et elle est traversée chaque année par près de 600 000 poids lourds empruntant le tunnel du Mont-Blanc et des flots de touristes qui accèdent périodiquement aux stations de ski depuis l’A40. Or une étude de Santé publique France de septembre 2017 montre que les particules fines PM 2,5 (de diamètre inférieur à 2,5 μm) sont responsables de 8 % de la mortalité prématurée annuelle dans la vallée de l’Arve, soit 85 morts estimés. Une baisse de 30 % des concentrations annuelles de PM 2,5 permettrait de diviser par deux ce chiffre.

La vallée de l’Arve est en quelques années devenue un véritable laboratoire où sont expérimentées des pratiques qui pourraient être exportées dans la région (Grenoble-Alpes Métropole, Grésivaudan et pays voironnais, Valence Romans Sud Rhône- Alpes). Autre aspect innovant, les habitants se sont appropriés la problématique de la qualité de l’air, accompagnés par les élus et les entreprises pour préserver leur cadre de vie et le développement économique de la vallée.

« LES ZONES DE MONTAGNE NE BRILLENT PLUS PAR LA PURETÉ DE LEUR AIR. »

Le chauffage au bois est désigné comme la principale source de pollution, mais ce n’est pas la seule, car la vallée de l’Arve compte de nombreuses usines spécialisées dans le décolletage et elle est traversée chaque année par près de 600 000 poids lourds empruntant le tunnel du Mont-Blanc et des flots de touristes qui accèdent périodiquement aux stations de ski depuis l’A40.

Covoiturage : l’engagement green des entreprises

Lancé en mars 2017 après des épisodes de pollution à répétition, le Groupement pour la responsabilité environnementale des entreprises (GREEn) Haute Savoie Mont-Blanc réunit des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs pour mettre en place des actions concrètes destinées à améliorer la qualité de vie dans la vallée de l’Arve. Partant du constat que la voiture est le moyen de transport le plus utilisé pour se rendre au travail, GREEn a d’abord agi sur le thème de la mobilité en signant un partenariat avec une application mobile pour faciliter le covoiturage sur des trajets quotidiens domicile-travail.

Fondé par 20 entreprises, il compte désormais 75 entreprises adhérentes, collectivités et collèges, fédèrant 7500 collaborateurs. « 700 à 800 personnes sont référencées sur l’application et 30 % l’utilisent quotidiennement, précise Didier Lathuille, vice-président de GREEn Haute Savoie Mont-Blanc et dirigeant de Lathuille Hudry. Nous travaillons sur une pédagogie globale pour faire changer les mentalités. » Lathuille Hudry, une PME de la vallée, a ainsi mis gratuitement trois vélos à assistance électrique à la disposition de ses salariés. plusieurs souhaitent acheter leur propre vélo, tandis que le groupement négocie avec des fournisseurs un tarif particulier pour les adhérents.

Les entreprises du groupement comptent étendre le champ de leurs actions vers d’autres modes de mobilité, le développement du télétravail, l’économie des déchets et l’amélioration énergétique des bâtiments. « Pour faire changer les pratiques, nous conseillons aux entreprises de mettre sur pied des équipes-projets pluridisciplinaires sur des thématiques données, poursuit-il, et de leur octroyer du temps. Le mouvement est pris en main par les salariés eux-mêmes. Ils sont fiers et l’intelligence collective est bénéfique. » Ces groupes de travail vont expliquer ces nouvelles pratiques dans d’autres entreprises, ce qui permet de les étendre rapidement. GREEn réfléchit à la réalisation d’outils méthodologiques et de tutoriels.

Partant du constat que la voiture est le moyen de transport le plus utilisé pour se rendre au travail, GREEn a d’abord agi sur le thème de la mobilité en signant un partenariat avec une application mobile pour faciliter le covoiturage sur des trajets quotidiens domicile-travail.

Savoie : l’hydrogène pour rouler « décarboné »

Depuis cet hiver, les salariés de l’agence de développement Chambéry-Grand-Lac-Economie peuvent utiliser 15 vélos à hydrogène pour leurs trajets domicile-travail et leurs déplacements professionnels. Une borne de recharge a été installée face à l’INES, une autre sera implantée dans Chambéry d’ici fin juin. « À Savoie Technolac, la borne est alimentée par l’énergie photovoltaïque que génère la route solaire Wattway, explique Geoffroy Ville, responsable commercial d’Atawey. Le plan hydrogène présenté par le gouvernement est un bon signal pour le déploiement de la filière. »

Cette start-up savoyarde a conçu ces bornes de recharge dans le cadre du projet CARGHO mené pour trois ans avec Grand Chambéry, quatre communes (Aix-les-Bains, Chambéry, La Motte Servolex, Le Bourget-du-Lac) et quatre entreprises du territoire. Avec une autonomie de 100 km et un temps de recharge inférieur à deux minutes, ces vélos devraient séduire les usagers cet été. Cargho s’inscrit dans le projet Zero Emission Valley de la région Auvergne- Rhône-Alpes qui prévoit l’installation de 20 stations de recharge d’hydrogène dans la région avec mille véhicules à hydrogène en circulation. Une station destinée aux voitures sera implantée à Chambéry en 2019.


Dossier réalisé par Dorothée Thénot

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