En formation initiale comme en reconversion, les femmes se laissent tenter toujours plus nombreuses par les métiers de la construction.
Des filles dans le bâtiment et les travaux publics ? « Dans les années 1990, nous en avions une tous les deux ou trois ans. Aujourd’hui, nous en comptons 24 parmi nos apprentis », relève Laurent Molard, chargé de relation entreprises du CFA BTP de l’Ain. Et le phénomène ne concerne pas que les jeunes, loin de là.
La préfète Chantal Mauchet – qui visitait l’établissement jeudi 7 mars, dans le cadre du plan de lutte contre les inégalités femmes-hommes “Toutes et tous égaux” présenté le 8 mars 2023 par le Gouvernement – a pu le constater : des femmes en reconversion s’orientent aussi vers le secteur de la construction.
Certaines, même, enseignent aujourd’hui, à l’image d’Aurore Barthélémy. Secrétaire, cette dernière s’est reconvertie comme peintre en bâtiment en 2017. Elle a été formée dans une entreprise tenue par une femme, puis s’est mise à son compte en autoentreprise, avant de faire sa rentrée au CFA comme formatrice, en septembre dernier. « Je rêvais d’enseigner depuis le collège », confie-t-elle.
Dans l’atelier menuiserie travaillent deux dames qui préparent un Titre professionnel de menuisier agenceur bois et dérivés. Une formation de huit mois. Parmi elles, Anne, ancienne assistante de direction, regrette qu’au moment de se reconvertir, France Travail n’ait su que lui proposer des métiers identifiés comme féminins, notamment dans le domaine du soin à la personne.
« Ma collègue et moi avons dû forcer un peu notre orientation, remarque-t-elle. Beaucoup de jeunes filles sont attirées par le bâtiment. C’est dommage, au collège comme dans l’enseignement pour adulte, de toujours rester sur les mêmes stéréotypes. »
Lilou Berthoud en a fait l’expérience. Elle s’était orientée vers les métiers de la petite enfance et de l’accompagnement de la personne, en MFR, mais n’y trouvait pas son compte. Aussi a-t-elle obtenu de déroger au parcours classique et de faire un stage en peinture en bâtiment.
« Elle peignait déjà très bien », se souvient son employeur, Bruno Guichardan, dirigeant de la SAS Guichardan à Feillens, chez qui elle s’épanouit aujourd’hui. Elle a même concouru aux Worldskills, terminant 9e sur 17 aux épreuves régionales au bout de six mois d’apprentissage, face à des élèves en troisième année. « Elle avait besoin d’autre chose, de voir le résultat concret de son travail », explique sa maman.
Après avoir accueilli des collégiennes ce jeudi 7 mars, le CFA organise des portes ouvertes les 16 mars, 10 avril et 24 mai. « Nous insistons auprès des jeunes et de leurs parents sur l’importance de faire des stages, comme les stages obligatoires de 3e, pour trouver sa voie », note la directrice d’établissement, Nathalie Ferrier. « Les techniques ont évolué, notamment avec des solutions comme les exosquelettes. Tous les métiers sont accessibles à tous les sexes. »
« Deux fois plus de filles en 10 ans »
« Il y a dix ans, en 2011-2012, on comptait en France, 3,5 % de jeunes femmes en formation vers un métier du BTP par la voie de l’apprentissage. Elles étaient pratiquement le double en 2020-2021, 5,9 %, relève la préfète, Chantal Mauchet. Mais, cela reste faible. Il faut l’effort de tous pour améliorer ces chiffres. Nous avons deux priorités aujourd’hui, dans nos sociétés : aller vers le plein-emploi et vers davantage de parité hommes-femmes. Ces priorités exigent notamment de mieux orienter les jeunes et les publics en reconversion, en levant les préjugés sur les métiers pour augmenter leur attractivité et tendre vers l’égalité professionnelle en évitant qu’ils soient trop genrés. La mixité est un vecteur de progrès social important. »
Sébastien Jacquart
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