Lors de ce qui devait être la réunion de la dernière chance, l’intransigeance helvétique a sidéré l’Union européenne. De quoi rendre le dénouement de cet ultra‑trail institutionnel toujours plus incertain.
Ceux qui espéraient voir une fumée blanche s’élever dans le ciel bruxellois devront repasser. La rencontre au sommet entre Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et Guy Parmelin, le président de la Confédération helvétique, ce vendredi 23 avril, n’a finalement pas permis de relancer les négociations autour de l’accord-cadre qui doit clarifier les relations entre les deux entités.
3 points litigieux
Pourtant, cette réunion dite “de la dernière chance” – la première entre les exécutifs des deux belligérants depuis plus d’un an – devait permettre d’amorcer l’épilogue de ces négociations interminables engagées il y a plus de dix ans. Cela devait être, pour Guy Parmelin, l’occasion de dissiper les doutes européens autour de la réelle volonté de la Confédération de conclure cet accord-cadre institutionnel qui doit chapeauter les quelque 120 accords bilatéraux conclus au fil du temps avec son grand voisin.
Las, le président a finalement expliqué à ses interlocuteurs sidérés que la Suisse estimait avoir fait suffisamment de compromis et que le projet d’accord – qu’elle a pourtant validé en 2018 – était trop en sa défaveur. Et d’exiger que les trois points litigieux qui suscitent l’émoi dans la Confédération, et sur lesquels elle avait demandé des « clarifications » – les aides d’État, la protection des salaires et la directive sur la citoyenneté – soient finalement sortis de l’accord.
Prise au dépourvu, la Commission européenne s’est empressée de préciser, par la voix de son porte-parole en chef : « Nous pouvons trouver des solutions pratiques sur les trois points qui préoccupent la Suisse, mais il est tout simplement impossible de les retirer de l’accord. » Alors, l’accord serait-il mort ? Non, veut croire l’UE, qui se dit convaincue qu’il reste des marges de manoeuvre pour trouver un compromis.
Quant à l’exécutif helvète, difficile pour l’heure de savoir si sa posture jusqu’au-boutiste fait partie d’une stratégie de la dernière chance pour arracher d’ultimes concessions, ou si elle trahit le fait qu’il a déjà fait une croix sur cette négociation. Quelle que soit l’option finalement retenue, la Confédération devra faire preuve de beaucoup d’imagination si elle souhaite continuer de commercer sereinement avec son premier partenaire économique.
Du chantage à l’horizon
Et si la recherche helvétique était la première victime collatérale du différend entre la Suisse et l’Union européenne (UE) au sujet de l’accord-cadre institutionnel ? Agacée par l’inertie de la Confédération sur ce dossier, l’UE refuse d’entamer des discussions exploratoires pour l’associer à son programme de recherche Horizon Europe (2021-2027). Un enjeu de taille pour les chercheurs suisses qui craignent que la perte de l’accès aux millions des bourses ERC (European Research Council) n’entraîne une forme de relégation.
Ce 26 avril, l’UE vient aussi de conditionner une hypothétique inclusion de la Suisse dans ce programme au règlement préalable, par Berne, de son ardoise due au titre du “milliard de cohésion” (dispositif visant à réduire les disparités économiques et sociales au sein de l’UE). La Suisse a en effet gelé ses versements depuis que l’Europe lui a retiré l’équivalence boursière (en juillet 2019), toujours dans le cadre des négociations sur l’accord institutionnel…
Par Matthieu Challier
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